Voici un extrait de la critique que l’abbé Pagès a faite de l’entretien de Idriss Aberkane sur la chaîne Youtube Thinkerview et que l’on peut retrouver ici.

Ce que je viens de dire de l’influence de la gnose sur la pensée d’Idriss Aberkane se laisse voir en cette réponse : au journaliste lui demandant s’il croit en Dieu, Idriss est incapable de répondre simplement par oui ou par non… Pourquoi ? Parce qu’il est soufi, et que le soufisme est une gnose, c’est-à-dire une connaissance secrète, obscure, inavouable. Certes, il est vrai qu’il y a maintes déformations de l’idée de Dieu, mais il n’en reste pas moins vrai que le mot Dieu en notre culture renvoie nécessairement pour tous à l’Être infiniment supérieur, transcendant, cause et fin de tout, à l’unique et vrai Dieu, révélé par le Christ, tout-puissant, créateur, provident, sauveur, et juge au dernier jour. Si donc Idriss Aberkane ne peut pas dire qu’il croit en Lui, et qu’il éprouve le besoin d’en discuter, c’est parce qu’il a rejeté le Dieu révélé par Jésus-Christ, communément désigné le mot « Dieu », et cela parce que son dieu à lui est celui de la gnose. Or, tout comme Satan ayant rejeté Dieu pour se vouloir lui-même Dieu, sans Dieu et donc contre Dieu, la gnose enseigne à l’homme que Dieu est à inventer, ce qui finalement et immanquablement conduit à se découvrir soi-même Dieu ! Et c’est ce dont va témoigner Idriss dans cette vidéo, et déjà ici : quand il était enfant, il avait une relation avec Dieu, mais maintenant qu’il a été endoctriné par la gnose soufie, il a remplacé sa relation avec Dieu par la relation avec lui-même : il se parle à lui-même… Il n’a plus besoin de parler avec Dieu, qui est devenu un être imaginaire, mais, prenant la place de Dieu, il se parle à lui-même… Voilà où conduit la gnose : à couper l’homme de Dieu pour prendre Sa place. Mais si la gnose, au terme de l’initiation, réussit à faire croire à l’homme qu’il est Dieu, illumination des ténèbres de l’Enfer, elle ne lui expliquera jamais pourquoi, si l’homme est Dieu, l’homme se retrouve dans la condition si lamentable qui est la sienne aujourd’hui … Bref, rien d’étonnant à ce qu’Idriss Aberkane nous vende la solution gnostique de la connaissance !

Idriss est trop intelligent pour se déclarer simplement musulman. Il a besoin de trouver ailleurs les réponses que l’islam ne peut lui donner. C’est pourquoi il est soufi. Le soufisme permet en effet de continuer à se dire musulman – tant il est dangereux de quitter l’islam -, tout en se référant à autre chose, à une révélation ésotérique, transmise soi-disant depuis Mahomet de maîtres à disciples. Il faut dire que cette connaissance a toujours irrité les pouvoirs musulmans, non seulement parce qu’étant secrète elle leur échappait, mais encore parce qu’elle nie frontalement le caractère évident et complet de la révélation d’Allah qu’est le Coran (Coran 4.174 ; 6.38,57 ; 7.145 ; 12.111 ; 16.89 ; 18.1 ; 22.70 ; 44.2 ; 50.4 ; 78.29…).

Ici Idriss affirme croire en Dieu, mais comme il nous l’a dit précédemment, son Dieu n’est pas Celui auquel nous pensons spontanément, le Dieu de Jésus-Christ. Le dieu auquel Idriss veut bien croire doit correspondre aux critères que l’homme estime spontanément convenables pour un dieu, notamment le fait de ne pouvoir être rabaissé. Mais qui d’autre que le démon, père de l’orgueil, a en horreur l’humilité, l’humilité de Dieu, manifestée par l’Incarnation et la Passion du Christ ? Outre qu’en Dieu, grandeur et petitesse s’identifient en Son adorable unité, les musulmans n’ont pas compris qu’en considérant l’Incarnation indigne de Dieu, non seulement ils insultent le Créateur, qui, selon eux, devrait avoir honte de Sa création, mais encore, se jugeant ainsi eux-mêmes indignes de Dieu, ils se vouent au malheur éternel… Si seulement ceux qui crient « Allah ouakbar ! (Allah est le plus grand !) » comprenaient que cela n’a aucun sens, parce qu’étant unique, Dieu n’a pas besoin de Se comparer, et que toute la création montre que Dieu est aussi bien grand que petit, étant le Tout-Autre ! Les savants découvrent chaque jour davantage aussi bien les immensités de l’infiniment grand que les profondeurs de l’infiniment petit, et Dieu cesserait d’être infini en S’incarnant ? Ce que Dieu a fait est très beau (cf. Gn 1.31), et Il n’en rougit pas ! C’est pourquoi Il n’a pas honte d’assumer Son œuvre, notre humanité, qu’Il a créée, afin de la délivrer de nos péchés. Que Dieu soit en Lui-même absolument transcendant, et donc incommunicable, n’empêche pas l’Eglise de croire qu’Il nous aime assez pour, après nous avoir tout donné de ce que nous sommes et de ce que nous avons, mettre le comble à Son Amour en Se donnant Lui-même ! Et pour cela, Se rendre semblable à nous, sinon, comment Le recevoir ? Pourrait-Il faire quelque chose de plus beau ? Et peut-Il ne pas faire ce qu’il y a de plus beau ? Croire cela conduit à aimer Jésus (Mt 10.40), et en aimant Jésus à aimer Dieu et à nous aimer les uns les autres comme Jésus l’a fait (Mc 9.37 ; Mt 18.5 ; Jn 13.34 ; 15.12 ; Ep 4.32-5.8 ; 1 Jn 4.7,8,20,21). Pourrait-il y avoir un Dieu meilleur que celui-là ?

