Catéchèses Paul VI 26478

26 avril 1978: LA VIE HUMAINE EST SACRÉE

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Le moment est venu où nous devons nous rappeler, nous qui maîtres ou disciples, sommes les élèves du Christ, et non seulement nous rappeler mais aussi observer cette loi chrétienne fondamentale : La vie humaine est sacrée.

Que veut dire ce terme : sacrée ? Cela veut dire que la vie est soustraite au pouvoir de l’homme, et protégée par une puissance supérieure à celle de l’homme et défendue par la loi de Dieu. La vie humaine sur laquelle pour des raisons de parenté ou des motifs de supériorité sociale, l’homme exerce son autorité de mille manières, la vie humaine, donc, est soustraite, en tant que telle, à cette autorité même.

Remettons-nous à l’écoute de l’Evangile : « Vous avez appris ce qui a été dit aux ancêtres : "Tu ne tueras point, et si quelqu’un tue, il en répondra au tribunal". Eh bien ! Moi, je vous dis (ce Moi, c’est Jésus Christ lui-même) quiconque se fâche contre son frère, en répondra au tribunal ; mais s’il dit à son frère : Crétin ! il en répondra au Sanhédrin; et s’il lui dit : Renégat ! il en répondra dans la géhenne de feu » (
Mt 5,21-22). Jésus ne condamne pas la loi antique, mais il la dit incomplète, et il promulgue la loi nouvelle, la loi évangélique, et il s’élève au niveau de la perfection ; au frère, il est dû un respect complet ; complet dans le sentiment intérieur qui engendre et exprime le respect ; et complet dans la protection extérieure due à la dignité du frère en tant que tel ; nous pouvons dire : en tant qu’homme-frère. C’est-à-dire : l’Evangile nous apprend à professer dans les sentiments et dans les actes, un tel respect à l’égard des hommes, nos semblables, nos frères, qu’un système social qui admet comme logique et normal la haine ou l’égoïsme de classe ne peut certainement pas revendiquer comme lui étant propre et personnel.

Quelle vision nous offre aujourd’hui la scène du monde ?

Nous ne serons pas radicalement pessimiste. Et même, nous reconnaîtrons — non pas pour apaiser les angoisses et la peur que certains graves phénomènes de la coexistence humaine suscitent facilement dans les âmes comme pour les décourager au sujet des efforts de civilisation déjà accomplis ou en voie d’accomplissement, mais bien pour rappeler l’attention de la civilisation sur son devoir de vigilance — nous reconnaîtrons, disons-nous, que la vie de l’homme sur la terre est de nouveau exposée à de grands dangers et même qu’elle est déjà attaquée par de nouvelles et agressives calamités ; toujours pour répéter: la vie de l’homme est sacrée !

Nous ne pouvons en parler ici qu’avec des accents brefs et incomplets.

Mais pourrions-nous négliger l’épisode, toujours en cours, du séquestre de la personne d’un homme de grande élévation morale, politique, académique et sociale comme Aldo Moro, sans craindre et trembler pour la stabilité de notre monde civil actuel ? Et puis, pouvons-nous assister en observateurs passifs à l’angoissante mésaventure pleine de menaces pour son intégrité personnelle ? Est-il possible que la vie innocente et éminente d’un homme d’Etat soit mise en jeu de manière ignoble comme nous le constatons aujourd’hui? Et dans un pays bon et civilisé comme l’Italie, est-ce possible qu’un piège dressé contre la vie puisse être tel qu’il élude tous les moyens de défense dont dispose l’Etat, aujourd’hui mis en oeuvre avec un si généreux héroïsme ? Quant à nous, nous souhaitons encore, au nom de Dieu que, dans l’intérêt même des agresseurs, l’issue de ce drame soit pacifique et rassurante.

Cet épisode est tristement symbolique d’une situation qui remplit l’âme d’amertume. Comment ne pas éprouver une vive douleur devant l’assassinat de tous ces gardiens de l’ordre, tués de manière barbare uniquement parce qu’ils remplissent avec fidélité les tâches que leur confie l’Etat, ou, ce qui revient au même, la volonté commune des citoyens désireux de tranquillité d’ordre et de paix ? Comment ne pas élever un blâme, d’autant plus ferme qu’il est sans armes, contre les attentats dont le but est d’étouffer dans le sang la voix des journalistes, des travailleurs, des avocats, industriels et autres ? Et que dire, en particulier, des séquestres de personnes pour extorquer des rançons, séquestres si nombreux et qui frappent même d’innocents enfants ?

