ELisée Pierre
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3-LE MASSACRE DE LA SEMAINE SAINTE SOUS PIE XII: UNE VICTOIRE DE LA FRANC-MAÇONNERIE

RAPPELS HISTORIQUES
Jeune homme, Eugenio Pacelli fut confié au cardinal Rampolla FM .*., qui choisit pour lui le cursus moderniste de la Capranica,
-1899,
après son ordination, l'abbé Pacelli accompagna constamment Rampolla, comme son secrétaire particulier. Ses proches collègues au Vatican étaient les membres de l'"équipe" de Rampolla : Della Chiesa (futur Benoît XV), Gasparri, Radini-Tedeschi et Roncalli (futur Jean XXIII).
-1904,
Secrétaire de la Commission pour la codification du droit canonique.
-1911, envoyé par Pie X au couronnement de son opposant, le Chef de l'église hérétique anglicane, George V (première fois depuis plus de 350 ans…).
-1911, sous-secrétaire aux Affaires ecclésiastiques extraordinaires du cardinal Gasparri FM .*.
-1917, sacré évêque par Benoît XV (ancien secrétaire particulier de Rampolla, le considérant comme son vénéré Maître; Della Chiesa dont l'élévation au cardinalat fut plusieurs fois refusées, il ne devint cardinal que 3 mois avant son élection au conclave)
et nommé Nonce en Bavière.
-1929, crée cardinal par Pie XI qui en fait son secrétaire d'Etat succédant à Gasparri FM.*.
-1935,
crée camerlingue, il conduit la négociation et la signature de plusieurs concordats.
-1939,
succède à Pie XI, en prenant le nom de Pie XII.
-Pie XII gardant une admiration pour le Chef de l'église hérétique anglicane, depuis sa mission ordonnée par Pie X, décorera sa cuisine de 2 portraits: ceux du roi et de la reine d'Angleterre.
-Pie XII choisit comme confesseur le très "oecuméniste" père Agustino Bea. Dès 1935, pour la première fois depuis la révolution protestante Agustino Bea participa à un congrès protestant d'exégèse biblique et il finit même par présider le congrès hérétique...
-1948, Pie XII nomma le Père Lazariste Annibale Bugnini FM .*. Secrétaire de la Commission pour la réforme liturgique.
-1951/1955, la Semaine Sainte fut réformée en profondeur, la plus grande semaine pour les catholiques fut massacrée.

Certains essayent vainement de faire croire que ce fut une réformette quasi sans importance, liée à la nouvelle génuflexion, déférence inconvenante ici, introduite le vendredi saint pour l'oraison "pro perfidis Judaeis".
Ignorance ou mensonge: ce furent en réalité des modifications dévastatrices.
Ses promoteurs avouèrent que ce fut le prélude des changements pour la "nouvelle messe".
-1953, Pie XII créa Roncalli cardinal,
malgré le fait que le Saint Office avait un épais dossier sur lui: dès 1914 il était "suspect de modernisme", puis il s’était vu retirer brusquement sa charge de professeur au séminaire du Latran en mi-semestre pour ses enseignements non orthodoxes en 1925.
-1954, Pie XII, contrairement au mythe traditionaliste ne sanctionna pas Montini, mais Pie XII fit sacré Montini évêque, avec promotion le jour même comme Archevêque de Milan, le diocèse plus important d’Italie...
-1959, Jean XXIII nommera Annibale Bugnini,
Secrétaire de la commission préparatoire à vatican2 sur la liturgie.
Bugnini sera le véritable maître d’œuvre de la réforme liturgique menant à la "nouvelle messe" en 1969 sous Paul VI.
-1969, «Le commencement de cette rénovation a été l’œuvre de Notre prédécesseur, ce même Pie XII, dans l’instauration de la vigile pascale et de l’Ordo de la Semaine sainte, qui constitua la première étape de cette adaptation du Missel romain aux besoins de notre époque ». Paul VI, Constitution Apostolique Missale Romanum, 3 avril 1969.

ANNIBALE BUGNINI FM .*.

Depuis 1946, le père Annibale Bugnini était le rédacteur en chef de Ephemerides liturgicae,
revue publiée par le Centro Liturgico Vincenziano (de saint Vincent de Paul) à Rome.
En 1948, Pie XII crée une « Commission pour la réforme liturgique », et le travail qu’accomplit le Père Bugnini dans la revue plaît tellement à Pie XII qu’il nomme Bugnini Secrétaire de la commission. C’est donc l’année suivante que Bugnini va publier son premier plan de destruction de la liturgie latine.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit, même si l’article, intitulé « Pour une réforme liturgique générale », ne concerne que le calendrier et le bréviaire. Pie XII ne bronche pas. Bugnini est bel et bien installé, avec la confiance de Pie XII, aux commandes de la machine intellectuelle qui va réellement dynamiter la liturgie traditionnelle latine.

