Méditation avec Le Traité de l'Amour de Dieu de St François de Sales 1er mai
CHAPITRE X
Que nous repoussons bien souvent l'inspiration et refusons d'aimer Dieu.
Malheur à toi, Corozaïn ! malheur à toi, Bethsaïda ! car si en Tyr et Sidon eussent été faites les vertus qui ont été faites en toi, ils eussent fait pénitence avec la haire et la cendre c'est la parole du Sauveur.
Oyez donc, je vous prie, Théotime, que les habitants de Corozaïn et Bethsaïda, enseignés en la vraie religion, ayant reçu des faveurs si grandes qu'elles eussent en effet converti les païens mêmes, néanmoins ils demeurèrent obstinés, et ne voulurent ne s'en prévaloir, rejetant cette sainte lumière par une rébellion incomparable.
Certes, au jour du jugement, les Ninivites et la reine de Saba s'élèveront contre les juifs, et les convaincront d'être dignes de damnation; parce que, quant aux Ninivites, étant idolâtres, et de nation barbare, à la voire de Jonas, ils se convertirent et firent pénitence.
Et quant la reine de Saba, quoiqu'elle fût engagée dans les affaires d'un royaume, néanmoins ayant ouï la renommée de la sagesse de Salomon, elle quitta tout pour le venir ouïr, et cependant les Juifs oyant de leurs oreilles la divine sagesse du vrai Salomon, sauveur du monde, voyant de leurs yeux ses miracles, touchant de leurs mains ses vertus et bienfaits, ne laissèrent pas de s'endurcir et de résister à la grâce qui leur était offerte.
Voyez donc derechef, Théotime, que ceux qui ont reçu moins d'attraits, sont tirés à la pénitence, et ceux qui en ont plus reçu, s'obstinent; ceux qui ont moins de sujet de venir, viennent à l'école de la sagesse, et ceux qui en ont plus, demeurent en leur folie.
Ainsi se fera le jugement de comparaison, comme tous les docteurs ont remarqué, qui ne peut avoir aucun fondement, sinon en ce que les uns ayant été favorisés d'autant ou plus d'attraits que les autres, auront néanmoins refusé leur consentement à la Miséricorde, et les autres assistés d'attraits pareils, ou même moindres, auront suivi l'inspiration et se seront rangés à la très sainte pénitence; car, comme pourrait-on autrement reprocher avec raison aux impénitents leur impénitence, par la comparaison de ceux qui se sont convertis ?
Certes, notre Seigneur montre clairement, et tous les chrétiens entendent simplement qu'en ce juste jugement on condamnera las juifs par comparaison des Ninivites; parce que ceux-là ont eu beaucoup de faveur, et n'''ont en aucun amour, beaucoup d'assistance, et nulle repentance; ceux-ci moins de faveur, et beaucoup d'amour, moins d'assistance, et beaucoup de pénitence.
Le grand saint Augustin donne une grande clarté à ce discours, par celui qu'il fait au livre douzième de la Cité de Dieu 1 chap. 6, 7, 8 et 9. Car encore qu'il regarde particulièrement les anges, si est-ce toutefois qu'il apparie (déclare semblables) les hommes à eux pour ce point.