Aurelio Porfiri, lui-même musicien, compositeur de musique sacrée et hôte régulier de Marco Tosatti (voir sa bio sur mon site: ICI), revient sur l’histoire de la religieuse qui, après avoir connu une certaine notoriété en remportant en 2014 le concours The Voice a décidé de quitter le voile pour se consacrer à sa passion (cf. La sœur et la chanteuse). Pour illustrer le titre de cet article, il s’appuie évidement sur l’expérience de Suor Cristina, mais aussi sur la célèbre chanson de John Lennon Immagine, hymne païen du monde sans Dieu et pourtant plébiscité par des clercs, et pas des moindres (comme le président du Conseil pontifical de Théologie, dans l’Osservatore, cité ici par Porfiri).

https://www.stilumcuriae.com/il-caso-scuccia-la-musica-non-e-mai-innocente-aurelio-porfiri

Aurelio Porfiri

Un événement qui s’est produit ces derniers jours a été pour moi un élément fort de réflexion. Cette histoire concerne une religieuse de l’Ordre des Ursulines de la Sainte Famille qui a annoncé qu’elle quittait la vie religieuse. Qu’est-ce que cela a de spécial ? Ce qui est particulier, c’est que Suor Cristina, c’était son nom en tant que religieuse, avait atteint une certaine renommée en Italie en tant que chanteuse pop, et qu’elle était soutenue par sa communauté religieuse. Elle avait remporté le « talent schow » The voice of Italy et s’était exhibée en chantant des tubes pop internationaux, passant de The Voice à Tantum (ergo).

Comment les deux ont pu aller ensemble, Dieu seul le sait. En effet, vouloir faire croire que c’est fait pour rapprocher les jeunes de l’Eglise, pour parler les « langages modernes », est une idiotie colossale. Non seulement les jeunes ne se rapprochent pas, mais ceux qui les proposent s’éloignent.

Oui, car Cristina Scuccia, c’est le nom sous lequel elle sera désormais connue, n’est pas la première et, malheureusement, ne sera pas la dernière. Pensons à Jeanne Paule Dominique Decker, une religieuse belge de l’ordre des Sœurs missionnaires dominicaines de Notre-Dame de Fichermont, connue de tous sous le nom de Sœur Sourire, qui est devenue célèbre dans les années 1960 en interprétant des chansons qu’elle accompagnait de sa guitare [en fait, des malfaisants avaient utilisé la dernière syllabe de son prénom pour lui faire chanter, à son insu, une obscénité, ndt]. Elle a quitté son ordre et a commencé à vivre avec une autre ex-religieuse, Anne Pécher, dans une relation qui n’a jamais été très claire. Une relation qui devait être très proche, toutefois, car toutes deux se sont suicidées ensemble en 1985 et ont demandé à être enterrées ensemble.

Ou encore le frère capucin italien Giuseppe Cionfoli, devenu célèbre dans les années 1980 comme chanteur de chansons pop aux paroles d’inspiration religieuse (d’ailleurs, ses chansons et sa voix étaient même très agréables). Après avoir participé au festival de Sanremo, le festival de la chanson italienne, il a lui aussi abandonné l’habit de moine et est aujourd’hui marié, avec des enfants et des petits-enfants.

Mais je pourrais continuer. Comment s’étonner alors qu’il y ait le « Père Flamenco », l’Espagnol Don José Palmas qui exécute quelques pirouettes lors de sa « Messe dansante », ou le « prêtre chantant » Don Bruno Maggioni qui interprète des chansons pop lors des mariages pour le plus grand plaisir des fidèles (ou plutôt des spectateurs). D’ailleurs, le président de l’Académie pontificale de théologie lui-même, Mgr Antonio Staglianò, dans L’Osservatore Romano, nous fait comprendre pourquoi nous devons apprécier Imagine de John Lennon, l’un des hymnes à la mentalité du monde:

Imagine n’est-elle pas une œuvre d’art qui naît et renaît sans cesse chez ceux qui l’écoutent et la chantent ? Et ceux qui écoutent et chantent n’interviennent-ils pas avec leur ‘compétence interprétative’ pour partager le monde du texte et le reconfigurer de manière créative ? La préoccupation de l’évêque ne pourrait donc plus être celle d’être attentif à une idéologie matérialiste sans transcendance, mais plutôt celle d’habiliter la compétence interprétative du croyant afin qu’il puisse reconnaître la transcendance là où on l’attend le moins, pour raviver l’imagination de son sensus Regni, selon Jésus.

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C’est dans cette direction que j’ai pu, depuis deux ans, adresser mes vœux de Noël aux habitants de Noto, et en particulier aux jeunes, avec le texte et la mélodie d‘Imagine. C’est parce que j’ai pu lire ce texte d’une manière véritablement chrétienne, en atteignant le message authentique de Lennon à la lumière de l’Évangile, que je peux affirmer que Jésus aurait lui aussi chanté cette chanson avec conviction et sans crainte de l’idéologie sous-jacente.

Sur tout ? Même sur la négation du Paradis (Imagine there is no Heaven) et de la Religion (and no Religion too)? Absolument. Malgré Lennon (peut-être !), le message d’Imagine va au cœur de la prédication de Jésus sur le ciel et Dieu.
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« Pop Theology », 4 septembre 2021
https://www.osservatoreromano.va/it/news/2021-09/quo-200/pop-theology.html

Jésus aurait chanté Imagine ? Jesus-Christ Superstar, peut-être….

On ne veut pas comprendre que la musique n’est pas innocente, elle ne peut pas être prise et transférée dans des contextes qui ne sont pas les siens et changée de l’intérieur. Un chant grégorien n’ a rien à faire dans un concert de rock, cela reste un chant grégorien. La musique pop (avec toutes les valeurs qui lui sont attachées) dans la liturgie ou sur les lèvres d’un prêtre ou d’une religieuse, reste de la musique pop.

J’ai vu les photos de Cristina Cuccia dans une émission de télévision. Cela m’a rendu un peu triste, d’un côté. Elle était bien maquillée et il y avait certainement une différence avec l’image de nonne à lunettes qu’elle avait auparavant.

Une belle jeune fille Italienne, il n’y a aucun doute. Et peut-être beaucoup plus cohérente maintenant que dans le passé, où elle essayait de faire cohabiter deux mondes inconciliables.

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