30 juillet 2006

La cérémonie d’abjuration du Pasteur Sten Sandmark à Saint-​Nicolas du Chardonnet

Abjuration solennelle devant plus d’un millier de paroissiens

Le pas­teur luthé­rien Sten Sandmark et le jeune frère frère Joacim Svensson, 19 ans, vont abju­rer entre les
mains de Mgr Tissier de Mallerais assis­té de mes­sieurs les abbés Schmidberger, ancien supé­rieur
géné­ral, et Régis de Cacqueray, supé­rieur du District de France.

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Cérémonie d’abjuration à Saint-​Nicolas du Chardonnet

Le ser­mon de Mgr Tissier de Mallerais

Paris se vide, ses églises sont désertes, après la cani­cule que nous venons de connaître peu de cita­dins se risquent en ville en ce dimanche de trans­hu­mance esti­vale. Dieu serait-​il seul et aban­don­né à Paris ? – « Car les grandes villes, Seigneur sont mau­dites » s’ex­cla­mait le poète.

Pas tout à fait cepen­dant car hier matin, dans le cin­quième arron­dis­se­ment de Paris, on pou­vait entendre les bat­te­ments d’un cœur, on pou­vait s’émerveiller de sen­tir la grâce à l’œuvre dans les âmes et de voir s’épanouir la splen­deur d’une pro­fonde litur­gie. C‘était en l’église saint Nicolas du Chardonnet que d’aucuns se plaisent à nom­mer « le phare de la Tradition », pla­çant ain­si haut l’exigence pour le cler­gé qui la des­sert et les fidèles qui la fréquentent.

Une céré­mo­nie d’abjuration… Voilà bien de l’inédit et du spec­ta­cu­laire ! Du jamais vu (ou presque : il serait inté­res­sant d’en recen­ser les cas s’il y en a) depuis qua­rante ans, depuis que l’on ne conver­tit plus, depuis que, pour l’Eglise catho­lique offi­cielle, chaque reli­gion repré­sente une voie par­ti­cu­lière et éga­le­ment digne pour faire son salut.

Une abju­ra­tion : un scoop ! Mais pas de jour­na­liste… Juste une église pleine à cra­quer, juste des fidèles émus et atten­tifs, juste deux hommes : un pas­teur dans la force de l’âge et un jeune sémi­na­riste, tous deux membres d’une congré­ga­tion luthé­rienne de l’Eglise de Suède. Deux hommes qui ont choi­si d’abjurer la foi qui leur avait été trans­mise par leurs pères depuis 1517, pour embras­ser la reli­gion catho­lique romaine. « Nous avons le sen­ti­ment de ren­trer à la mai­son… enfin ! » nous diront-​ils, radieux, à l’issue de la messe…

Dans le chœur le trône n’est pas dres­sé, il n’y aura pas d’office pon­ti­fi­cal, rien ne vien­dra mar­quer cette céré­mo­nie du sceau de la magni­fi­cence. Bienheureuse sobrié­té, beau­té d’une litur­gie où les hommes ne servent que le sacré. 10 H 30, la pro­ces­sion remonte la nef : un prêtre du Christ ayant reçu la plé­ni­tude du sacer­doce par la ver­tu de son onc­tion épis­co­pale, un diacre, un sous diacre. C’est tout. Monseigneur Tissier de Mallerais offi­cie­ra donc assis­té de Messieurs les abbés Schmidberger et de Cacqueray.

Monseigneur prend immé­dia­te­ment la parole pour accueillir les deux reli­gieux luthé­riens, il leur dit notre joie de les assis­ter en cette heure pour eux si déci­sive, et nous retrace leur par­cours. Puis, tout de suite a lieu la céré­mo­nie d’ab­ju­ra­tion. Le Pasteur et le jeune sémi­na­riste sont invi­tés dans le chœur et viennent, cha­cun à son tour, s’a­ge­nouiller devant Monseigneur entou­ré de ses deux assis­tants, tous trois assis devant l’au­tel. Les deux anciens luthé­riens posent la main sur les Evangiles et pro­noncent le texte de leur abju­ra­tion. Le pas­teur, d’une voix pro­fonde et émue, le dira en fran­çais ; le jeune sémi­na­riste, grave et déter­mi­né, le pro­non­ce­ra en anglais. Puis, à l’orgue de chœur, Monsieur l’ab­bé Lorber entonne le Miserere.

La céré­mo­nie se pour­suit par la levée de l’ex­com­mu­ni­ca­tion qui frap­pait les deux sué­dois, puis par leur confir­ma­tion dans l’Eglise catho­lique sui­vie par l’af­fir­ma­tion réso­lu­ment dyna­mique du Credo. Nos frères sépa­rés nous ont rejoints, cha­cun revient à sa place, Monseigneur entonne l’Asperges me, la messe peut alors commencer.

Ce ne fut pas la messe des grands jours, juste une toute petite dizaine d’enfants de chœur ponc­tuaient le bas des marches de l’autel de leur aube écar­late, mais ce fut une messe intense, en com­mu­nion avec ces deux hommes pro­fon­dé­ment reli­gieux : l’un ministre de sa reli­gion depuis déjà tant d’années et l’autre, ce tout jeune homme qui venait gra­ve­ment d’abjurer, déci­dant ain­si d’un coup son des­tin en accom­pa­gnant son aîné sur le che­min d’amour indi­qué par Notre-​Seigneur : « Viens et suis-moi ».

Un der­nier mot pour évo­quer la musique qui accom­pa­gnait cet élan litur­gique. Les cho­rales qui habi­tuel­le­ment nous ravissent n’avaient pro­ba­ble­ment pas pu se réunir faute d’effectif. Il y avait sim­ple­ment l’orgue, une trom­pette, et Monsieur l’abbé Lorber. Ils ont su entraî­ner toute l’assistance : oui, l’église chan­tait. Vraiment ! Ce n’était pas ces répons du bout des lèvres, par­fois du bout du cœur que l’on entend trop sou­vent, et le Magnificat final lan­cé du haut de la tri­bune trou­va son écho à plu­sieurs voix répar­ties dans la nef, un écho à la mesure de la joie que nous pro­cu­rait l’événement.

Nous lais­se­rons cepen­dant le mot de la fin à l’Introït de ce hui­tième dimanche après la Pentecôte :

Suscepimus, Deus, mise­ri­cor­diam tuam in medio tem­pli tui : secun­dum nomem tuum, Deus, ita et laus tua in fines terræ : jus­ti­cia ple­na est déx­te­ra tua (Ps 47, 2) : Au milieu de votre Temple, ô Dieu, nous avons reçu votre grâce ; votre louange comme votre nom, s’étend jusqu’aux extré­mi­tés du monde et votre puis­sance s’exerce avec justice.

Paris, le 31 juillet 2006

DP-​SI pour La Porte Latine