Du fond du coeur, nous pensons paternellement à toutes les familles qui, partout dans le monde, pleurent ceux des leurs, victimes de la violence ou qui attendent, terriblement angoissés, la libération de ceux qui leur sont chers. Nous désirons leur exprimer, à elles toutes, notre réelle participation à leur affliction et leur dire combien nous restons à leurs côtés avec notre prière.

Dans cette liste, rapide mais dramatique, d’attentats contre la vie, nous ne saurions passer sous silence ceux qui sont perpétrés, hélas, sous le couvert de la légalité. Et nous pensons avant tout à l’avortement.

Commentaires superflus et commentaires réservés au sujet de la situation en cours développement (NDR : la discussion au Parlement italien du projet de loi sur l’avortement.) Mais l’âme est horrifiée à la seule pensée qu’un tel crime puisse obtenir, comme dans d’autres pays, non seulement une légalisation, mais même la protection des pouvoirs publics, sous prétexte d’égards dus aux femmes malheureuses qui risquent, par la suite, d’éprouver un incurable remords pour avoir accepté l’offense de tout ce que la femme possède de plus noble et ineffable dans l’ordre naturel : sa propre maternité ! Pauvres, innombrables vies humaines atteintes dans votre faiblesse, dans votre innocence ! Comment une société civilisée, et de plus chrétienne, peut-elle donc permettre, tout en restant impassible, sans larmes, un tel « massacre des innocents » ?

Et les attentats contre la vie ne sont pas seulement ceux-là ! Pensez à la drogue contre laquelle, heureusement, on constate un peu partout, une bienfaisante réaction !

Mais la vie humaine est aux prises avec tant d’autres ennemis qu’elle-même à créés ! Après les méthodes anticonceptionnelles, après l’introduction du divorce, on en arrive à parler d’euthanasie, tandis que la violence privée se multiplie et s’organise pour la vengeance ou pour le chantage, et que des lueurs de guerre tiennent encore des populations entières dans l’expérience sporadique et sous la menace permanente de la guerre ! Il suffirait des hypothétiques menaces de guerre atomique possible qui, pareilles à des éclairs, sillonnent les deux internationaux, pour mettre sur la défensive la conscience des Peuples ! oh oui ! la vie de l’homme est sacrée ! Et il faut absolument que ce dogme humain et chrétien soit réaffirmé avec force et avec joie dans le coeur de la jeune génération !

Nous le souhaitons, en donnant, comme toujours, notre bénédiction apostolique !





3 mai 1978: LA BÉATITUDE DE LA JUSTICE

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Chers Fils et Filles,



Nous ne saurions dire, à première vue, pourquoi nous viennent à l’esprit les paroles de l’Evangile de Saint Matthieu où, dans le célèbre chapitre du discours du Christ sur la montagne, il est dit : « Heureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés » (
Mt 5,6). Et ces bienheureuses paroles se présentent à nous au moment de cette rencontre avec vous, très chers visiteurs, vraisemblablement parce que votre présence ravive en nous la conscience du malaise moral et social qui règne aujourd’hui dans le monde d’où vous venez ; et ici, devant nous, vos âmes tendues et confiantes nous dénoncent la faim et la soif qui les affligent, une faim et une soif propres à notre société, et qui proviennent des conditions, tant habituelles que contingentes, de la vie présente ; et ceci pour des raisons opposées qui concourent au même résultat : chez certains, l’inquiétude provoquée par le bien-être même dont ils jouissent mais dont, plutôt que d’en goûter la satisfaction, ils ressentent l’aiguillon de la non-suffisance ; ceci est pour eux la faim et la soif d’avoir encore plus. Quant à d’autres, cette inquiétude est provoquée, à plus forte raison, par l’insuffisance de ce qu’ils possèdent, ou par le caractère fragile de leur position dans l’instable et vacillant concert social ; insuffisance qui s’exprime dans la faim et dans la soif dont nous parle l’Evangile et que celui-ci, Paroles du Christ, qualifie de béatitude : « Heureux — nous le redisons — vous qui avez faim et soif de justice, car vous serez rassasiés » (Mt 5,6).

