Hichem Djaït

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Hichem Djaït
Hichem Djaït en avril 2013.
Fonction
Président
Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts
-
Mohamed Mahjoub (d)
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 85 ans)
Nom dans la langue maternelle
هشام جعيطVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
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A travaillé pour
Directeur de thèse
Distinctions

Hichem Djaït ou Djeït (arabe : هشام جعيط), né le à Tunis et mort le , est un historien, islamologue et penseur tunisien.

Biographie[modifier | modifier le code]

Il naît au sein d'une famille de lettrés, de magistrats et de hauts fonctionnaires qui fait partie de la bourgeoisie tunisoise : il est le petit-fils du grand vizir Youssef Djaït et le neveu du cheikh Mohamed Abdelaziz Djaït[1],[2].

Après des études secondaires au collège Sadiki, il obtient son agrégation en histoire en 1962 à Paris. Il soutient au milieu des années 1960, sous la direction de Claude Cahen, un mémoire de DEA sur le livre Les Dispositions du marché de l'imam Abou-Zakariya l'Andalou[1] avant de soutenir à la Sorbonne, en 1981, un doctorat d'État sur l'urbanisme islamique dans la ville de Koufa[3].

Spécialiste d'histoire islamique, il regagne l'université de Tunis dans les années 1970 pour y enseigner l'histoire du Moyen Âge pendant plusieurs années. Il écrit par la suite de nombreux ouvrages, traduits en plusieurs langues, d'histoire et de sociologie des religions consacrés à l'islam[4]. Il s'intéresse particulièrement dans ses recherches à l'anthropologie historique et à l'histoire des mentalités[5].

Membre de plusieurs commissions internationales, il mène une réflexion sur l'entrée du monde arabo-musulman dans la modernité[6]. Il écrit également une centaine d'article sur le Maghreb islamique, les mouvements populaires des premiers siècles de l'Islam, et, plus généralement, sur l'histoire de l'Orient musulman[3].

Professeur émérite des universités, il est professeur invité dans plusieurs universités américaines et européennes, dont l'université McGill (Montréal), Berkeley (Californie), l'université de Naples - Frédéric-II, le Collège de France et l'École des hautes études en sciences sociales[5].

Membre du conseil scientifique de la Fondation tunisienne pour la traduction, l'établissement des textes et les études[7] et membre de l'Académie européenne des sciences et des arts[8], il préside l'Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts entre le et le [9],[10].

Pensées[modifier | modifier le code]

Il plaide pour la multiplication des investigations empiriques et le renouvellement des études sociologiques et anthropologiques en contextes islamiques[6]. Dans ses études, il ne cesse de mettre en question les frontières entre les disciplines, transgressant ainsi la séparation entre l'islamologie et les autres perspectives de type linguistique ou anthropologique[11]. Il n'était dès lors pas étonnant de le voir exiger le concours de nombreux cadres théoriques et conceptuels[12]. Dans le même temps, il refuse toute analyse simpliste et ne cède jamais aux explications unilatérales qui, de toute façon, mèneraient directement à des impasses ou, au mieux, à des stéréotypes assez fréquents dès qu'il est question de parler de l'islam et des sociétés musulmanes[6],[13].

S'inscrivant contre les discours politiques officiels[14],[15], il défend plutôt une définition socio-anthropologique des composantes de la culture maghrébine[16]. À cet effet, il se donne pour tâche de valoriser et d'intégrer toutes les étapes historiques, a fortiori marquantes, que traversa le Maghreb, c'est-à-dire latino-romaine, arabo-islamique, turque, française et nationale[17]. Sa perspective consiste à soutenir une lecture critique d'un passé arabe désacralisé[18]. À ce titre, son discours, à la fois ambitieux, exigeant et rigoureux, est à certains égards subversifs[19],[20].