Les accusations d ‘appartenance d’Annibale Bugnini à la secte maçonnique n’ont jamais cessé.
De nouvelles preuves historiques accablantes viennent étayer cette affiliation à la franc-maçonnerie:

chiesaviva.com/528 mensile fr.pdf

BOMBSHELL: New historical evidence emerges in support of Bugnini’s association with Freemasonry — Names are named


Les travaux de la Commission pour la réforme liturgique aboutir aux deux décrets de 1951, puis de 1955 qui réformèrent totalement la Semaine Sainte traditionnelle.

Voir: 1-LE MASSACRE DE LA SEMAINE SAINTE SOUS PIE XII: UNE VICTOIRE DU RÉSEAU RAMPOLLA=>1-LE…

La quasi totalité des traditionalistes ont adopté les réformes s'opposant à la Semaine Sainte traditionnelle. Les inspirations ou influences protestantes et modernistes sur ces deux décrets ont été montrées précédemment.

JUSQU’À QUAND LA PRÉVARICATION LEUR FERA NÉGLIGER LES FAITS?

Voir : 2-LE MASSACRE DE LA SEMAINE SAINTE SOUS PIE XII: LA MARQUE PROTESTANTE ET LA SIGNATURE MODERNISTE PROUVÉES=>2-LE MASSACRE DE L…

INSPIRATION PROTESTANTE

En 1951, Décret "Dominicae Resurrectionis Vigilam" :
Le jour du Samedi Saint devient un jour de silence, une période de flottement, où on ne célèbre pas de Messe, à l’image du samedi saint protestant, jour situé entre la croix et la résurrection, jour de silence sans culte.

La veillée pascale est décalée à la nuit du samedi. Surtout, de messe préparatoire à la fête de Pâques, la Vigile pascale devient la messe principale de la fête, au détriment de la Messe du jour de la Résurrection (In die Resurrectionis), autrement dit la Grande Messe du jour de Pâques, Solennité des Solennités. Cette dernière aura tendance paradoxalement à être moins fréquentée par les fidèles, alors qu’il s’agit dans une conception traditionnelle de la liturgie, de la Messe la plus importante de l’année.

Traditionalistes qui suivent ce décret: IMBC-abbé Ricossa-mgr Stuyvert, abbé Marchiset, abbé de La Chanonie, abbé Dutertre, abbé Orasch, abbé Hecquard, abbé Rioult…

(Ils se donnent la permission de choisir parmi les réformes celles qui leur semblent bonnes: celle-ci oui, celle-ci non).

INFLUENCES PROTESTANTES ET MODERNISTES


En 1955, Décret "Maxima redemptionis nostrae mysteria" :
La réforme massacre, qui modifie dans les faits totalement la liturgie de la Semaine Sainte.
Le Père Carlo Braga, secrétaire de Bugnini, écrit à ce sujet : "La réforme du samedi saint a été un bélier que nous avons introduit dans la forteresse de notre liturgie qui était jusqu'alors trop statique".

Traditionalistes qui suivent ce décret: FSSPX, dominicains d'Avrillé, Capucins de Morgon, abbé Belmont, abbé Lafitte, abbé Roger, Père Mercier (Faverney), "résistance" Williamson, FSSP, IBP, ICRSP, Barroux, Fontgombault, Chéméré, Lagrasse, missionnaires de la miséricorde divine (Fabrice Loiseau-soeur Faustine), nouveaux "prêtres" diocésains...

(Prêtres concordataires et donc républicains, ils prennent toutes les réformes: "la révolution est un bloc" selon les fameux mots de Clémenceau à la chambre des députés).

En 1957, Annibale Bugnini exposait ainsi les éléments essentiels de la pastorale liturgique :

« -Participation active et consciente de tous les fidèles à la liturgie.
-Sens communautaire plus vivant, c’est-à-dire sens de la “sainte assemblée”.
-Retour accentué aux sources bibliques, patristiques et liturgiques.
-Utilisation de l’action dans la liturgie.
-Large utilisation du chant religieux populaire ».

En 1962, en préparation de vatican2, le schéma sur la liturgie, rédigé par la commission préparatoire sur la liturgie, a été le fruit du Mouvement liturgique et plus spécialement de l’activité d’Annibale Bugnini, Secrétaire de cette commission.
Les grands traits étaient :

-la révision du rituel de la Messe,
-la langue vivante dans la messe,
-la concélébration


Malgré tous son investissement, il restait au Père Bugnini une étape capitale à franchir. Ni lui, ni le Secrétaire d’État sur injonction de Jean XXIII n’avaient réussi à faire signer le schéma sur la liturgie par le Président de la commission, le Cardinal Gaetano Cicognani, qui obstinément refusait les innovations.

JEAN XXIII FM .*.

Les affiliations de Jean XXIII à la franc-maçonnerie sont très référencées:


-participations aux ateliers d’une loge maçonnique lorsqu’il était Délégué Apostolique en Turquie,
-témoignages de ses fréquentations du Grand-Orient lorsqu’il était Nonce à Paris,
-déclaration maçonnique recommandant la lecture de l’encyclique Pacem Terris de Jean XXIII car elle est « une déclaration vigoureuse de la doctrine maçonnique »,
-messages officiels de louanges et de condoléances émanant de la franc-maçonnerie lors de la mort de Jean XXIII…

En 1962 , Mgr Lefebvre vient en aide à la franc-maçonnerie
Même après l'approbation du schéma par la majorité souhaitée de la commission, celui-ci ne pouvait être promulgué sans la signature du Cardinal Cicognani.
Comment allait-on faire signer ce schéma qui devait révolutionner la messe ?

