Viganogate: aux grands maux les grands remèdes

Face aux scandales qui ébranlent l'Eglise, le Père Scalese propose une mesure radicale: pourquoi pas un Concile, qui serait cette fois exclusivement "disciplinaire" (12/9/2018)

>>>
Il faut un Synode sur les abus sexuels du clergé

J'imagine que beaucoup de commentateurs plus compétents que moi auront un foule d'arguments à lui opposer (dont celui que ledit concile pourrait se transformer en un boomerang pour l'Eglise, qui en sortirait peut-être encore plus divisée, sans parler des énormes pressions médiatiques qui s'exerceraient). Mais l'idée a le mérite de prendre le problème à bras le corps, et à ce titre, devrait au minimum être prise en considération.

Faire la lumière


Père Giovanni Scalese CRSP
querculanus.blogspot.com
11 septembre 2018
Ma traduction

* * *

Sur Italia Oggi est paru un article d'Alessandra Nucci sur les événements qui en ce moment bouleversent l'Eglise catholique. La particularité de cet article est qu'il s'inspire du mémorandum de Viganò pour rappeler le dossier qui avait été préparé pour Benoît XVI par la commission des cardinaux (Herranz, Tomko et De Giorgi) et était passé ensuite du Pape émérite à son successeur. L'article se concentre plus sur le pontificat du Pape Ratzinger que sur le pontificat actuel, et en rappelle les épisodes les plus douloureux: l'impossibilité de prononcer le discours d'ouverture de l'année académique à l'Université "La Sapienza"; les réactions au discours de Ratisbonne; l'affaire Williamson [1]; la profanation des tombes des cardinaux belges; la désactivation des distributeurs automatiques de la cité Vatican; les événements qui virent l'implication de l'IOR; le scandale Vatileaks. A ces faits s'ajoutent plusieurs épisodes survenus après la démission de Benoît XVI du pontificat: l'invitation que lui a adressée le professeur Grillo à "quitter le Vatican et à se taire à jamais", suite à la publication d'un livre du cardinal Sarah préfacé par le Pape émérite, et la tentative d'instrumentalisation opérée par Mgr Dario Viganò.

En reparcourant tous ces événements aujourd'hui, après ce qui s'est passé ces derniers jours, on se rend compte que le problème n'est pas seulement celui posé par Mgr Carlo Maria Viganò, c'est-à-dire, si le Pape François connaissait le passé du cardinal McCarrick et s'il est vrai que le pape Ratzinger avait déjà sanctionné le cardinal américain. Le problème est beaucoup plus vaste et ne concerne pas seulement le pontificat actuel, mais aussi le précédent. La boîte de Pandore a été découverte et il ne sert à rien d'essayer de la fermer en adoptant des stratégies qui sont inévitablement vouées à l'échec.

Je dois avouer que je n'ai jamais été un fanatique de la transparence à tout prix; j'appartiens à la vieille école, celle qui disait que le linge sale doit être lavé en famille. Mais à ce stade, je crois qu'il est absolument nécessaire de clarifier la situation. Je ne pense pas qu'en ce moment le silence, les tentatives de minimiser ce qui s'est passé, les manœuvres pour détourner l'attention du public sur d'autres questions (économie, environnement ou migrants), les efforts pour délégitimer l'adversaire, etc. servent à quelque chose. C'est le moment de prendre le taureau par les cornes et d'affronter les problèmes avec courage. Le pape François avait écrit dans Evangelii gaudium:

Face à un conflit, certains regardent simplement celui-ci et passent devant comme si de rien n’était, ils s’en lavent les mains pour pouvoir continuer leur vie. D’autres entrent dans le conflit de telle manière qu’ils en restent prisonniers, perdent l’horizon, projettent sur les institutions leurs propres confusions et insatisfactions, de sorte que l’unité devient impossible. Mais il y a une troisième voie, la mieux adaptée, de se situer face à un conflit. C’est d’accepter de supporter le conflit, de le résoudre et de le transformer en un maillon d’un nouveau processus. (§ 227).


Eh bien, c'est exactement ce qu'il faut faire en ce moment. Il ne s'agit pas de défendre le Pape contre ses ennemis. Peut-être est-il la première victime de cette situation (?), et donc il a besoin d'aide pour la surmonter. Il s'agit de clarifier non seulement l'affaire McCarrick, mais aussi, en remontant dans le temps


Ce sont là des questions qui, à ce jour, attendent des éclaircissements. Ce n'est plus le moment de cacher la saleté sous le tapis, d'étendre sur ces événements le voile du secret papal, en espérant que nous les oublierons et que nous continuerons ainsi. Quand nous péchons, si nous voulons être pardonnés, nous devons humblement reconnaître notre péché. Il en va de même pour l'Église dans son ensemble: si elle veut se libérer de cette situation, elle doit mettre les cartes sur la table.
Concrètement, que faire ?

Ces derniers jours, des évêques ont proposé de suspendre le Synode sur les jeunes et de faire plutôt un Synode sur le problème des abus. Une proposition à ne pas rejeter à la hâte: en ce moment, les évêques apparaissent délégitimés, pour traiter du thème des jeunes; il serait de loin préférable de traiter le problème à l'ordre du jour. Personnellement, cependant, je crois que le problème est plus vaste et plus grave, et donc un Synode ne suffirait pas pour le traiter. Peut-être est-il opportun de convoquer un Concile œcuménique, parce qu'il est juste que tous les évêques soient impliqués dans le traitement des problèmes qui affligent l'Église en ce moment. Un Concile qui ne soit ni doctrinal ni pastoral, mais exclusivement disciplinaire et qui examine tous les aspects de la crise actuelle de l'Église et propose de restaurer ce que Jean-Paul I a appelé, dans son discours d'inauguration, la "grande discipline de l'Église". Aux grands maux les grands remèdes. Ce n'est plus le moment du subterfuge. Le temps est venu de regarder la réalité en face, sans crainte de dénoncer le mal là où il se niche, et avec humilité et courage, confiant en la grâce de Dieu, de prendre les mesures nécessaires à la guérison du corps ecclésial. Le temps est venu de procéder à une véritable réforme - pas idéologique, mais morale - de l'Église.

NDT


(1): Une petite remarque en passant... à l'époque, on n'avait guère entendu les papistes actuels se mobiliser pour Benoît XVI: la garde rapprochée de François, qui témoigne pourtant aujourd'hui d'un zèle si brûlant pour défendre le "chef" en piétinant allégrement les faits et même la simple charité chrétienne, se contentant d'insulter copieusement ses ennemis présumés (un exemple ICI, cf. commentaires), était restée étrangement silencieuse. Sans doute l'obligation d'obéir à Pierre ne vaut-elle que que pour certains Papes.

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.