Ses livres sur l'histoire et la culture intellectuelle et religieuse du monde arabe lui valent une réputation internationale et lui attirent de nombreux disciples[3],[6],[21].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Il se voit décerner le Prix tunisien des sciences humaines en 1989[22], le prix prix Sultan Bin Ali Al Owais (en) pour la critique littéraire en 2007[23], le Blason d'or de l'Association tuniso-méditerranéenne des études historiques, sociales et économiques en 2015[24] et le Comar d'or de la création littéraire en 2016[25].

Le , il est désigné personnalité culturelle arabe de l'année 2016 par la Fondation arabe des études et de l'édition de Beyrouth[26],[27]. Le , le Centre arabe de recherches et d'études politiques (en) lui rend hommage pour l'ensemble de sa production académique[28]. En janvier 2018, une dizaine de chercheurs se réunissent pour lui rendre hommage dans des mélanges en l'honneur pour l'ensemble de son œuvre intellectuelle[29]. Le 4 avril, l'Institut du monde arabe et l'université de Tunis l'honorent en reconnaissance de ses contributions scientifiques[30],[31], puis ils lancent, le , la chaire Hichem-Djaït pour l'histoire et les cultures de l'Islam[32]. En 2021, la troisième édition de la Foire nationale du livre tunisien rend hommage à l'ensemble de sa production académique[33]. En 2023, il est lauréat à titre posthume du prix Ibn Khaldoun pour la promotion des études et des recherches en sciences humaines et sociales[34].

Décorations[modifier | modifier le code]

En 1996, il est décoré des insignes de commandeur de l'Ordre de la République tunisienne[35]. En 2019, il est élevé au rang de grand officier en reconnaissance pour l'ensemble de sa production académique et intellectuelle[36],[37].

Décès et hommages[modifier | modifier le code]

Mort le 1er juin 2021[38], il est inhumé le lendemain au cimetière de Gammarth, dans la banlieue de Tunis[39],[40].

Juste après l'annonce publique de sa mort, le président Kaïs Saïed déplore, dans un communiqué officiel, la perte d'« une personnalité nationale de premier plan, et une éminence scientifique, dont le souvenir sera éternel dans l'histoire de la scène culturelle en Tunisie »[41],[42]. Le même jour, le ministère tunisien de la Culture rappelle l'importance de son bilan d'universitaire et de penseur engagé[43]. Le 8 juin, l'Institut du monde arabe à Paris rend hommage à sa mémoire avec la présence de plusieurs universitaires et intellectuels arabes[44].

Principales publications[modifier | modifier le code]

Principaux ouvrages[modifier | modifier le code]

