Pierre Martin Ngo Dinh Thuc

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Pierre Martin Ngo Dinh Thuc
Image illustrative de l’article Pierre Martin Ngo Dinh Thuc
Biographie
Naissance
Hué, Protectorat d'Annam, Indochine française
Ordination sacerdotale
Décès (à 87 ans)
Carthage, Missouri, États-Unis
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par Antonin Drapier
Archevêque titulaire de Bulla Regia
Archevêque de Hué
Vicaire apostolique de Vinh Long
Évêque titulaire de Saesina

Signature de

(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Pierre Martin Ngô Đình Thục (du vietnamien : Ngô Đình Thục), né à Hué de parents catholiques le et mort le , est un prélat vietnamien, archevêque de Hué. Il joua notamment un rôle politique important dans les premières années du Sud Viêt Nam, alors que le régime était dirigé par deux de ses frères, le président Ngô Đình Diệm et le conseiller politique Ngô Đình Nhu[1]. Vivant une grande partie de sa vie en exil, il est excommunié en 1976 pour avoir consacré évêques sans mandat pontifical plusieurs personnes de son entourage[2]. Selon certains il se serait réconcilié avec le Saint-Siège en 1984, quelques mois avant sa mort. Mais la question est fortement disputée[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et famille[modifier | modifier le code]

Ngô Đình Thục est né le 6 octobre 1897 à Hué, en Indochine française, dans une famille catholique aisée. Il est le deuxième des six fils survivants de Ngô Đình Khả, un mandarin de la dynastie des Nguyễn qui a servi l'empereur Thành Thái pendant l'occupation française du Viêt Nam.

Le frère aîné de Thục, Khôi, a été gouverneur et mandarin de l'administration de l'empereur Bảo Đại sous contrôle français. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Khôi et Diệm, le frère cadet de Thục, sont tous deux arrêtés pour avoir collaboré avec les Japonais[4]. Diệm est libéré, mais Khôi est ensuite fusillé par le Việt Minh dans le cadre de la révolution d'août 1945 (et non enterré vivant comme on le dit parfois)[5]. Les frères de Thục, Diệm, Nhu et Cẩn, sont actifs sur le plan politique. Le cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan (1928-2002) était le neveu de Thục.

Prêtrise et épiscopat[modifier | modifier le code]

À l'âge de douze ans, Thục entre au petit séminaire d'An Ninh. Il y passe huit ans avant d'étudier la philosophie au grand séminaire de Huế. Après son ordination sacerdotale le 20 décembre 1925, il est sélectionné pour étudier la théologie à Rome et on dit souvent qu'il a obtenu trois doctorats de l'Université pontificale grégorienne en philosophie, en théologie et en droit canonique, ce qui n'est toutefois pas corroboré par les archives de l'université[6]. Il a brièvement donné des cours à la Sorbonne et a obtenu des diplômes d'enseignement avant de retourner au Viêt Nam en 1927[6].

Le 8 janvier 1938, le pape Pie XI crée le vicariat apostolique de Vĩnh Long au Viêt Nam et choisit personnellement Thục (alors âgé de 41 ans) pour en être le premier vicaire apostolique. Le 4 mai de la même année, en présence de sa famille, Thục est consacré évêque par Antonin Drapier, délégué apostolique en Indochine, et les co-consécrateurs Isidore Dumortier, M.E.P., vicaire apostolique de Saigon, et Dominique Maria Hồ Ngọc Cẩn, vicaire apostolique de Bùi Chu[7].

En 1950, Diệm et Thục demandent l'autorisation de se rendre à Rome pour les célébrations de l'année sainte au Vatican, mais se rendent plutôt au Japon pour faire pression sur le prince Cường Để afin d'obtenir son soutien pour prendre le pouvoir. Ils ont rencontré Wesley Fishel, un universitaire américain consultant pour le gouvernement des États-Unis. Fishel était un partisan de la doctrine de la troisième force anti-coloniale et anti-communiste en Asie et fut impressionné par Diệm. Il aide les frères à organiser des contacts et des réunions aux États-Unis pour obtenir leur soutien[8].

Avec le déclenchement de la guerre de Corée et le début du maccarthysme au début des années 1950, les anticommunistes vietnamiens étaient une denrée recherchée aux États-Unis. Diệm et Thục ont été reçus au département d'État par le secrétaire d'État par intérim James Webb, et c'est Thục qui s'est chargé de la majeure partie de la conversation. Diệm et Thục ont également tissé des liens avec le cardinal Francis Spellman, l'ecclésiastique le plus influent de son temps sur le plan politique, et Spellman est devenu l'un des plus puissants défenseurs de Diệm. Avec l'aide de son frère, Diệm a obtenu une audience avec le pape Pie XII à Rome, puis s'est installé aux États-Unis en tant qu'invité des Pères de Maryknoll[9]. Spellman a aidé Diệm à obtenir le soutien des cercles catholiques et de droite. Thục était largement considéré comme plus génial, plus loquace et plus diplomate que son frère, et il était admis que Thục aurait une grande influence sur le futur régime[10]. Alors que la puissance française au Viêt Nam déclinait, le soutien de Diệm en Amérique, que Thục a contribué à entretenir, a fait grimper sa cote. L'empereur Bảo Đại fait de Diệm le Premier ministre de l'État du Viêt Nam, car il pense que les relations de Diệm lui assureront une aide financière étrangère[11].

