Appelés par Dieu : privilège ou responsabilité ?

Détail de l’huile sur toile « La Vocation de saint Matthieu » de Le Caravage – Église Saint Louis des Français à Rome (Italie).

Que dit la Bible ?, L’Oasis n°2 : Pas facile de choisir.

Dans le plan de Dieu, élire ou choisir ne veut pas dire exclure mais promettre.

Une promesse

L’élection commence avec Abraham dont la femme Sarah est stérile. Dieu le choisit en l’appelant à quitter son pays rempli d’idoles et à marcher vers la terre où il lui donnera un fils. Qui dit élection dit promesse inouïe : non seulement Abraham aura une descendance mais, plus encore, par cette descendance toutes les nations seront bénies (Genèse 22, 18). La grandeur d’Abraham ne tient pas à la taille de ses troupeaux mais à l’immensité de la promesse qu’il a reçue. De même, David a pu régner sur un royaume assez modeste. Mais sa grandeur tient aux promesses qu’il a reçues de Dieu qu’un de ses descendants siégerait pour toujours sur le trône de Juda (2 Samuel 7, 12). Israël est tout entier issu de la promesse faite à Abraham et tout entier tourné vers les promesses faites à David et aux prophètes. Mais il reste « le plus petit de tous les peuples » (Deutéronome 7, 7). L’élection divine ne lui sera jamais retirée (Romains 11, 29). Mais elle fait peser sur lui la responsabilité de témoigner de Dieu au milieu du monde. Le Messie d’Israël récapitule en lui toutes les promesses de Dieu faites à son peuple. Il est par excellence l’élu de Dieu, le Christ (Jean 1, 34.41). Et sa grandeur n’est pas dans sa réussite terrestre mais dans sa victoire sur le mal et sur la mort. Ses apôtres sont de condition humble mais leur élection tient aux promesses qu’il leur a faites de devenir des pêcheurs d’hommes qui rassembleront un jour Israël et tous les peuples dans un même amour (Éphésiens 2, 18). Dans la Bible, le bonheur des élus n’est pas dans leur opulence ou dans leur pauvreté mais dans l’intimité de Dieu.

L’élu et le « non élu »

Le choix de l’élu n’est pas au détriment mais au bénéfice du « non élu ». Le péché de jalousie divise et fait voir l’élection comme un privilège ou un monopole. L’Esprit Saint fait voir l’élection comme un appel et une promesse adressés autant à l’élu qu’au « non élu ». L’élection bien comprise est une destinée extraordinaire, une participation extraordinaire à la vie de Dieu qui n’est pas une supériorité mais une responsabilité, un service, un fardeau que l’élu porte en tant que témoin et fils de Dieu dans le monde.

L’élu ne choisit pas d’être élu. Mais il est libre de vivre ou de ne pas vivre à la hauteur de son élection qui est pour lui un appel, une vocation, une exigence permanente : il ne suffit pas d’être d’Israël pour être Israël (cf Romains 9, 6), tout comme on pourrait dire qu’il ne suffit pas d’être d’Église pour être l’Église. Et de son côté, le « non élu » ne choisit pas non plus sa « non élection ». Mais il est libre lui aussi d’accueillir ou de rejeter l’élu comme témoin de Dieu auprès des hommes.

Une source de communion

Dieu passe par ce qui fait la personnalité unique et inimitable de l’élu et sa manière propre de répondre à son élection, pour atteindre l’universalité des hommes et des peuples. Dieu crée des êtres uniques et singuliers avec leurs manières propres de répondre à l’élection de l’élu et au témoignage de Dieu. Il les appelle à entrer en relation, à communier ensemble à sa vie, à participer librement à son amour éternel. Au fond, le principe de l’élection de l’élu c’est d’introduire dans l’humanité l’altérité qui permet la communion.

Une espérance dans toute souffrance

La promesse faite à Abraham s’accomplit dans le don de l’Esprit qui vient par la croix du Christ (Galates 3, 14).

Le choix bienfaisant de Dieu passe donc par la souffrance et par le sacrifice de celui qui représente à lui seul toute la descendance d’Abraham (Galates 3, 16).

Il est déjà figuré par Isaac lié par son père pour être offert en holocauste (Genèse 22, 9-10). La bénédiction universelle promise à Abraham contient donc, dès la vie apparemment prospère de ce patriarche, l’épreuve terrible de la mort du fils unique et le consentement à la souffrance qui permet de ne plus vivre « selon la chair » (Romains 8, 5) mais « selon l’Esprit » de la promesse et selon l’espérance qu’elle donne (Éphésiens 1, 18). En bref, l’élection est toujours heureuse à cause de l’intimité divine de l’Alliance, mais elle n’est jamais plaisante. Aujourd’hui l’Église reconnaît que Jésus est le Messie et que le peuple d’Israël est inséparable de lui au point d’incarner avec lui la figure douloureuse du serviteur de Dieu. Les élus qui ont part dès maintenant à sa résurrection par la foi et par la vie de l’Église ont part à une joie et à une paix que le monde ne peut ni leur donner ni leur ôter (Jean 14, 27 ; 16, 22).

Un avenir

Les élus de Dieu sont les témoins de Dieu dans le monde « pour que le monde ait la vie » (Jean 6, 51 ; 10, 10). Dans l’Esprit Saint du Christ ressuscité, cette vie est surabondance de grâce qui pousse les croyants à rechercher leur unité (Jean 17, 21) tout en annonçant l’Évangile, faisant de toutes les nations des disciples (Matthieu 28, 19).

Père Patrick Faure, exégète à la Faculté Notre-Dame, Collège des Bernardins – Paris

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