Participation à des ouvrages collectifs[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Karem Yehya, « Hichem Djaït : Je ne m'étais jamais reconnu dans cette vision fondamentalement négative de l'orientalisme », sur hebdo.ahram.org.eg, (consulté le ).
  2. « Qui était Hichem Djaït ? », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  3. a b et c Mohamed Elarbi Nsiri, « Hichem Djaït, l'historien émérite », sur huffpostmaghreb.com, (consulté le ).
  4. « Hichem Djaït », sur fayard.fr (consulté le ).
  5. a et b « Hichem Djaït », sur babelio.com (consulté le ).
  6. a b c et d Idriss Jebari, « L'histoire et « l'avenir possible » : Laroui, Djaït et la modernité du Maghreb dans les années 1970 », L'Année du Maghreb, vol. 10, no 1,‎ , p. 189-206 (ISSN 1952-8108, lire en ligne, consulté le ).
  7. « Décrets et arrêtés », Journal officiel de la République tunisienne, no 80,‎ , p. 3182 (ISSN 0330-7921, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  8. (en) « Hishem D'jait », sur alowais.com (consulté le ).
  9. « Hichem Djaït forme le nouveau conseil scientifique de Beit al-Hikma », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  10. « Abdelmajid Charfi nouveau président de Beit al-Hikma », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  11. « Hichem Djaït : "En islam, les confrontations sont inéluctables" », Telquel,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. Hichem Djaït, « L'Islam ancien récupéré à l'histoire », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 30, no 4,‎ , p. 900-914 (lire en ligne).
  13. Pierre Robert Baduel, « Des deux cultures de Hichem Djaït », sur laviedesidees.fr, (consulté le ).
  14. « Hichem Djaït parle de la troïka, des laïques et de l'islam politique », sur gnet.tn, (consulté le ).
  15. Hamouda Ben Slama, « Il y a 33 ans… La vision prémonitoire de Hichem Djaït », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  16. « Hichem Djaït, historien, anthropologue et islamologue, à La Presse : "Il faut siffler la fin de la récréation" », La Presse de Tunisie,‎ (ISSN 0330-9991, lire en ligne, consulté le ).
  17. Hichem Djaït, « De l'islam religieux à l'islam politique », Revue des deux Mondes,‎ , p. 128-137 (lire en ligne, consulté le ).
  18. « Hichem Djaït : la Tunisie doit préserver l'acquis démocratique, quelles que soient les difficultés », sur gnet.tn, (consulté le ).
  19. « Hichem Djaït : le drame, c'est que n'importe qui fait de la politique », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  20. Ammar Mahjoubi, « In Memoriam Hichem Djaït », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  21. Hamadi Redissi, « Les deux Hichem Djaït », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  22. (ar) « المفكر هشام جعيط: يؤلمني النكران... ويحزّ في نفسي جحود الجامعة التونسية » [« Le penseur Hichem Djaït : Le déni me fait mal... et l'ingratitude de l'université tunisienne m'attriste »], Le Maghreb,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. (en) « Winners », sur alowais.com (consulté le ).
  24. « Le professeur Hichem Djaït à l'honneur », La Presse de Tunisie,‎ (ISSN 0330-9991, lire en ligne, consulté le ).
  25. « Prix Comar d'or : hommage à Hichem Djaït et Ezzeddine Madani », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  26. « Hichem Djaït personnalité culturelle arabe de 2016 », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  27. « Le penseur tunisien Hichem Djaït personnalité culturelle arabe de l'année 2016 », Le Temps,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  28. (ar) « Journée d'étude en l'honneur de Hichem Djaït », sur kapitalis.com,‎ (consulté le ).
  29. (ar) « باحثون تونسيون يؤلفون كتابا عن مباحث الدكتور هشام جعيط » [« Des chercheurs tunisiens écrivent un livre sur les recherches du Dr Hichem Djaït »], Assabah,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  30. « La Chaire de l'IMA rendra hommage à Hichem Djaït », sur directinfo.webmanagercenter.com, (consulté le ).
  31. « Pourquoi Hichem Jaït a refusé de parler du devenir de la révolution tunisienne », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  32. « Tunisie : l'université de Tunis et l'IMA de Paris lancent la chaire de Hichem Djaït pour l'histoire et les cultures de l'Islam », sur news.gnet.tn, (consulté le ).
  33. « Foire nationale du livre tunisien, session Hichem Djaït : hommages à des penseurs et intellectuels tunisiens », sur webmanagercenter.com, (consulté le ).
