Un ancien militaire accusé d'agressions sexuelles sur 13 enfants dans une école catholique traditionaliste près de Saint-Malo

Un ancien militaire était jugé ce jeudi 12 novembre pour avoir agressé sexuellement treize enfants à l'école catholique traditionaliste de Saint-Père, près de Saint-Malo.

La plupart des agressions sexuelles commises sur les enfants ont eu lieu dans le dortoir de l'école catholique traditionaliste Sainte-Marie à Saint-Père, près de Saint-Malo.
La plupart des agressions sexuelles commises sur les enfants ont eu lieu dans le dortoir de l’école catholique traditionaliste Sainte-Marie à Saint-Père, près de Saint-Malo. (© Archive Le Pays Malouin)
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Audience éprouvante pour les victimes ce jeudi 12 novembre 2020 au tribunal de Saint-Malo. Un ancien militaire de 52 ans était jugé pour de nombreuses agressions sexuelles commises entre 1996 et 2001 à l’école privée Sainte-Marie, située à Saint-Père-Marc-en-Poulet, près de Saint-Malo.

Une école de garçons « hors contrat »

Cet établissement « hors contrat » accueille depuis les années 1980 des élèves -uniquement des garçons- du CP à la terminale. Gérée par la fraternité Saint-Pie X, une communauté catholique traditionaliste en marge de l’Église, cette école échappe au contrôle habituel exercé par l’Éducation Nationale. Certains professeurs sont abbés ou frères et exercent en soutane.

Logé dans le dortoir des petits

Au milieu des années 90, un homme extérieur à la communauté vient régulièrement séjourner à l’école. Militaire en activité, Guillaume A. est « l’ami d’un frère rencontré lors d’une retraite spirituelle ». Il a toute sa confiance et est accueilli bras ouverts lors de ses permissions. Logé dans le dortoir des petits, il fait aussi office « d’encadrant et de surveillant durant ses séjours », relate la juge Marilyse Brard à l’audience.

Des cadeaux militaires

Rapidement, un « climat de confiance » s’instaure avec les enfants et avec leurs familles. L’homme ou plutôt son uniforme fascine. Guillaume A. vient souvent les bras chargés « d’effets militaires ».

À des enfants âgés de dix ans, ils proposent d’essayer des treillis et profitent qu’ils se changent pour glisser sa main dans leur slip. À un garçon du même âge, il demande de se mettre tout nu et le filme avec son caméscope en échange « de bonbons et de Mars ».

À d’autres enfants eux aussi âgés d’une dizaine d’années, il offre une paire de rangers pour les remercier de l’avoir masturbé ou en échange d’une fellation. Pour cette autre victime, ce sera une gourde et un couteau en cadeau après avoir crié de douleur alors que Guillaume A. tentait de le pénétrer…

Des témoignages glaçants, de cette nature, la juge en lira plusieurs tout au long des sept heures et demi d’audience de ce jeudi 12 novembre.

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Des victimes désemparées

L’affaire avait éclaté une première fois au milieu des années 2000 avec la plainte de deux anciens élèves. Elle sera relancée en 2010, après un premier procès, quand trois autres anciens élèves porteront plainte à leur tour.

L’enquête s’annonce alors longue, minutieuse et fastidieuse pour retrouver d’autres victimes encore. 244 enfants ayant fréquenté l’école Sainte-Marie durant les sept années de présence du militaire sont recensés. Plus de mille coups de téléphone sont donnés. 

« Les victimes retrouvées sont perturbées, désemparées par ces appels qui ont fait ressurgir chez elles un passé enfoui et le traumatisme subi »

Marilyse BrardJuge au tribunal judiciaire de Saint-Malo

« J’espère trouver la force de passer à autre chose »

Treize nouvelles victimes sont finalement recensées. Des enfants devenus des hommes. Des êtres « brisés, fracassés », selon leurs avocats. Trois d’entre-eux sont là, devant le tribunal de Saint-Malo, ce jeudi 12 novembre. Présents et en pleurs au moment de faire ressurgir ce douloureux passé.

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Les mots « honte », « culpabilité », « humilié » sont énoncés dans la dignité, sans haine perceptible envers le prévenu.

« La vie de mon client est devenue un naufrage depuis ce jour où Guillaume A. a posé sa main sur lui », raconte l’avocate d’une victime. « J’espère maintenant trouver la force de passer à autre chose », sanglote un homme aujourd’hui âgé d’une trentaine d’années.

« Des adultes en souffrance »

À la barre, le père d’une victime parle pudiquement de petits garçons devenus « des adultes en souffrance » dont certains sont aujourd’hui en proie à « des addictions » et à de « graves problèmes de comportement » survenus au fil des années qui ont suivi ces agressions.

« Le secret de la confession »

À l’époque des faits, deux enfants s’étaient confiés à un prêtre traditionaliste de l’école. Mais leurs mots n’ont pas dépassé « le secret de la confession ». L’enquête non plus n’a pas mis en cause la hiérarchie de l’établissement.

« On peut pourtant parler de non-dénonciation de crime et de non-assistance à personnes en danger »

L'avocat d'une victime

« Une fois de plus, nos amis les prêtres s’en sortent très bien », s’emporte son confrère Pierre Stichelbaut. Et l’avocat malouin de prévenir le tribunal :

« Ce corps enseignant là se moque bien de votre justice. Seule la justice divine leur importe ».

Pierre StichelbautAvocat d'une victime et de ses parents

Un « silence révoltant »

Le père d’une victime a lui aussi fait part du « silence révoltant » de la direction de l’école durant ces années sombres. « Je veux bien croire qu’ils ne savaient pas. Je ne porte pas une charge contre l’institution mais contre toutes ces personnes qui, une fois les faits dénoncés, ont été mutées, sont parties dans la nature, sans même avoir un mot pour nous… »

Même l’avocat du prévenu, la Malouine Karine Helouvry, s’étonnera « qu’une école comme celle-ci aux méthodes plus que contestables existe encore en 2020 »

Impliqué dans deux autres affaires de viol d’enfants

Guillaume A. a été condamné en 2005 par la cour d’Assises de Draguignan à 16 années de prison pour des faits de viol sur des enfants commis dans le Var à la même époque. Libéré avant la fin de sa peine, il est actuellement en détention provisoire dans le cadre d’une nouvelle affaire de viol sur mineur.

« Ce dossier aurait dû faire l’objet d’une instruction criminelle et être jugé en cour d’assises », ne comprend pas Me Stichelbaut, au nom des parties civiles.

Sept ans de prison requis

« Le choix a été fait de correctionnaliser pour avoir un procès plus rapide, nécessaire à la reconstruction des victimes », a expliqué Elodie Dumas. La représentante du Parquet a requis 7 ans de prison, soit la peine maximale encourue, contre le prévenu. L’affaire a été mise en délibéré. Le tribunal rendra sa décision le 17 décembre.

« Je vous demande pardon »

« Je regrette vraiment. Je vous demande pardon. Je ne pensais pas que ce que j’ai fait aurait autant de répercussions dans le futur », s’est excusé le prévenu.

Reste cette question soulevée par la présidente du tribunal au cours de l’audience :

« Allons-nous encore trouver d'autres victimes ? »

Sur le grand écran du tribunal, le prévenu répond : « Je ne pense pas ».

« Je ne pense pas, ça ne veut pas dire non », lui rétorque la juge.

Plus tard, lors de sa plaidoirie, Me Stichelbaut, au nom d’une victime dira « que ceux qui sont là, présents dans cette salle d’audience, le savent bien eux qu’il n’y a pas que treize victimes… »

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