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Les derniers secrets d'une double canonisation

Deux prêtres transportent un cadre où figurent des images des papes Jean-Paul II et Jean XXIII, vendredi 25 avril devant la place Saint-Pierre de Rome. STEFANO RELLANDINI/REUTERS

EN IMAGES - Qui a décidé que Jean-Paul II et Jean XXIII allaient devenir saints le même jour ? Pourquoi le processus a-t-il été si rapide pour le pape polonais ?

De notre envoyé spécial à Rome

Bruits suspects dans la boutique de souvenirs Il Santo Rosario, jeudi soir à minuit. Des coups de marteau, discrets mais répétés, rompent le silence de la rue du Borgo Pio, à deux pas de la place Saint-Pierre. À la lueur d'une lampe, deux hommes ne fracturent pas la vitrine mais changent son contenu… Les assiettes à l'effigie de François sont soigneusement rangées dans un carton et, d'un autre, sont délicatement sortis des plats aux effigies de Jean-Paul II et de Jean XXIII. Avec une nouveauté notable: ces deux papes que François, en présence de Benoît XVI, canonise dimanche sont auréolés! On peut débattre à l'infini du mauvais goût de l'auréole, mais ce halo lumineux s'impose désormais sur eux pour l'éternité.

Tout comme se sont «imposées», d'une certaine manière, ces deux canonisations papales concélébrées par François et Benoît XVI comme l'a indiqué samedi matin le Vatican… Elles sont uniques dans l'histoire de l'Église: jamais deux papes n'ont été canonisés le même jour.

Mais elles sont aussi le fruit de deux belles infractions au règlement du Vatican. L'une fut commise par le très sérieux Benoît XVI, l'autre par son jovial successeur, François. Benoît XVI décida ainsi de ne pas attendre les cinq années réglementaires après la mort de l'intéressé pour lancer le procès de canonisation du pape polonais. Ce qui permet, moins de dix ans après sa mort, en 2005, de l'appeler «saint Jean-Paul II». Quant à François, il ne s'est pas embarrassé de la procédure de l'Église qui doit reconnaître un miracle en bonne et due forme pour que la personne, déjà béatifiée (Jean XXIII le fut par Jean-Paul II en l'an 2000), puisse être canonisée. Il a fait l'impasse sur le miracle.

L'incroyable dévotion populaire pour Jean-Paul II attestée encore ce week-end à Rome, où un million de personnes sont attendues a pesé

Pour Jean-Paul II, cette précipitation ne doit rien aux pancartes «santo subito» brandies lors de ses obsèques par plusieurs mouvements catholiques italiens. Ils rejouaient une pratique ancestrale de l'Église. C'est effectivement le peuple qui, de facto, proclamait la sainteté de quelqu'un: par la dévotion intense des gens simples sur la tombe vénérée et par les «miracles» qui s'ensuivaient. Bonne mère, l'Église finissait par reconnaître officiellement la sainteté du personnage, sans autre forme de procès.

Certes, l'incroyable dévotion populaire pour Jean-Paul II - attestée encore ce week-end à Rome, où un million de personnes sont attendues - a pesé. On ne voit même plus, par habitude, l'impressionnant et continu cortège de fidèles qui viennent prier sur la tombe de Jean-Paul II dans la basilique Saint-Pierre. Cette semaine, un embouteillage très particulier s'est produit: des groupes de prêtres ou d'évêques venus du monde entier faisaient la queue, debout et en habit liturgique, sur le marbre de la basilique, comme les équipages d'avion en liste d'attente sur un aéroport, pour célébrer une messe minutée sur la tombe du pape polonais.

On sait moins que la congrégation pour la Cause des saints, le ministère du Vatican chargé des béatifications et canonisations, a eu l'embarras du choix pour choisir «le» miracle décisif. Celui de Floribeth Mora, 50 ans, originaire du Costa Rica, a certes été retenu. Mariée, mère de quatre enfants, elle fut guérie de façon inexpliquée par la médecine d'un anévrisme cérébral en 2011 après avoir prié Jean-Paul II. Mais il y avait eu la même abondance quand l'Église avait choisi, pour la béatification, le cas de la Française sœur Marie Simon-Pierre. Les bureaux de la congrégation croulent toujours sous les dépositions de faits extraordinaires que les bénéficiaires attribuent «à l'intercession de Jean-Paul II».