C’est alors que fut mise au point une manœuvre afin de faire plier le vieux lutteur. La tactique fut de recourir à son ami, Mgr Marcel Lefebvre, qui faisait partie de la commission centrale à Rome et qui lui rendit visite afin de lui ôter toute résistance, le 1er février 1962. Au bord des larmes, le Cardinal signa. 4 jours après, mort de chagrin, il rendait son âme à Dieu…

C’est ainsi que Mgr Lefebvre faisait avancer l’agenda maçonnique. Plus tard, dans les années 70-80, il sera hissé médiatiquement, dans le cadre d’une opposition contrôlée, comme chef des traditionalistes. Pourtant selon la réalité des faits, Mgr Lefebvre avait bien été l’incendiaire qui avait allumé la flamme avec les modernistes avant d’être le pompier qui luttait pour éteindre le feu dans la fable traditionaliste.

LE MYTHE TRADITIONALISTE : MGR LEFEBVRE FUT L’ÉVÊQUE QUI A SAUVÉ LA MESSE

LA RÉALITÉ : MGR LEFEBVRE FUT CELUI QUI RENDIT POSSIBLE LA NOUVELLE MESSE


Le schéma sur la liturgie fut validé par la commission centrale préparatoire et fut le seul schéma intégralement conservé par les Pères de vatican 2, sur les 70 schémas qui avaient été préparés. Les Pères l’avaient donc jugeait : le schéma sur la liturgie de Bugnini et Lefebvre était le schéma le plus révolutionnaire, s'opposant directement au Pape Saint Pie V et à sa bulle "Quo primum tempore" .

En 1963, le vote définitif de la constitution sur la liturgie, Sacrosanctum Concilium, dont Mgr Zauner exprima qu’il n’avait jamais osé espérer que l’on pourrait aller si loin, 2147 voix pour, 4 contre : la grande apostasie conciliaire arrivait.

En 1967, s'ouvre le synode des évêques ; le Père Bugnini vient présenter une « messe normative, ébauche d'une nouvelle messe » qu'il célèbre dans la Chapelle Sixtine. La messe est dite en italien, entièrement à haute voix. Elle comprend un rite d'accueil, une brève cérémonie pénitentielle commune, Gloria, trois lectures, Credo, prière universelle, de brèves prières de « déposition des dons », le Canon, etc.

En 1969, Montini-Paul VI promulgue la constitution apostolique Missale romanum et la nouvelle version de la messe et dissout la commission pour la liturgie. Annibale Bugnini fut bien le véritable maître d’œuvre de la réforme liturgique.
Dans leur examen critique de la nouvelle messe, les cardinaux Ottaviani et Bachi écrivirent « Le nouvel Ordo Missae, si l'on considère les éléments nouveaux, susceptibles d'appréciations fort diverses, qui y paraissent sous-entendus ou impliqués, s'éloigne de façon impressionnante, dans l'ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe, telle qu'elle a été formulée à la XXIIe session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les « canons » du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l'intégrité du Mystère ».

En 1971, la Congrégation pour le culte divin publiait une note indiquant que, après approbation des traductions du novus ordo missae, tous devraient utiliser « uniquement la forme renouvelée de la messe ».

Annibale Bugnini fut bien le véritable maître d’œuvre de la réforme liturgique.

Tous ces personnages ont donc maintenant encouru l’indignation du « Dieu tout-puissant et de ses Bienheureux Apôtres Pierre et Paul » selon la bulle "Quo primum tempore" du Pape Saint Pie V, du 14 juillet 1570, qui codifia la Messe de tous les siècles.

« […] Par Notre présente constitution, qui est valable à perpétuité, Nous avons décidé et Nous ordonnons, sous peine de Notre malédiction […] que jamais rien ne soit ajouté, retranché ou modifié à Notre missel, que nous venons d’éditer.
[…] par les dispositions des présentes et au nom de notre autorité apostolique, Nous concédons et accordons que ce même missel pourra être suivi en totalité dans la messe chantée ou lue, dans quelque église que ce soit, sans aucun scrupule de conscience et sans encourir aucune punition, condamnation ou censure, et qu’on pourra valablement l’utiliser librement et licitement, et cela à perpétuité.
Et, d’une façon analogue, Nous avons décidé et déclarons
– que les supérieurs, administrateurs, chapelains et autres prêtres de quelque nom qu’ils seront désignés, ou les religieux de n’importe quel ordre, ne peuvent être tenus de célébrer la messe autrement que nous l’avons fixée,
– et que jamais et en aucun temps qui que ce soit ne pourra les contraindre et les forcer à laisser ce missel ou à abroger la présente instruction ou la modifier, mais qu’elle demeurera toujours en vigueur et valide, dans toute sa force
[…] Qu’absolument personne, donc, ne puisse déroger à cette page qui exprime Notre permission, Notre décision, Notre ordonnance, Notre commandement, Notre précepte, Notre concession, Notre indult, Notre déclaration, Notre décret et Notre interdiction, ou n’ose témérairement aller à l’encontre de ses dispositions.