Décès[modifier | modifier le code]

L'archevêque Thục meurt au monastère de la congrégation religieuse vietnamo-américaine de la Mère co-rédemptrice, le à Carthage, dans le Missouri, à l'âge de 87 ans[3].

Consécrations[modifier | modifier le code]

Après sa rupture avec Rome, Dihn-Thuc a consacré une dizaine d'évêques qui eux-mêmes ont consacré d'autres évêques dont les plus notables sont[3] :

Rejet des ordinations et sacres de Thuc par le Saint-Siège[modifier | modifier le code]

L'Église catholique a statué sur les sacres effectués par Ngo-Dinh-Thuc postérieurement à 1968. Dans une notification du et signée du cardinal Ratzinger confirmant une note du de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il est indiqué que tous les prêtres sacrés évêques, ou tous les laïcs ordonnés prêtres par ces évêques sacrés encourent les peines suivantes[2] :

  1. « Les évêques qui ont ordonné d’autres évêques, et les évêques qu’ils ont ordonnés encourent, outre les sanctions prévues par les canons 2370 et 2373, § 1 et 3 du Code de droit canonique, l’excommunication ipso facto très spécialement réservée au Siège apostolique, dont il est question dans le décret publié par la S. Congrégation du Saint-Office le (AAS XLIII, 1951, p. 217 et s.). La peine prévue par le canon 2370 s’applique aussi aux prêtres assistants, s’il y en avait.
  2. Les prêtres ainsi ordonnés illégitimement sont, en vertu du canon 2374, suspendus ipso facto, de l’Ordre qu’ils ont reçu, et même frappés d’irrégularité s’ils accomplissent un acte réservé à cet ordre (can. 987, § 7).
  3. Enfin, quoi qu’il en soit de la validité des ordres, l’Église ne reconnaît ni ne reconnaîtra l’ordination de ceux qui, déjà, ont ainsi été ordonnés illégitimement ou de ceux qui éventuellement seraient ordonnés par eux. Pour tous les effets juridiques, l’Église considère que chacun d’eux est resté dans l’état qui était le sien auparavant, demeurant fermes, jusqu’à ce qu’ils viennent à résipiscence, les sanctions pénales indiquées ci-dessus. Nonobstant toutes choses contraires. »

Cette Congrégation doit enfin mettre en garde les fidèles, afin qu’ils ne donnent en aucune manière leur participation et leur soutien aux activités liturgiques ou autres organisées par les personnes sus-indiquées[2].

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Mgr NGO DINH THUC : les Américains ont dépensé 20 millions de dollars pour tenter de renverser le gouvernement Diem », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. a b et c Joseph Ratzinger, « Notification par laquelle sont de nouveau déclarées les peines canoniques encourues par Mgr. Pierre-Martin Ngô-dińh-Thuc et ses complices pour les ordinations illicites de prêtres et d'évêques », sur www.vatican.va, Congrégation pour la Doctrine de la Foi, (consulté le )
  3. a b c et d Frédéric Luz, Le Soufre et l'Encens : enquête sur les Églises parallèles et les évêques dissidents, Paris, Claire Vigne, , 319 + XVI (ISBN 2-84193-021-1), p. 160-179; 232-235; 273-310
  4. Jarvis 2018, p. 39-40.
  5. Jarvis 2018, p. 40.
  6. a et b Jarvis 2018, p. 27.
  7. (en) « Archbishop Pierre Martin Ngô Ðình Thục † », sur catholic-hierarchy.org (consulté le )
  8. (en) Max Frankel, « University Project Cloaked C.I.A. Role In Saigon, 1955–59 », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  9. (en) « The Beleaguered Man », Time,‎ (lire en ligne [archive du ]) :

    « For the best part of two years (1951–53) he made his home at the Maryknoll Junior Seminary in Lakewood, N.J.. often going down to Washington to buttonhole State Department men and Congressmen and urge them not to support French colonialism. »

  10. Jarvis 2018, p. 41-42.
  11. Jarvis 2018, p. 25-34.
  12. « Mgr Ngo Dinh Thuc, ancien archevêque de Hué et cinq évêques qu'il avait ordonnés sont excommuniés », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Joachim Bouflet, Impostures mystiques, Éditions du Cerf, , 376 p. (ISBN 978-2204155205)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Edward Jarvis, Sede Vacante: The Life and Legacy of Archbishop Thuc, Berkeley, California, Apocryphile Press, (ISBN 978-1-949643-02-2)

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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