► Que pense Donald Trump du mouvement QAnon ?

Le curieux duel télévisé à distance offert jeudi 15 octobre au soir par Donald Trump et Joe Biden, à 19 jours de l’élection présidentielle américaine, n’a pas permis aux téléspectateurs de se faire une opinion sur la proximité entre le président sortant et le mouvement QAnon. Donald Trump a soigneusement esquivé les questions insistantes de la journaliste à propos de cette mouvance complotiste qui, selon ses propres termes « considère les démocrates comme un réseau satanique et pédophilie et vous (NDLR : Donald Trump) comme le sauveur ».

« Je ne connais rien de QAnon et ce que vous m’en dites n’est pas forcément vrai », a-t-il rétorqué. « Je sais juste qu’ils sont très opposés à la pédophilie et qu’ils la combattent vigoureusement. Je suis d’accord avec cela, mais je ne sais rien d’autre ».

Comme souvent, le président américain a tenté de revenir ensuite sur ses sujets de prédilection, « les antifas, la gauche radicale », qu’il juge beaucoup plus « violents et vicieux » et sur lesquels il aurait préféré être interrogé.

► Qu’est-ce que le mouvement QAnon ?

Le mouvement QAnon est né sur Internet en 2017, sous la forme d’une série de messages obscurs sur un forum de discussions en ligne très populaire dans le monde anglosaxon, « 4chan ». Le ou les auteurs de ces messages, signant sous le pseudonyme « Q », affirmaient qu’il existe un « État profond » (Deep State), qui dirigerait depuis des décennies les États-Unis, et soutiendrait la pédophilie. Prétendant être habilité secret-défense, le fameux Q affirme détenir les preuves d’actes criminels impliquant de hauts dirigeants politiques américains _ dont Hillary Clinton ou Barack Obama_ ainsi que des stars de Hollywood.

Depuis, ces théories complotistes se sont diffusées sur Facebook et Instagram, utilisant des mots-clefs comme #SaveTheChildren (sauvez les enfants), et faisant de nombreux adeptes. Certains soutiennent ardemment Donald Trump et sont très visibles lors de ses meetings et déplacements. Les « QAnon » croient observer de prétendus signes dans ses discours, notamment lorsqu’il prononce le nombre 17, Q étant la 17e lettre de l'alphabet.

► Quelle est son influence aux États-Unis ?

Le groupe a acquis une réelle visibilité aux États-Unis. Plusieurs de ses membres se sont rendus coupables de violences, ou de tentatives de violences. Le 30 avril, après avoir relayé plusieurs messages de QAnon, une militante, Jessica Prime a été arrêtée alors qu’elle s’était mise en route depuis l’Illinois en direction de New York avec le projet de « se débarrasser d’Hillary Clinton et son assistant Joe Biden ».

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Le FBI a qualifié la mouvance de « potentielle menace terroriste intérieure » et le Centre de lutte contre le terrorisme de West Point de « nouveau défi à la sécurité publique ». Au moins une de leurs sympathisants devrait siéger au prochain Congrès : Marjorie Taylor Greene, membre du parti républicain, favorite pour remporter le 14e district de l’État de Géorgie, réputé très conservateur. Elle a régulièrement repris des idées de QAnon dans ses publications et vidéos, et a reçu le soutien de Donald Trump. Dans son clip de campagne, elle pose avec un fusil d’assaut, appuyé sur un pick-up et avec lequel elle explose littéralement des cibles intitulées « contrôle des armes », « frontières ouvertes », « green new deal » ou encore « socialisme ».

Le 2 octobre, la Chambre des représentants a approuvé à une écrasante majorité une résolution qualifiant ce courant d’« illusion collective ». « Nous devons tous l’appeler ainsi : une secte malade », a déclaré Jim McGovern, représentant démocrate du Massachusset. La résolution était parrainée par son collègue du New Jersey, Tom Malinowski, accusé à plusieurs reprises de faire du lobbying pour des prédateurs sexuels et à ce titre cible de menaces de mort de la part des adeptes de QAnon.

Conscient de la menace grandissante que ce mouvement représente, le géant Facebook a annoncé le 7 octobre le retrait de tous les comptes, pages et groupes liés à la mouvance de sa plateforme principale ainsi que d’Instagram. Jeudi 15 octobre, YouTube a annoncé à son tour le durcissement de ses règles. Les règlements de la plateforme de vidéos de Google interdisent désormais « les contenus qui ciblent des individus ou groupes de personnes avec des théories du complot qui ont été utilisées pour justifier des violences dans la vie réelle », indique un communiqué.

Le réseau social aux 2 milliards d’utilisateurs mensuels dit aussi avoir retiré des dizaines de milliers de vidéos liées à QAnon et interdit des centaines de chaînes, notamment pour avoir « menacé de recourir à la violence » ou « nié l'existence d’événements violents majeurs », comme l’Holocauste.