Si cependant quelqu’un se permettait une telle altération, qu’il sache qu’il encourrait l’indignation de Dieu tout-puissant et de ses bienheureux apôtres Pierre et Paul. »


LA REFORME MASSACRE SE POURSUIT: JEUDI SAINT, VENDREDI SAINT

JEUDI SAINT

Introduction de l’étole comme habit choral des prêtres.


C’est ici que commence le mythe de la concélébration du Jeudi Saint. Les réformateurs les plus audacieux veulent l’introduire à partir de cette réforme de la Semaine Sainte, mais les résistances – en particulier celles de membres de la Commission comme le card. Cicognani et Mons. Dante – empêchent l’introduction de cette nouveauté. Le P. Braga écrit : « Pour la participation des prêtres, la concélébration sacramentelle ne sembla pas réalisable (les mentalités, même de quelques membres de la Commission, n’y étaient pas encore préparées ». En effet, il y avait alors encore un sentiment fortement hostile à la concélébration du Jeudi Saint, parce que non traditionnelle : « la concélébration tant consécratoire que purement cérémonielle est à exclure ». Pour introduire l’idée de concélébration, on dût donc se contenter d’inventer la pratique de mettre l’étole à tous les prêtres présent non plus seulement au moment de la communion, mais à partir du début de la Messe.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Les prêtres et les diacres présents revêtent l’habit choral habituel, sans l’étole, qu’ils ne portent qu’au moment de la communion, comme l’usage commun l’imposait.

On introduit la pratique de ne communier qu’avec des hosties consacrées ce jour-là.

On ne comprend pas pour quelle raison ceux qui assistent à la Messe ne peuvent communier avec des hosties consacrées précédemment. La pratique romaine du « Fermentum » - qui elle, par contre, est historiquement prouvée – était généralement de communier avec une partie de l’Eucharistie du dimanche précédent, afin d’indiquer la communion de l’Eglise dans le temps et dans l’espace, et exprimer ainsi la réalité du Corps du Christ. La présence eucharistique étant « réelle et substantielle », elle continue lorsque l’assemblée se disperse, et c’est donc au même titre qu’elle peut précéder la réunion de l’assemblée. Mais avec cette nouvelle rubrique, on introduit l’idée d’une présence réelle liée au jour de la célébration, d’où s’ensuit l’obligation de communier aux hosties consacrées le jour-même. Ce qui semble vouloir dire que ces hosties ont quelque chose de distinct de celles consacrées auparavant. Il faut noter aussi que cette obligation n’est pas seulement relative au symbolisme du tabernacle vide avant la Messe du Jeudi Saint, ce qui à la limite aurait pu avoir un certain sens, nouveau mais acceptable ; le texte affirme au-contraire explicitement que ceux qui communient ne doivent recevoir que des hosties consacrées ce jour-là[7]. La théologie sous-entendue ici ne semble pas des plus solides, tandis que le symbolisme inventé est largement discutable.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Il n’y a aucune mention d’une telle pratique : la communion est donc donnée comme d’habitude avec les hosties qui sont dans le tabernacle.

Le lavement des pieds n’a plus lieu à la fin de la Messe, mais au milieu de la célébration.

La réforme fait sans cesse appel à la « veritas horarum », et use de cet argument comme un vrai cheval de bataille. Mais ici au contraire la succession chronologiques de l’évangile est totalement renversée : alors qu’autre part des fleuves d’encre étaient déversés pour dénoncer le scandale d’horaires qui n’étaient pas en stricte correspondance avec le récit évangélique, ici non seulement on anticipe un rite pour des exigences pratiques, mais on inverse même l’ordre chronologique des évènements à l’intérieur d’un même rite. Saint Jean écrit que Notre-Seigneur a lavé les pieds des Apôtres après la Cène : « et cena facta » (Jn. XIII, 2). Or pour un motif tout à fait inconnu, les réformateurs choisissent arbitrairement de placer le lavement des pieds au milieu de la Messe, ce qui a pour conséquence que des laïcs accèdent au chœur, où ils doivent ôter chaussures et chaussettes. C’est là une volonté claire de repenser la sacralité de l’espace presbytéral et de remettre en cause son interdiction aux laïcs durant les offices. Le lavement des pieds est donc déplacé au moment de l’Offertoire, en abusant de la pratique de couper en morceaux la célébration de la Messe en y insérant d’autres rites, pratique qui se fonde sur la très discutable division entre liturgie de la parole et liturgie eucharistique.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le rite du Mandatum, c’est-à-dire le lavement des pieds, se faisait à la fin de la Messe, après le dépouillement des autels, non pas dans le chœur, mais dans un lieu réservé pour cela.

Omission du Confiteor du Diacre avant la Communion.

