Vérité-Charité-Humilité : les trois bases d'un "oecuménisme" authentique

L' "œcuménisme" ou dialogue œcuménique se définit comme tout ce qui tend au rétablissement de l'Unité institutionnelle visible originelle de tous les Chrétiens et de toutes les communautés chrétiennes dans la pleine communion et ce par des moyens nouveaux, autres que l'uniatisme et les conversions personnelles au Catholicisme, bien que ces derniers restent en soi bons et utiles.
En attendant ce but ultime du retour à la pleine Unité, l' "œcuménisme" vise à corriger le scandale de la division des Chrétiens en ayant une unité de prière et de témoignage avec tous les Chrétiens reconnaissant la divinité et l'humanité de Jésus-Christ, Son Incarnation, Son Sacrifice salvifique, Sa Résurrection et croyant en la Sainte Trinité, même lorsque d'autres points importants et même essentiels (en pneumatologie, ecclésiologie, théologie sacramentaire, herméneutique scripturaire, mariologie, eschatologie, ...) restent sources de divisions et de déviances de la part des frères séparés, déviances que l'Eglise Catholique ne peut que regretter et considérant comme parfois gravement hérétique. Cette unité de prière et de témoignage est une nécessité pour l'évangélisation, la conversion et le salut éternel de la grande majorité de l'humanité qui reste dans l'ignorance, l'indifférence ou le rejet vis-à-vis du Christ, de Sa Divinité et du Salut qu'Il souhaite proposer à toute personne. Cette unité de prière et de témoignage répare temporairement le scandale de la division diabolique des Chrétiens qui est un frein à la conversion de ceux qui observent le Christianisme de l'extérieur et elle s'accompagne de la conviction ferme et joyeuse que toutes les difficultés théologiques, sacramentelles, ecclésiologiques et canoniques qui restent à surmonter le seront s'il y a déjà communion dans la prière et annonce conjointe du cœur de la Foi chrétienne à la grande masse des non-chrétiens. Des Vérités importantes comme l'Infaillibilité pontificale, l'Immaculée Conception, le Purgatoire et les Indulgences, auxquelles seule la Sainte Eglise Catholique Apostolique Romaine et Universelle croit et qu'elle seule annonce et défend, sont des Vérités qui découlent d'une Vérité bien plus centrale, l'Amour de Dieu, Sa Nature trinitaire, l'Incarnation et la Rédemption accomplis par le Fils éternel, Sa Résurrection et l'effusion de Son Esprit Saint sur Ses Apôtres et Disciples et sur Sa Sainte Mère, fondements et colonnes de Son Eglise. C'est de la méditation et de l'approfondissement commun de cette Vérité centrale et de la réflexion sur ses implications logiques, le tout dans la prière et la contemplation conjointes, une contemplation menant à l'apostolat commun dans le témoignage partagé, en actes et en paroles, rendu au Christ devant tous ceux qui ne Le connaissent pas encore, c'est de tout cela que naîtra le fruit de l'Unité qui, dans la compréhension mutuelle des personnes, mènera à la résolution des conflits théologiques sans rien sacrifier à la Vérité.

Je vous livre ici quelques réflexions personnelles sur les trois fondements que j'identifie pour le dialogue œcuménique.