  34. « Les Prix Ibn Khaldoun 2023 remis le 26 mai à Tunis », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  35. « Ordre de la République », Journal officiel de la République tunisienne, no 64,‎ , p. 1713 (ISSN 0330-7921, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  36. « Après une longue éclipse, la Tunisie célèbre ce jeudi la Journée nationale de la culture », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  37. « Journée nationale de la culture : voici les personnalités décorées », sur webmanagercenter.com, (consulté le ).
  38. Mohamed Arbi Nsiri, « Hichem Djaït, l'un de nos plus grands historiens nous quitte », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  39. « L'historien et penseur Hichem Djaït accompagné à sa dernière demeure à Gammarth », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  40. « Le grand Hichem Djaït enterré dans l'indifférence », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  41. « Kaïs Saïed rend hommage à feu Hichem Djaït, "une éminence scientifique de premier plan" », sur news.gnet.tn, (consulté le ).
  42. « Kaïs Saïed rend hommage à Hichem Djaït », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  43. « Le ministère des AC rend hommage à Hichem Djaït, issu d'une famille d'érudits et d'hommes d'État », sur news.gnet.tn, (consulté le ).
  44. « Rencontre-Hommage à Hichem Djaït », sur imarabe.org, (consulté le ).
  45. Hamès Constant, « Djaït (Hichem), La Personnalité et le devenir arabo-islamique », Archives de sciences sociales des religions, vol. 37, no 1,‎ , p. 205-206 (ISSN 1777-5825, lire en ligne, consulté le ).
  46. Hamès Constant, « Djait (Hichem), L'Europe et l'Islam », Archives de sciences sociales des religions, vol. 48, no 2,‎ , p. 276-277 (ISSN 1777-5825, lire en ligne, consulté le ).
  47. Abdelkafi Jellal, « Hichem Djaït, Al Küfa, naissance de la ville islamique », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 43, no 2,‎ , p. 516-518 (lire en ligne, consulté le ).
  48. Adda Joëlle, « Hichem Djaït. La grande discorde. Religion et politique dans l'islam des origines », Politique étrangère, vol. 55, no 4,‎ , p. 914-915 (ISSN 0032-342X, lire en ligne, consulté le ).
  49. « La crise de la culture islamique de Hicham Djaït : le défi de la modernité », Le Matin,‎ (ISSN 1114-9205, lire en ligne, consulté le ).
  50. « La vie de Muhammad, par Hichem Djait, trois en un », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  51. « Le nouveau livre de Hichem Djaït : Penser l'Histoire, penser la Religion », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  52. Hédi Dhoukar, « L'invitation à réfléchir de Hichem Djaït », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  53. Hédi Dhoukar, « Connaissance de l'Islam », Hommes et Migrations, vol. 1162-1163,‎ , p. 112-114 (ISSN 1142-852X, lire en ligne).
  54. Hichem Djaït, « Écrire la vie de Muhammad. L'historien face à la Tradition », dans Kmar Bendana, Katia Boissevain et Delphine Cavallo (dir.), Biographies et récits de vie, Tunis, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, (ISBN 978-2821850491, lire en ligne), p. 21-31.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (ar) Mustapha Alaoui, هشام جعيّط و السّيرة النبويّة [« Hichem Djaït et la biographie de Mohammed : lecture méthodologique »], Tunis, Nirvana,‎ .
  • Hayet Amamou, Hichem Djaït : itinéraire universitaire et intellectuel tunisien, Paris, Institut du monde arabe, .
  • (ar) Mohamed Mzoughi, منطق المؤرخ. هشام جعيّط، الدولة المدنية و الصحوة الإسلامية [« La logique de l'historien : la pensée politique de Hichem Djaït »], Beyrouth, Jamal,‎ .
  • (ar) Mohamed Mzoughi, الإستشراق و المستشرقون في فكر هشام جعيّط [« Orientalisme et orientalistes dans la pensée de Hichem Djaït »], Beyrouth, Jamal,‎ .
  • Mohamed Arbi Nsiri, « Hichem Djaït, l'historien émérite », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  • Mohamed Arbi Nsiri, « Brève réflexion sur la méthode historique de Hichem Djaït », sur leaders.com.tn, (consulté le ).
  • (ar) Collectif, التاريخ و التقدم : دراسات في أعمال هشام جعيّط [« Histoire et progrès : études dans les œuvres de Hichem Djaït »], Beyrouth, Centre for Arab Unity Studies,‎ .
  • (ar) Collectif, جدل الهوية و التاريخ : في قراءة هشام جعيّط [« La controverse de l'identité et de l'histoire : lecture dans les œuvres de Hichem Djaït »], Doha, Arab Center for Research and Policy Studies,‎ .

Liens externes[modifier | modifier le code]