Le troisième Confiteor, tellement haï, est éliminé, sans tenir compte du fait que la confession du Diacre ou du servant, bien qu’héritée du rite de la communion extra Missam, est la confession de l’indignité de ceux qui vont communier à recevoir les Saintes Espèces. Ce n’est pas là un « doublon » de la confession du prêtre et des ministres au début de la Messe, puisqu’à ce moment-là, seuls les ministres sacrés récitent leur propre indignité de s’approcher de l’autel pour y officier (il est d’ailleurs récité à voix basse, pour ce motif, durant la Messe chantée) – ce qui est tout à fait distinct de l’indignité d’accéder à la communion.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le Diacre doit chanter le Confiteor avant la Communion.

Après la fin de la Messe, lors du dépouillement des autels, on doit retirer aussi la croix d’autel et les chandeliers.

On décide ici que les autels doivent être totalement dépouillés, même de la croix : même si la rubrique du Jeudi Saint n’est pas explicite à propos de ce qu’il faut faire de la croix d’autel, on le déduit accidentellement de ce qui est écrit des rubriques du lendemain. Le Vendredi Saint, en effet, il est parlé explicitement d’un autel sans croix[15], d’où l’on en déduit qu’elle doit en être retirée la veille, ou bien transportée en privé durant la nuit (ce genre d’ambiguïté est inévitable lorsqu’on met la main à une liturgie qui bénéficie de la stratification opérée par la tradition, et qui supporte mal les incursions imposées avec trop d’empressement). C’est sans doute sur la base d’un certain archéologisme liturgique qu’on a voulu ainsi préparer les esprits au spectacle, dénué de sens théologique, d’une table nue au centre du chœur.

[Semaine Sainte traditionnelle] : La croix demeure sur l’autel, voilée et entourée des chandeliers, trônant en attendant d’être dévoilée le lendemain.

VENDREDI SAINT

Est inventée l’expression de « action liturgique solennelle », qui remplace la notion très antique de « Messe des présanctifiés » ou celle de « Feria Sexta in Parasceve ».

Le nom de « Présanctifiés » mettait en évidence le fait que la consécration des Saintes Espèces avait eu lieu lors d’un office précédent, lié au retour solennel de l’Eucharistie, qui est l’une des parties les plus importantes et les plus antiques du rite de ce jour. Mais cette notion de « présanctifiés » est vue avec antipathie par la Commission, qui décide de réformer ce nom, et avec lui la structure même du rite : il s’agit de « réduire les amplifications structurales du Moyen-âge, si peu cohérentes avec ce qu’on appelle la "Messe des Présanctifiés", aux sévères et pures lignes originales d’une grandiose communion générale ». L’appellation de « in Parasceve » elle-même, dont les réminiscences hébraïques dénotent pourtant la plus haute antiquité, ne trouve pas même grâce à leurs yeux.

[Semaine Sainte traditionnelle] : L’Office du Vendredi Saint est appelé « Missa Praesanctificatorum » ou « Feria Sexta in Parasceve ».

L'autel est dépourvu de la croix voilée.

L’image de la croix, et tout particulièrement celle de l’autel, avait été voilée au premier dimanche de la Passion, et elle demeurait à son emplacement naturel, à savoir au centre de l’autel, afin de n’être ensuite dévoilée solennellement et publiquement que le Vendredi Saint, jour du triomphe de la Passion rédemptrice. Les auteurs de la réforme ne semblent pas aimer cette croix d’autel, et décident donc de la remiser en sacristie au soir du Jeudi, de façon non-solennelle, avec les paniers qui servent à porter les nappes de l’autel dénudé – ou même, comme nous l’avons vu, durant la nuit, d’une façon que n’évoquent même pas les nouvelles rubriques. Ainsi, au jour le plus important de sa célébration, la croix a disparu de l’autel. Et disparaît en même temps le sens même de son dévoilement public, qui intervenait après qu’elle eût été exposée durant près de quinze jours, voilée, sur l’autel : maintenant, la croix revient d’une façon tout à fait aliturgique de la sacristie, comme si quelqu’un l’y avait cachée, pendant la nuit, dans une armoire.

[Semaine Sainte traditionnelle] : La croix d’autel reste voilée à sa place sur l’autel dénudé, avec seulement les chandeliers.

La lecture de l’évangile n’est plus distingué du chant de la Passion.

Le tout, évangile et Passion, prend maintenant le nom plus narratif de « histoire de la Passion ». Le motif d’une telle modification n’est pas clair, étant donné que la Commission avait semblé être opposée à ce changement dans le cas analogue du dimanche des Rameaux. L’intention est peut-être d’éliminer, comme c’est le cas ailleurs, tout signe qui fasse référence à la Messe, comme l’est la lecture de l’évangile – et ainsi justifier la suppression du nom de « Messe des Présanctifiés ».

[Semaine Sainte traditionnelle] : L’évangile est chanté d’une façon distincte de la Passion, mais, en ce jour de deuil, sans encens ni cierges[23].

Les nappes d’autel ne sont plus en place dès le début de la cérémonie, mais elles y sont installées seulement pour la seconde partie. Le prêtre ne revêt plus la chasuble noire dès le début, mais il ne porte que l’aube et l’étole.