I - La Vérité

Un œcuménisme authentique ne devrait pas sacrifier la Vérité sur l'autel de l'Unité car l'Unité ne saurait se faire dans l'hypocrisie ou se fonder sur le mensonge.
Particulièrement, il ne faut pas que les Chrétiens Catholiques hésitent à corriger des contre-vérités flagrantes, ne serait-ce que sur la vérité factuelle, qui sont répandues chez d'autres Chrétiens.
Concernant ces sept Livres Saints que l'on nomme "deutérocanoniques" et que les Protestants rejettent de leurs éditions de la Bible, il faut lutter et insister fermement et fortement pour que cesse d'être cru et propagé par les mêmes Protestants le mensonge selon lequel ces Livres n'auraient été rajoutés au Canon biblique catholique qu'au Concile de Trente (XVIème siècle) pour se distinguer des éditions protestantes. Il faut rappeler la vérité des faits, que chacun peut vérifier : le premier Canon biblique chrétien se considérant comme définitif est le canon damasien en 382 qui inclut tous les Livres de la Bible catholique et seulement ceux-là, y compris ces sept Livres qui avaient été rejetés par les Juifs et qu'ont rejetés les Protestants ; ce canon a été confirmer chaque fois que la question s'est reposée dans l'Histoire de l'Eglise (au concile d'Hippone de 393, ceux de Carthage en 397 et 419, dans les "Decretum Gelasiarum" à la fin du Vème siècle et dans une décrétale du pape Hormisdas en 520, au concile de Florence (1439-1445) et enfin, face au rejet de ces Livres par les Réformateurs et leurs disciples, à la quatrième session du concile de Trente en 1546 ; et bien sûr Vatican II n'a rien changé à cela et c'est le même canon damasien qui est réaffirmé dans le catéchisme de St Jean-Paul II).
Il faut aussi corriger avec douceur ceux qui auraient la prétention de nier l'arrivée de Pierre à Rome sous prétexte que cet événement ne serait pas mentionner dans les Ecritures. Il faut montrer que c'est un événement largement attesté historiquement.
Il faut montrer surtout aux Protestants que, qu'on le veuille ou non, le Christianisme originel, la Foi et la Vie des Chrétiens des cinq premiers siècles, c'est le Christianisme catholique, qui se maintient également en grande partie, mais non totalement, dans le Christianisme oriental dit "orthodoxe" pré ou post chalcédonien et dans le Christianisme anglican de tendance anglo-catholique. Tous les témoignages sur la Foi et la Vie des premiers Chrétiens dont nous disposons nous montrent des caractéristiques très importantes du Christianisme primitif qui ont été abandonnés par la Réforme ou par une partie de la Réforme : Présence Réelle du Christ dans la Sainte Eucharistie, Liturgie, Succession apostolique à savoir que l'évêque est successeur d'un apôtre, ordinations, Primauté de l'Eglise romaine sur toutes les Eglises, culte des Saints et de leurs reliques, images, prières et messes pour les défunts (d'où la théologie catholique a très logiquement déduit la Doctrine du Purgatoire), Doctrine traditionnelle du Baptême comme porte d'entrée dans la Vie chrétienne, Baptême des enfants, ... Il suffit de se référer aux donnés archéologiques et aux informations de première main fournies par des témoignages comme l'épître de Clément de Rome, les lettres d'Ignace d'Antioche, la Didachè, les écrits de Justin, Tertullien, Irénée de Lyon, la Didascalie Syriaque, le texte de la Tradition Apostolique autrefois attribué à Hyppolite, ... sans oublier l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée ou encore une compilation comme les Constitutions Apostoliques, ...
On ne transige pas avec la Vérité, encore moins avec des vérités factuelles, historiques. Lorsque quelqu'un les nie, on a le devoir de le corriger. Mais avec douceur et humilité.

Une humilité qui doit mener aussi à se laisser soi-même corriger de ses propres préjugés faux. La Vérité est aussi à ce prix-là ! Traiter de nestoriens ou de monophysites les Chrétiens orthodoxes orientaux préchalcédoniens est une erreur. Prétendre que les Protestants ne croiraient pas en la vie après la mort (c'est le cas d'une minorité d'entre eux : les Adventistes et quelques rares "Evangéliques") ou que leur "sola fide" exclurait toute utilité des bonnes œuvres allant jusqu'à justifier le péché, ou encore raconter qu'ils auraient un Nouveau Testament différent (notamment qu'ils auraient supprimé Jacques et Jude) est parfaitement risible. Dire que les Luthériens ne croiraient pas en la Présence Réelle est un terrible contresens (ce qu'ils ne croient pas c'est que cette Présence Réelle se fait par transsubstantiation et qu'elle subsiste après la célébration ; notons au passage que le terme "transsubstantiation" est rejeté également par les Orthodoxes). Et que dire de ceux qui croient parfois que les Protestants ne croiraient pas en la Trinité !!! Ou de l'esprit simpliste et réducteur qui résume l'ensemble du monde protestant à son courant libéral. Ou encore de l'affirmation selon laquelle les Réformés et même les Luthériens n'auraient pas de sens liturgique, ... Combien de Catholiques dits "de Tradition" souvent antiprotestants primaires par héritage ou par instinct ne savent pas qu'au moment où le Prêtre catholique romain a commencé à tourner le dos à Dieu pour faire face aux fidèles (comme s'il était là pour rendre un culte aux fidèles ou les fidèles à lui) le pasteur luthérien était encore dos au peuple lorsqu'il célébrait la Cène ou s'adressait à Dieu ? Combien ignorent que des théologiens protestants ont totalement admis la Présence Réelle catholique dans le Groupe des Dombes ? Combien ignorent qu'aujourd'hui des églises évangéliques charismatiques commencent à reconnaître la Présence Réelle (telle que conçue par Luther, ils n'en sont pas encore à admettre la transsubstantiation) avec une insistance sur la Présence guérissante du Christ ?