Tout d’abord, Dieu ne vient pas du grec Zeus, comme l’affirme avec tant d’aplomb Idriss, mais du latin Deus, apparenté à la racine indo-européenne Deiwo désignant la lumière du jour. Ce mot, à la différence de Zeus qui renvoie à un personnage connu de la mythologie grecque, ne dit rien sur Dieu. C’est un mot sans visage, qui désigne un être absolument transcendant. Mais la bonne nouvelle est que Dieu, par définition inconnaissable, a bien voulu Se faire connaître, Se révéler, raison pour laquelle Il nous a parlé, par les Prophètes d’Israël, puis, de façon définitive et parfaite, par le Messie, qui S’est présenté comme LE Fils, renvoyant de ce fait à Celui qu’Il appelait « Abba » (Père). Il nous a ainsi révélé que Dieu est Relation, Communion de personnes, Amour, Trinité. Dieu n’est donc barbu et ne lance des éclairs dans la Chapelle Sixtine que parce que les chrétiens ont voulu annoncer Celui que Jésus appelait Père, Lui dont les pères de la terre reflètent plus ou moins l’image, et peuvent justement être caractérisés par le fait qu’ils portent une barbe, privilège que n’ont ni les femmes, ni les enfants. Quant au fait que Zeus portait aussi une barbe et lançait des éclairs, cela tient à l’intuition des peuples cherchant depuis toujours à connaître Dieu, dont leur parlait la Tradition primitive issue du Paradis terrestre, qu’à leur volonté de se Le représenter, expression inconsciente de leur désir de Son Incarnation. La correspondance de la Révélation chrétienne avec des mythes païens est souvent présentée, en particulier par l’islam, comme preuve du caractère idolâtre du christianisme, alors qu’elle est une preuve de la justesse de la réponse apportée par le Christ à l’attente universelle d’un Sauveur, promis à l’aube de l’humanité (Gn 3.15), et dont toutes les cultures et civilisations ont gardé plus ou moins obscurément le souvenir. L’Église sait lire dans les paganismes la Tradition Primordiale révélée à Adam et Ève, et elle a la joie d’annoncer à tous les peuples son accomplissement en Jésus le Messie ! L’historien juif, Daniel Boyarin, notamment, a montré que l’idée de consubstantialité du Messie avec Dieu n’était pas une innovation chrétienne, mais était déjà présente dans la littérature prérabbinique et dans la Bible elle-même. « Les idées de la Trinité et de l’Incarnation, dit-il, ou du moins les germes de ces idées, étaient déjà présentes parmi les croyants juifs longtemps avant que Jésus n’apparaisse (Le Christ juif, Lexio, 2019, p.123) ». Plutôt donc que rejeter la Révélation divine que tout porte à accepter, il faut reconnaître que le monothéisme trinitaire rejoint à la fois la révélation de l’unicité de Dieu portée par le judaïsme préchrétien, et l’intuition du polythéisme professant la pluralité et l’altérité en Dieu, de sorte que le christianisme conduit chacun de ces deux systèmes religieux à la plénitude de la Vérité par eux imparfaitement entrevue. Dieu aurait-Il pu faire à l’humanité en quête d’unité métaphysique et religieuse un don plus parfait que le christianisme ? Qu’Idriss se rassure donc : en christianisme, aussi vrai que l’Esprit-Saint est représenté par une colombe ou du feu, Dieu n’a pas nécessairement de barbe !