Le fait que le prêtre revête la chasuble même pour un rite qui n’est pas celui de la Messe au sens strict témoignait de la très haute antiquité de ces cérémonies, comme les membres de la Commission le reconnaissent. En effet, ils soutiennent d’une part que les cérémonies du Vendredi Saint étaient constituées « d’éléments qui étaient demeurés intactes [depuis l’Antiquité] »[25], mais d’autre part ils tiennent à introduire une modification qui sépare la liturgie eucharistique « de la première partie de la liturgie, la liturgie de la Parole ». Cette distinction, encore en gestation à cette époque, devait être signifiée, selon les termes du P. Braga, par le fait que le célébrant ne porte au début de la cérémonie que l’étole, sans chasuble : « pour la liturgie de la Parole, [le célébrant] ne devait rester qu’avec l’étole ».

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le prêtre porte la chasuble noire ; arrivé au pied de l’autel il se prosterne, pendant que les acolytes déplient une seule nappe sur l’autel nu.

La question de la nouvelle prière pour les Juifs : c’est un problème accessoire pour une étude sur la Semaine Sainte. Elle doit être abordée dans une étude qui mettrait en évidence le malentendu philologique relatif à l’interprétation du mot latin "perfidi – perfidia".

Pour la septième oraison, est inventé le titre de « Pro unitate Ecclesiae ».

L’ambigüité de l’expression introduit l’idée d’une Eglise à la recherche de sa propre unité sociale, unité qu’elle ne possèderait pas encore. Selon la doctrine catholique traditionnelle et définie solennellement, l’Eglise ne manque pas d’unité sociale dans son état terrestre, puisqu’une telle unité est même une propriété essentielle de la véritable Eglise du Christ. L’unité n’est donc pas une caractéristique qui serait encore à chercher dans le dialogue œcuménique, puisqu’au contraire elle est déjà métaphysiquement présente dans l’Eglise. En effet, la phrase du Christ « ut unum sint » est une prière efficace de Notre-Seigneur, et qui est donc déjà, comme telle, réalisée. Ceux qui sont en-dehors de l’Eglise doivent retourner vers elle, retourner à l’« unité » qui se trouve en elle, et non point s’unir aux catholiques pour réaliser une unité qui n’existerait pas encore. Le but des réformateurs était en fait, nous apprend le P. Braga, d’éliminer de cette prières certaines paroles encombrantes qui parlaient des âmes séduites par le démon et prisonnières de la malice de l’hérésie : « animas diabolica frauda deceptas » et « haeretica pravitate ». Dans la même logique, on voulait éliminer la conclusion qui souhaitait un retour des égarés à l’unité de la vérité du Christ dans son Eglise : « errantium corda resipiscant, et ad veritatis tuae redeant unitatem ». Néanmoins, il ne fut pas possible de réformer le texte même de l’oraison, puisqu’à l’époque, se lamente encore le P. Braga, « l’unité était conçue dans les termes de l’œcuménisme préconciliaire ». On se contenta donc d’en réformer seulement le titre. Autrement dit, en 1956 l’unité de l’Eglise était encore conçue comme déjà existante et l’on demandait à Dieu d’incorporer à cette unité ceux qui en étaient éloignés ou séparés. Dans la Commission, il y avait donc des membres qui s’opposaient à l’œuvre d’érosion doctrinale, sans pouvoir cependant s’opposer à la création d’un hybride théologique, comme est le choix de conserver le texte traditionnel, mais sous un titre nouveau. Annibale Bugnini lui-même, une dizaine d’années plus tard, se rendra compte que prier pour la réalisation future de l’unité de l’Eglise est une hérésie : il en fera mention dans un article de l’Osservatore Romano qui critique le titre de la prière « pour l’unité de l’Eglise », pourtant introduit dix ans plus tôt par une Commission dont il était membre. Il y loue les nouvelles prières introduites en 1965 et explique que l’oraison en question a de nouveau changé de nom, devenant « prière pour l’unité des Chrétiens », parce que « L’Eglise a toujours été une ». En compensation, par contre, c’est à l’occasion de cette réforme de 1965 que sont éliminés les mots « hérétiques » et « schismatiques » de la même oraison. Il est consternant d’observer ici que ces manœuvres subtiles ne se servent de l’art liturgique que pour véhiculer des nouveautés théologiques.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le texte de l’oraison est le même qu’en 1956. On y prie pour que les hérétiques et les schismatiques retournent à l’unité de la Vérité : « ad veritatis tuae redeant unitatem »; il manque cependant le titre ambigu de l’oraison de 1956 : « Pro unitate Ecclesiae ».

Invention d’une procession du retour solennel de la croix depuis la sacristie.