II - La Charité

C'est le fondement même de la Vie chrétienne ("Dieu est Amour et celui qui demeure dans l'Amour demeure en Dieu et Dieu en lui" 1 Jean 4 : 16) et le signe de reconnaissance du Chrétien ("A ceci tous vous reconnaîtront comme Mes Disciples : à l'Amour que vous aurez les uns pour les autres" Jean 13 : 34-35) !
Il faut que lorsque les non-chrétiens voient les Chrétiens de différentes confessions se rencontrer, dialoguer, vivre ensemble et prier et évangéliser ensemble, il faut qu'ils puissent dire : "Voyez comme ils s'aiment !" et non plus : "Voyez comme ils sont divisés !" ou "Voyez comme ils se haïssent !".
Donc rétablir la Vérité quand il le faut mais dans la Charité et avec toute douceur et humilité. En aimant l'autre, le reconnaissant comme frère ou sœur dans le Christ par le Baptême ou tout du moins par la Foi en la Trinité, en l'humanité et la Divinité de Jésus-Christ et en Son Sacrifice et Sa Résurrection et son acceptation comme Seigneur et Sauveur. Frère et sœur dans le Christ malgré les points qui séparent et qui divisent, dont il ne faut pas nier l'importance mais dont il faut souhaiter la résolution.

III - L'Humilité

C'est la Vertu suprême du Chrétien et l'antidote contre le plus diabolique de tous les péchés qui est l'orgueil, source des divisions et des haines de l'Histoire que seule l'humble labeur œcuménique dans la douceur et la miséricorde peut soigner et, avec la grâce de Dieu et sous la conduite de l'Esprit Saint, guérir.
Humilité, on l'a vu, d'accepter que la Vérité, la réalité tout simplement factuelle, ne correspond pas forcément à nos préjugés antiprotestants ou antiorthodoxes ou antianglicans ou autres comme elle ne correspond pas non plus aux préjugés anticatholiques des Protestants, Orthodoxes, Anglicans et autres.
Humilité d'admettre que Dieu est le Maître souverain de l'Histoire humaine et que Jésus-Christ est le Chef de l'Eglise et qu'ainsi leur Esprit Saint n'accomplira pas forcément l'Unité par les voies que nous prétendons Lui assigner. Il faut admettre que la Providence peut emprunter des voies hors de nos sentiers battus ecclésiaux et même des voies extra-dogmatiques pour réaliser la pleine Unité de tous les adorateurs du Christ.
Humilité de reconnaître que l'autre à quelque chose de bon à m'apporter, ce qui ne choque en rien l'exigence de Vérité.
Exemple : même si ça ne fait plaisir ni aux Orthodoxes ni aux Protestants, il faut bien admettre que la Bible est catholique, que le canon biblique et donc d'une certaine façon la Bible elle-même (comprise comme l'ensemble, le tout) est un don de l'Eglise de Rome et de son Pape au reste de la Chrétienté bien que cette partie de la Chrétienté qui s'est détachée de la Primauté romaine au XVIème siècle y est apposé sa marque en l'amputant et cette autre partie qui s'est détachée au XIème siècle y a apposé sa marque en y ajoutant d'autres écrits. Mais malgré cela, il faut admettre que dans les milieux catholiques d'aujourd'hui (comme c'était déjà le cas au temps de la Réforme et c'est en partie ce qui à conduit Luther et les autres à la révolte contre le Catholicisme) on ne connaît et on ne lit que très peu la Bible, beaucoup moins que dans les milieux protestants, et plus on va vers ce qu'il y a de plus "traditionnel" ou "traditionnaliste" dans l'Eglise catholique et plus cette ignorance est épaisse. C'est scandaleux et dramatique ! La Bible, Parole de Dieu écrite sous l'inspiration du Saint-Esprit par les rédacteurs sacrés de l'Ancien et du Nouveau Testaments, est un patrimoine catholique que les Protestants tiennent de leurs racines catholiques mais, au final, c'est un patrimoine inconnu et inexploité de la plupart des Catholiques parmi les plus croyants, les plus pratiquants, les plus engagés dans la vie de l'Eglise et les plus traditionnels. Nous devons avoir l'humilité de le reconnaître et de nous laisser instruire, en bien des points sur ce sujet, par nos frères et sœurs séparés, les Protestants.
Humilité enfin de reconnaître les fautes réelles et graves, non pas de l'Eglise en tant que Corps mystique du Christ, mais de l'Eglise en tant que Peuple de Dieu sur Terre fait d'hommes et femmes pécheurs et en tant que hiérarchie officielle faite elle aussi de pécheurs, de l'Eglise en tant que communauté humaine, fautes contre les autres Chrétiens (et l'ensemble des autres êtres humains par ailleurs) et fautes qui ont conduits aux divisions, aux schismes, aux hérésies, aux excès de toutes parts et de toutes sortes.
Humilité donc de faire sincèrement repentance et pénitence pour ces fautes, d'en demander pardon à Dieu et aux personnes issues des communautés offensées. Humilité également de leur pardonner toutes leurs fautes à elles, ce qui implique de les aider à restaurer la vérité sur leurs fautes plus souvent occultées, il faut bien le dire, que les fautes des Catholiques. Leur pardonner même cette occultation lorsqu'ils en seront sortis.
Domaine public