Que dirons-nous de ces paroles évangéliques ?

Avant tout que, sous une forme et dans une mesure diverse, elles reflètent une réalité essentielle et psychologique que nous pouvons dire commune, de tous donc, celle qui découle fondamentalement de la nature même de l’homme. L’homme, il faut le reconnaître, est un être incomplet qui, même lorsqu’il est satisfait, n’est jamais rassasié ; c’est un être ainsi fait qu’il est toujours tourmenté par une faim et une soif, par des désirs qui exigeraient une majeure satisfaction. L’homme est comme Joseph, le fils préféré de Jacob que celui-ci définit, selon la Bible, « le fils qui grandit, le rameau qui croît » (cf. Gn 49,22). Cette tendance à désirer, à croître, à posséder a un sens positif si elle est réalisée selon la justice, c’est-à-dire selon un dessein divin inscrit dans la nature idéale de l’homme, celle que le Créateur a implicitement insérée dans la conception typique, c’est-à-dire bonne, de l’homme lui-même : rechercher ce dessein à titre de perfection marque la ligne de développement, c’est-à-dire la faim et la soif de justice, que Dieu a assignée aux destinées de l’homme : c’est la « justice » implicite que l’homme doit désirer et mener à un accomplissement explicite ; c’est la promesse évangélique qui se trouve au terme de cette béatitude. La faim et la soif de cette perfection seront, dans l’économie évangélique, finalement rassasiées ; et la faim et la soif d’une telle perfection constituent déjà une béatitude.

Et qu’est-ce que la justice que l’Evangile indique comme objet de la faim et de la soif de l’homme évangélique ? elle est ce qui doit être et qui, n’est pas encore parfaitement. Elle est ce que la science morale appelle le devoir, l’obligation morale, la loi à suivre, la volonté divine à accomplir ; elle est ce qui est désirable en vertu d’une intervention divine, par voie de logique rationnelle ou encore par voie d’inspiration charismatique. Et ce coefficient fondamental de la vie morale peut avoir, lui aussi, son application à la vie spirituelle et effective de l’homme : le devoir peut être le poids de l’âme et peut avoir son énergie. Le Christ tranche et proclame : Heureux ceux qui ont faim et soif (de cet engagement de la vie humaine, c’est-à-dire de l’accomplissement de leur propre devoir, jusqu’au sacrifice de soi, parce que cet accomplissement transformera en béatitude la fidélité au devoir accompli. Ici il y a l’Evangile avec sa promesse et, nous pouvons dire, avec la béatitude concomitante.

Déjà le seul fait de vouloir, ce que l’Evangile désigne par faim et par soif, possède la vertu miraculeuse (de réaliser, par anticipation, la béatitude, le contentement de la fidélité à la justice. Ceci est d’un grand réconfort pour nous. La paix de l’esprit peut nous être assurée déjà durant la phase préparatoire à l’accomplissement de notre devoir, la phase précisément du désir, de l’intention, de la bonne volonté. Et il arrive souvent que cette aspiration initiale à la justice modifie dans les âmes généreuses l’orientation générale des désirs insatisfaits qui rendent l’existence malheureuse, parce que ces désirs sont égoïstes, parce que ce ne sont pas des désirs selon la « justice » qui, dans l’Evangile, accompagne et réalise l’amour. C’est là uniquement que se trouve le secret de la béatitude, aujourd’hui, dans la vie présente et demain, dans la vie future, eschatologique et mystérieuse certes, mais garantie par la promesse infaillible du Christ.

Ainsi soit-il avec notre bénédiction apostolique.

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Le diocèse de Gand, en Belgique, est aussi représenté aujourd’hui par les pèlerins de l’«Association chrétienne des Classes moyennes». A tous, Nous souhaitons que leur passage à Rome fortifie leur sens de l’Eglise, et les aide à la servir toujours mieux dans leur cher pays. Nous vous bénissons de grand coeur, ainsi que ceux qui vous sont chers.