Cette fois-ci, la croix revient liturgiquement, c’est-à-dire publiquement, et non plus entre les pots de fleurs et les chandeliers comme le soir précédent. En liturgie, ce qui est parti solennellement en procession doit revenir de la même façon. Ici au contraire l’innovation fait revenir solennellement un symbole qui avait été emporté la veille, en privé, au milieu d’autres objets. Quel est le sens de cette procession solennelle de la croix, inventée de toutes pièces ? Il semble qu’il s’agisse d’une tentative maladroite de restituer un rite qui était accompli à Jérusalem aux 4ème-5ème siècles, et dont nous avons connaissance dans le célèbre récit d’Egérie : « A Jérusalem l’adoration avait lieu sur le Golgotha. Egérie rapporte que la communauté se réunissait de bon matin. Devant l’évêque […] était alors portée la châsse d’argent qui contenait les reliques de la Croix ». Mais la reconstitution, arbitraire, de cette procession de retour de la croix advient ici dans un contexte qui n’est plus celui du Calvaire des premiers siècles ; c’est celui de la liturgie romaine, qui depuis des siècles avait sagement élaboré et intégré d’éventuels apports hiérosolomytains au sein d’un rite pluriséculaire.

[Semaine Sainte traditionnelle] : La croix était demeurée voilée sur l’autel depuis le premier dimanche de la Passion. Elle est alors dévoilée publiquement auprès de l’autel, c’est-à-dire à l’endroit où elle était restée.

L’importance de la procession eucharistique est réduite.

Après avoir inventé la procession de la croix, la réforme décide au contraire de réduire celle du retour du Saint-Sacrement, qui devient un rite quasi-privé, dans une inexplicable inversion de perspective. Le Saint-Sacrement avait été porté la veille solennellement jusqu’au Reposoir, ou « autel du Tombeau » (nous utilisons délibérément ce nom de « Tombeau », puisque toute la tradition chrétienne l’appelle de la sorte, en particulier le Memoriale Rituum et la Congrégation des Rites, même si les membres de la Commission supportaient mal un tel terme; il nous paraît au contraire tout à fait théologique, et tout imprégné de ce sensus fidei qui fait souvent défaut à certains théologiens). Il semble pourtant logique et « liturgique » qu’à une procession solennelle comme celle du Jeudi Saint, succède un retour d’égale dignité le Vendredi : il ne s’agit de rien moins que le Corps du Christ ! Mais la réduction des honneurs à rendre au Saint-Sacrement pousse les auteurs à décider que c’est au Diacre d’aller le chercher à l’autel du Tombeau, pendant que le célébrant reste tranquillement assis à la banquette en l’attendant, et aura tout de même la délicatesse de se lever au passage des Espèces Eucharistiques portées par un subalterne. C’est peut-être pour ces motifs que Jean XXIII, en 1959, ne voulut pas appliquer cette rubrique lorsqu’il célébra le Vendredi Saint à Sainte-Croix-de-Jérusalem, et qu’il alla lui-même chercher le Très-Saint-Sacrement.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le Saint-Sacrement retourne au sanctuaire dans une procession qui a la même solennité que celle du jour précédent. C’est le célébrant qui va le chercher, comme il convient, et non un subalterne qui l’attend, assis en silence.

Elimination des encensements dus à l’hostie consacrée.

Il est difficile de comprendre pourquoi le Vendredi Saint les honneurs rendus à Dieu devraient être inférieurs à ceux des autres jours.

[Semaine Sainte traditionnelle] : L’hostie consacrée est encensée comme de coutume, tandis que le célébrant, lui, ne l’est pas. Les signes de deuil sont donc clairs, mais ne s’étendent pas jusqu’à la Présence Réelle.

Introduction du Pater récité par les fidèles.

« La préoccupation pastorale d’une participation consciente et active de la communauté chrétienne » domine : les fidèles doivent devenir de « véritables acteurs de la célébration […] C’est ce que demandaient les fidèles, surtout ceux sensibles à la nouvelle spiritualité […] La Commission a accueilli les aspirations fondées du peuple de Dieu ». Il reste toutefois à démontrer que ces aspirations étaient bien celles des fidèles, et non pas celles d’un groupe de liturgistes avant-gardistes. Quant à la nature de la « nouvelle spiritualité » mentionnée ici avec ses « aspirations », on peut légitimement réclamer quelques éclaircissements sur ses fondements théologiques.

[Semaine Sainte traditionnelle] : Le Pater est récité, comme toujours, par le prêtre.

Elimination de la prière sacrificielle au moment de la consommation de l’hostie.

Il est vrai que ce jour-là il n’y a pas, au sens strict, de sacrifice eucharistique avec séparation des espèces sacrées. Mais la consommation de la victime, immolée le jour précédent, est une partie, bien que non-essentielle, du sacrifice. Elle en est donc, en un certain sens, la continuation sacramentelle, puisque le Corps consommé est toujours un Corps immolé et sacrifié : c’est pour ce motif que la Tradition faisait mention du sacrifice dans les prières connexes à la consommation de l’hostie. Certains membres de la Commission déclarent cependant qu’après tant d’années de tradition, le moment était venu de corriger les erreurs : ils affirment alors que des expressions telles que « meum ac vestrum sacrificium » sont « totalement déplacées en cette occasion, puisqu’il ne s’agit pas d’un sacrifice, mais seulement d’une communion ». On décida donc d’abolir ces prières pluriséculaires.

[Semaine Sainte traditionnelle] : On conserve la prière « Orate, fratres, ut meum ac vestrum sacrificium… », mais vu le contexte singulier, elle n’est pas suivie de la réponse habituelle.

