Les paroles de la consécration dans le NOM

Le Forum Catholique

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Candidus -  2019-12-27 20:13:40

Les paroles de la consécration dans le NOM

Suite à mon post sur le délire de certains sédévacantistes concernant l'invalidité du NOM en raison ("au moins") des modifications apportées aux paroles de la consécration du calice, j'ai relu le passage du Bref Examen Critique (BEC) traitant du rite de la consécration. Je constate que la position extrémistes de ces brebis perdues trouve son origine dans le BEC, composé par d'illustres théologiens qui n'avaient qu'un seul défaut : ce n'étaient pas des liturgistes - non pas que j'en sois un, mais cela ne m'interdit pas de me documenter et de réfléchir -.

Au n°4 du BEC on lit une critique du nouveau rite de consécration :

Le déplacement du Mysterium fidei est déploré.

Le BEC critique les modifications typographiques dans le nouveau missel :

Dans le Missel romain de saint Pie V, le texte liturgique des paroles sacramentelles de la Consécration est ponctué et mis en évidence d'une manière propre [qui] marque le passage du mode narratif au mode intimatif [...] propre à l'action sacramentelle [...] cela manifeste que les paroles consécratoires ont une valeur propre et par conséquent autonome.

Dans une version française diffusée par la Fondation Lumen gentium le BEC critique l'ajout de "quod pro vobis tradetur" après "Hoc est enim Corpus meum" sous prétexte que cela obscurcirait le fait que le sacrifice n'est pas encore réalisé à ce moment-là.

Le BEC critique la substitution à la formule traditionnelle du VOM après la consécration du calice par une formule de saint Paul : " Hoc facite in meam commemorationem " Elle aura pour effet inévitable [...] de déplacer l'accent, dans l'esprit des auditeurs, sur le souvenir du Christ. La " mémoire " du Christ se trouvera désignée comme le terme de l'action eucharistique, alors qu'elle en est le principe. " Faire mémoire du Christ " ne sera plus qu'un but humainement poursuivi. A la place de l'action réelle, d'ordre sacramentel, s'installera l'idée de " commémoration".

Critique des deux nouvelles anamnèses : "l'acclamation dévolue à l'assistance aussitôt après la Consécration : " Nous annonçons ta mort, Seigneur... jusqu'à ce que tu viennes ", introduit, sous un déguisement eschatologique, une ambiguïté supplémentaire sur la Présence réelle. On proclame en effet, en introduisant une discontinuité, l'attente de la venue du Christ à la fin des temps, juste au moment où Il est venu sur l'autel où il est substantiellement présent : comme si la venue véritable était seulement à la fin des temps, et non point sur l'autel.

Cette ambiguïté est encore renforcée dans la formule d'acclamation facultative proposée en Appendice : " Chaque fois que nous mangeons ce pain et buvons ce calice, nous annonçons ta mort, Seigneur, jusqu'à ce que tu viennes ". L'ambiguïté atteint ici au paroxysme, d'une part entre l'immolation et la manducation, d'autre part entre la Présence réelle et le second avènement du Christ."


Ces considérations théologiques sont respectacles, elles illustrent cependant une certaine École romaine, très scolastique - mais pas dans le meilleur sens - que l'on pourrait presque qualifier de décadente, en ce qu'elle s'est partiellement coupée de ses racines patristiques en négligeant l'étude des liturgies orientales.

Les critiques du BEC sur le nouveau rite de consécration se heurtent à la réalité historico-liturgique : de nombreux rites catholiques millénaires que l'Église n'a jamais trouvé opportun de corriger, reproduisent TOUS ces prétendus défauts que le BEC dénonce.

Concernant le passage du mode intimatif au mode narratif, le missel de Paul VI est plus proche des rites orientaux que celui de St Pie V surtout en raison de la présence systématique d'une épiclèse (invocation du St Esprit) dans les nouvelles prières eucharistiques.

Les rites orientaux n'accordent pas de valeur "consécratoire" au "récit de l'institution", et par conséquent ne marquent pas de différence typographique dans la retranscription de ce que nous appelons "les paroles de la consécration" ; pour eux c'est essentiellement lors de l'épiclèse que la consécration des offrandes se réalise par l'opération du St Esprit. Et pourtant, leurs rites ont toujours été considérés comme valides et licites par l'Eglise Romaine.

En ce qui concerne l'introduction de la formule paulinienne "quod pro vobis tradetur" dans la forme consécratoire du pain, cette nouvelle formule est utilisée au moins depuis le VIIème siècle par le rite mozarabe et par beaucoup d'autres, quelquefois sous une forme un peu différente ("qui sera broyé pour vous").

En ce qui concerne l'introduction dans le NOM après la consécration de deux ananmèses voyons ce qu'il en est dans d'autres rites antiques ; prenons par exemple une anaphore utilisée dans la liturgie de nombreuses Églises orientales, celle dite de St Jacques, "frère du Seigneur" et premier évêque de Jérusalem. Voici le rite de consécration du calice :

De la même manière Il prit la Coupe et quand Il eut rendu grâce, Il [la] bénit + + et [la] sanctifia + et la donna à Ses saints disciples en disant : Prenez, buvez-en tous. Ceci est mon sang qui pour vous et pour beaucoup est répandu et livré pour la rémission des péchés et la vie éternelle.

Le peuple : Amen

Faites ceci en mémoire de Moi quand vous partagez ce sacrement, commémorant Ma mort et Ma résurrection jusqu'à ce que Je vienne.

Le peuple : Nous commémorons Ta mort, Seigneur, nous confessons Ta résurrection et nous attendons Ta seconde venue. Que Ta miséricorde soit sur nous tous.


(Source en anglais : ICI )

On constate une nouvelle fois l'absence du Mysterium fidei que j'avais signalé pour le rite mozarabe, et on retrouve presque verbatim la première anamnèse du NOM.

Quant à la deuxième anamnèse du NOM qui concentre les foudres du BEC, on la retrouve substantiellement identique dans le rite mozarabe : 

Quotiescumque manducaveritis panem hunc et calicem istum biberitis : mortem Domini anunciabitis : donec veniat.

Certes, on peut (et selon moi on doit) regretter et critiquer les modifications introduites dans le NOM, notamment au moment de la consécration, parce qu'elles sont archéologisantes et contraires au principe du développement organique de la liturgie (et c'est en cela que je diffère de Denis Crouan et de Pro Liturgia), mais on ne peut pas affirmer que ces modifications introduisent une perspective théologique erronée et que l'assistance au NOM correctement célébré (l'Arlésienne) mette la foi en danger, ainsi que le soutiennent certains malavisés.
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