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La congrégation pour la Cause des saints, le ministère du Vatican chargé des béatifications et canonisations, a eu l'embarras du choix pour choisir « le » miracle décisif

L'homme derrière cette procédure accélérée s'appelle Benoît XVI. Samedi, nous avons donc appris que le pape émérite allait concélébrer avec François la messe de dimanche. Cette présence, qui était plus que probable, ajoute à la valeur exceptionnelle de l'évènement. Il connaît mieux que quiconque les critiques - reformulées ces derniers jours aux États-Unis et au Mexique - visant la gestion des affaires de pédophilie par Jean-Paul II. Dont celle du père Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, un grand soutien du pontificat. Car c'est lui, Joseph Ratzinger, qui fut pendant 24 ans le vrai numéro deux de Jean-Paul II et ce, loin devant son premier ministre, le cardinal Sodano. Le cardinal Ratzinger a donc vu de très près Jean-Paul II. Il l'a conseillé pour les affaires les plus complexes, il l'a accompagné lors des dernières années de la maladie. C'est donc en parfaite connaissance de cause qu'il a donné son feu vert à la béatification - canonisation qu'il aurait très bien pu retarder. Benoît XVI, le plus proche de Karol Wojtyla, grand théologien et cardinal incorruptible, fut ainsi le premier persuadé, et depuis longtemps, de la sainteté de Jean-Paul II.

Au point qu'il s'est demandé, peu de temps après la mort de Jean-Paul II, s'il ne devait pas le proclamer directement saint, sans procès, comme n'a pas hésité à le faire le pape François pour Jean XXIII. Benoît XVI s'est alors rangé à l'avis des cardinaux pour respecter à la lettre la stricte procédure de discernement de la sainteté. Surtout quant à l'attitude, analysée à la loupe, du pape polonais dans les affaires de pédophilie, contre lesquelles Jean-Paul II décida des premières réformes. Des mesures qui seront ensuite alourdies par Benoît XVI.

La grande histoire oubliera sans doute, en ce jour de fête pour l'Église, la déconvenue du cardinal Stanislas Dziwisz, ancien secrétaire personnel de Jean-Paul II, aujourd'hui archevêque de Cracovie, et des Polonais avec lui quand ils apprirent que François refusait de canoniser ce pape tout seul. Surtout qu'il imposa la canonisation à marche forcée de Jean XXIII, le même dimanche. En procédant ainsi, François veut démontrer deux choses: son attachement à son modèle, le «bon pape Jean» d'une part. Et sa vision du concile Vatican II, plus proche de celle de Jean XXIII, «pape d'ouverture», que de celle de Jean-Paul II. Le pape polonais recadra avec l'aide efficace du cardinal Ratzinger ce que les deux s'accordaient à dénoncer comme «les excès» du concile Vatican II.

EN IMAGES - Les miraculées de Jean-Paul II

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83 commentaires
  • FilBo

    le

    Mais sérieusement, c'est une blague ces miracles...
    Je suis sur qu'il y a plein de guérisons miraculeuses qui se sont produites le jour de la béatification de Jean Paul II, de la à y voir un miracle.
    Quelle vaste blague les religions...

  • Gouverneur Pierre

    le

    Croyants ou non, les Hommes ont besoin d’exemples pour s’améliorer dans leurs relations et comportements. Est saint, celui que l’on vénère parce qu’il se dévoue pour les autres, sincèrement et concrètement, parce qu’il montre l’exemple pour développer le respect mutuel, parce qu’il contribue à ce que la compassion pour les plus faibles et démunis, se traduise par une réelle amélioration de leur sort, parce qu’il contribue activement au développement de la solidarité humaine. Peuvent être ainsi considérés comme des saints ceux qui, religieux ou non, contribuent à l’amélioration de la considération de l’autre. Les guides de l’Humanité sont ceux qui se donnent et qui donnent, pas ceux dont la seule motivation est de paraître, de recevoir, de satisfaire leur égo. La canonisation de deux papes peut apparaitre comme un moyen de communication et d’apparat que l’église catholique sait faire, mais la communication du bon exemple n’est jamais assez grande.

  • yulong

    le

    L'ivresse du pouvoir peut provoquer chez certains des crises de ...foi ! A moins que des situations périlleuses ne permettent que d'espérer des miracles.

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