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Nous saluons chaleureusement le contingent des Grenadiers de Fribourg. Vous savez, chers amis, cambien Nous apprécions le dévouement de vos compatriotes de notre Garde Suisse, que vous avez plaisir à retrouver à Rome! Nous vous disons nos encouragements et vous souhaitons un bon pèlerinage aux tombeaux des saints Apôtres. De grand coeur Nous vous donnons, ainsi qu’à vos familles, notre Bénédiction Apostolique.




10 mai 1978: PENTECÔTE : C’EST LA NAISSANCE DE L’ÉGLISE

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Chers Frères et Fils,



Nous sommes dans la période commémorative extrêmement importante qui sépare et fait communiquer deux événements capitaux pour l’histoire de la religion dans le monde ; d’une part l’Ascension, c’est-à-dire l’exode glorieux et mystérieux de Jésus-Christ qui, après sa Résurrection, a quitté la scène de cette vie terrestre, et d’autre part la Pentecôte qui, pour nous, chrétiens, est la venue du Saint-Esprit dans le groupe des disciples du Seigneur. Ceux-ci, dociles à l’ultime recommandation du Maître, se trouvaient réunis à Jérusalem pour attendre, à bref délai, un « Baptême de l’Esprit Saint ». Ils ne se rendaient pas clairement compte de ce qu’il serait, ce baptême, mais ils se rappelaient et, certainement, méditaient ce que Jésus leur avait dit : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux confins de la terre » (
Ac 1,8).

Le Saint-Esprit! Il est le « don de Dieu » (cf. St Augustin de l’humanité. Il s’agit de la naissance de l’Eglise. Saint Augustin a dit : « Ce que l’âme est pour le corps de l’homme, l’Esprit Saint l’est pour le corps (mystique) du Christ qu’est l’Eglise » (PL 38, 1231). Il s’agit de l’infusion de l’Esprit de Dieu, de l’animation surnaturelle de l’humanité qu’accomplit l’Eglise, de la présence et de l’action du Paraclet promis, de la troisième personne de la Très Sainte Trinité, un seul Dieu, on le sait, en trois Personnes distinctes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Le Saint-Esprit ! Il est de « don de Dieu » (cf. St Augustin De Trinitate, V, 15 ; P.L. 38, 921). Il est l’amour de Dieu qui se communique et qui multiplie les signes de sa présence et de son action, les dons de l’Esprit Saint (cf. Is 11,2), qui sont évoqués lorsqu’est conféré le sacrement de la Confirmation : sagesse et intelligence, conseil et force, science et piété, crainte de Dieu. Et Saint Paul écrira aux Galates : « Le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi, continence, chasteté » (Ga 5,22-23).

La vie du chrétien qui se trouve dans la « grâce de Dieu » est comme un jardin fleuri ! Nous devons toujours honorer l’Esprit Saint, en tâchant, précisément, d’être nous-mêmes le champ de sa floraison. Avec cette note relative à l’activité du Paraclet (comme le définit Saint Jean Jn 14,26 Jn 15,26 Jn 16,2) dans l’âme chrétienne au moyen de l’action sacramentelle : « le Baptême donne l’Esprit Saint comme force sanctifiante, puissance intérieure qui anime le chrétien de l’Esprit du Christ et le fait vivre comme Lui. La Confirmation est la Pentecôte nouvelle de tout chrétien qui lui donne l’Esprit pour en faire un adulte ; et celui-ci ne vivra plus seulement pour lui-même, comme l’enfant, mais il aura dans l’Eglise une mission, la mission qu’a tout chrétien de travailler pour le Royaume de Dieu » (P. Benoît, Passion et Résurrection du Seigneur, éditions du Cerf, 1966, p. 368).

Il ne faut pas que pour nous la Pentecôte passe inaperçue ! « Spiritum nolite extinguere » (n’éteignez par l’Esprit : 1Th 5,19) répéterons-nous avec Saint Paul, mais à tous nous recommanderons d’allumer ou de rallumer la flamme vive de la charité qui est, précisément, celle de l’Esprit Saint.

Avec notre bénédiction apostolique.