Elimination de l’immixtion d’une partie de l’hostie consacrée dans le vin du calice.

L’immixtion d’une partie de l’hostie consacrée dans le vin non-consacré (pratique connue dans le rite byzantin), ne consacre évidemment pas le vin, et cela n’a jamais été cru dans l’Eglise. Cette union manifeste cependant symboliquement, et non pas réellement, l’unité du Corps mystique dans la vie éternelle, cause finale de toute l’œuvre de la Rédemption célébrée en ce jour saint. Le « Mémoire » conservé dans les archives de la Commission affirme que cette partie du rite devait être absolument supprimée, parce qu’« au début du Moyen-âge, existait la croyance selon laquelle la seule immixtion du pain consacré dans le vin aurait suffi pour consacrer le vin lui-même, ce qui entraîna l’introduction de ce rite d’immixtion. Les études sur l’Eucharistie ayant été approfondies, on s’est rendu compte du caractère infondé de telles croyances, mais le rite demeura ». Une telle affirmation est scandaleuse, à cause de son absence de fondement historique et de méthode scientifique, mais elle comporte aussi des conséquences théologiques graves. Avant tout, il faudrait démontrer historiquement qu’au Moyen-âge la croyance dont il est question ait été vraiment diffusée. Quelques théologiens ont pu tenir des théories erronées, mais cela ne prouve pas que l’Eglise Romaine ait erré au point d’insérer une doctrine fausse dans la liturgie, avec cette intention théologique précise. Ici, il est même affirmé que l’Eglise Romaine, se rendant compte de la gravité de l’erreur, n’avait pas voulu jusqu’ici la corriger : ce qui revient à soutenir non seulement que l’Eglise peut changer d’opinion au cours des siècles sur un point si important, mais aussi qu’elle peut se tromper à propos d’un fait dogmatique (comme l’est la liturgie universelle), et cela durant plusieurs siècles. Peut-être cherchait-on ici un fondement pour justifier l’œuvre réformatrice commencée, œuvre qui s’attachait à corriger toutes les erreurs que des générations entières de Papes n’avaient pas vues, mais que l’œil vigilant de la Commission avait finalement démasquées. Une telle attitude, on le constate aujourd’hui, est toute imbue d’un pseudo-rationalisme journalistique en vogue dans les années cinquante. Elle se fondait trop souvent sur des études sommaires et peu scientifiques pour détruire en leur nom ce qu’on désignait facilement comme des « traditions médiévales », et pour introduire à leur place des « évolutions » utiles.

[Semaine Sainte traditionnelle] : On mettait dans le vin une partie de l’hostie consacrée, mais on omettait alors, avec une cohérence théologique parfaite, les prières relatives à la consommation du Sang.

Le déplacement des horaires traditionnels, qui aurait pu être fait en harmonie avec les usages populaires, finit par créer de notables problèmes pastoraux et liturgiques.

Les pratiques de dévotion populaire s’étaient développées dans le passé en cohérence avec la liturgie. Un exemple parmi d’autres : en de très nombreux lieux, on expose encore aujourd’hui à partir de midi un grand crucifix, durant lequel sont prêchées les trois heures d’agonie de Notre-Seigneur (de midi à 15h). Mais à cause du changement d’horaire, on se trouve face à l’absurdité d’une prédication devant la scène de la Crucifixion, alors que la croix devrait encore être voilée, puisque le rite doit maintenant avoir lieu durant l’après-midi. Certains diocèses sont donc contraints aujourd’hui de déplacer la cérémonie de l’ « Action liturgique » dans une autre église que celle où se déroulent les antiques pratiques de piété populaire, afin d’éviter que l’incongruité ne soit trop évidente. Nombreux sont les exemples qui pourraient ainsi être évoqués. Ils mettent tous en évidence que la réforme, qui se voulait « pastorale » par excellence, ne fut en aucune façon un gain pour la piété des fidèles : elle est née chez des experts qui n’avaient pas de véritable contact avec les paroisses, ni avec la dévotion et la piété populaire qu’eux-mêmes méprisaient aisément. Les réformateurs, cependant, se rendirent compte qu’il s’était créé durant l’après-midi du Vendredi Saint un « vide liturgique » ; ils cherchèrent donc à y remédier en « introduisant des éléments paraliturgiques, comme les trois heures d’agonie, la Via Crucis ou l’Addolorata ». La Commission décida ainsi de remédier au scandale avec la pire des méthodes pastorales : celle qui bouscule les pratiques populaires, et sans aucune considération pour elles. L’inopportunité de cette « pastorale » montre que l’inculturation est un phénomène catholique de longue date, qui consiste à concilier dogme et piété en fonction des particularités locales, et non pas à imposer univoquement les expériences nées de l’idéologie de quelques « experts ».

[Semaine Sainte traditionnelle] : Il n’y a pas de problèmes d’horaires ; liturgie et piété s’étaient développées à travers les siècles l’une en fonction de l’autre, sans pour cela se contraposer en un antagonisme aussi inutile qu’imaginaire.