Avant de prononcer cette allocution, le Saint-Père a tenu à évoquer dans les termes suivants le drame qui vient d’endeuiller l’Italie :

Fils très chers, et vous tous, fidèles et visiteurs ici présents, Nous aurions l’impression de manquer de sincérité et de piété si, avant de vous adresser les quelques mots spirituels préparés pour cette audience, nous ne vous associons pas tous à la douleur que suscite en notre coeur la mort barbare infligée à Monsieur Aldo Moro et dont vous avez certainement tous eu connaissance, par la résonance qu’elle a eue dans l’opinion publique. Nous vous dirons seulement aujourd’hui que cet homicide est fort grave en lui-même, et aussi en raison des répercussions morales et sociales qu’il peut avoir. Nous voudrions que la réflexion sur cet événement ramène tous les esprits à des pensées très sérieuses et pratiques sur notre participation, qu’elle soit privée ou publique, à la vie sociale de notre temps : chacun doit se sentir non seulement participant, mais en partie responsable de son déroulement, en ce sens qu’il nous faut tous veiller à ce que notre mentalité et nos moeurs soient guidées par une solide conscience morale. Il faut que la rectitude des idées et des activités de tous soit plus présente et plus opérante en notre monde, afin que lui soit épargnée la dégénérescence dont l’injuste et tragique fin d’un homme d’Etat bon, serein, cultivé et pieux comme le fut Aldo Moro est un signe qui fait peur et fait rougir. Nous tenons pour cela à prier pour lui, pour sa famille et pour toute la société qui nous entoure et pour laquelle nous avons d’autant plus d’intérêt et de paternelle affection que plus sombre se présente son avenir. Priez, souffrez et aimez vous aussi!

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Nous saluons spécialement et de tout coeur le Supérieur général, nouvellement réélu, et les Pères des Missions Africaines de Lyon qui achèvent leur quatorzième Assemblée générale. Depuis cent vingt ans, votre Société a beaucoup mérité de l’Eglise! Certes le visage des Instituts change, comme celui des personnes, mais l’esprit et le coeur de tous leurs membres doivent rester jeunes, de la jeunesse éternelle du Christ et de I’Evangile! Chers Fils, continuez d’apporter aux diocèses africains - une cinquantaine si nous avons bien compté - votre collaboration très précieuse, avec l’humilité et l’ardeur de saint Jean-Baptiste, mentionnée au chapitre troisième du Quatrième Evangile! Avec notre affectueuse Bénédiction Apostolique pour vous-mêmes et pour tous les Pères et les Frères des Missions Africaines!

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C’est avec une grande joie que Nous accueillons les ecclésiastiques et les laïcs, catholiques et orthodoxes, qui achèvent une rencontre oecuménique chez les Focolari de Rocca di Papa. La plénitude de l’unité entre les chrétiens est l’un de nos soucis quotidiens, et nous attendons tous avec impatience l’heure à laquelle nous pourrons communier au même calice.

Frères très chers, si nous voulons réaliser cet objectif vital pour l’Eglise, joignons nos supplications en une seule prière, et aussi apprenons à nous offrir nous-mêmes lorsque nous offrons à Dieu, dans l’Eucharistie, la victime sans tache. Dans le Christ nous serons purifiés, et en Lui nous serons consommés dans l’unité (Cfr. Sacrosanctum Concilium SC 48)

Nous souhaitons que vos travaux permettent d’avancer sur la voie de l’amour fraternel, et Nous prions l’Esprit de Pentecôte de continuer à soutenir vos efforts méritoires.



17 mai 1978: UNE VISION OPTIMISTE DE LA VIE

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Il est nécessaire de penser, et plutôt même, de repenser. Nous nous trouvons à un moment historique dans lequel la situation de la société évolue, se transforme, se présente avec de nouveaux problèmes, de nouvelles difficultés, de nouvelles possibilités. La scène extérieure de la vie a de grands échos dans nos âmes. La tragédie du Président Moro et des hommes de son escorte nous a troublés profondément. Sa conclusion nous fait réfléchir tristement à cet événement comme à une crise dont l’épilogue n’a pas encore dénoué le problème qu’elle soulève ; toutefois de nouveaux aspects de ce drame funeste se présentent à nous comme indices de nouveautés meilleures.

Mais il y a tant de faits qui viennent troubler les espoirs d’un monde rêvé où règnent l’ordre, la justice, la paix : un monde infecté aujourd’hui par des lois inacceptables, plein de contradictions jamais aplanies, de questions que le progrès même fait surgir et exaspère... Un sentiment de pessimisme étouffe tant d’espérances sereines et ébranle notre confiance dans la bonté du genre humain. C’est là une réflexion douloureuse, et dangereuse aussi, car elle sape notre confiance en l’avenir d’un monde juste et heureux.

Voici : il faut que s’arrête ici notre glissement dans un possible pessimisme. Et cette opération de reconquête d’un optimisme voulu, nous la baserons sur quelques pensées fondamentales que nous devons tirer de notre conscience religieuse, sans négliger d’ailleurs celles que peuvent nous suggérer également notre raison et notre espérance.

La première pensée réconfortante, nous devons la chercher dans l’existence et la bonté de Dieu. Elle laisse à l’aventure humaine les sinistres développements provoqués par la capricieuse, instable, faillible liberté que l’économie du gouvernement supérieur du monde concède à cet être, minuscule mais terrible, qui s’appelle homme et qui, par défaut ou par malice (avec la complicité d’un autre être mystérieux et maléfique, le démon !) peut troubler le déroulement idéal et régulier de l’agir de l’homme lui-même. Mais ce désordre n’immobilise pas la main de Dieu qui peut intervenir et tirer un bien nouveau du mal causé par la méchanceté de sa créature. Et même, cette opération de rétablissement de l’ordre est un autre grand effet de la présence divine dans la scène humaine, une présence qui peut tirer des effets positifs de toute situation humaine. Rappelons-nous Saint-Paul qui nous assure que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (
Rm 8,28).

En ce qui nous concerne, la Providence a précisément l’art de nous faire trouver des trésors de salut dans l’expérience même de certains maux qui font souffrir notre existence. Et rappelons ici la parole immensément consolatrice, innovatrice du Christ lui-même : « Heureux les affligés, car ils seront consolés » (Mt 5,5), et celle qui lui fait écho, une autre parole du divin Maître au sujet des tribulations de la période extrême de l’histoire : « Vous sauverez vos âmes par votre patience » (Lc 21,19).

Il y a dans la souffrance humaine une certitude qui devrait en consoler et la rendre supportable : c’est que la souffrance n’est pas inutile. Elle est liée à une récompense qui faisait dire à Saint François d’Assise, affligé lui aussi par ses stigmates : « Si grande est la joie qui m’attend, que toute peine m’est chère ». Parmi les grandes merveilles opérées par le christianisme il y a aussi celle d’avoir appris à souffrir avec patience, et à découvrir des trésors d’humanité et de grâce dans la douleur et dans la mésaventure (cf. François Coppée, La bonne souffrance, 1908).

C’est pourquoi notre méditation nous ramène à l’optimisme qui n’est pas seulement une thèse intellectuelle : il est aussi cette vision de la vie, ou mieux, cette expérience qui donne de la grandeur, et non un réconfort illusoire à celui qui vit le christianisme et sait trouver dans la croix la sagesse et l’énergie dont a besoin notre pauvre, mais héroïque, existence.

Avec notre bénédiction apostolique.





24 mai 1978: LES DEVOIRS PASTORAUX DANS LES TEMPS DIFFICILES

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L’audience générale de ce jour a revêtu un caractère tout particulier du fait qu’y sont présents les participants à l’Assemblée Générale, actuellement en cours, de la Conférence Episcopale Italienne.



Nous sommes très heureux et honoré d’accueillir, parmi nos visiteurs de cette audience générale hebdomadaire, le groupe tout entier des participants à l’Assemblée plénière de la Conférence de l’Episcopat italien, Cardinaux, Archevêques et Evêques ainsi que toutes les personnes qui y sont associées, sous la présidence de M. le Cardinal Antoine Poma, Archevêque de Bologne. A lui, ainsi qu’à tous ceux qui l’entourent, nous adressons un cordial et révérend salut. Nous leur exprimons également notre satisfaction pour la communion ecclésiale qui nous est ici officiellement et spirituellement représentée et qui nous offre une occasion propice pour l’admirer dans la plénitude numérique et morale de son assemblée, au moment de l’expression annuelle de son activité. Nous-même, nous avons la joie d’y participer non seulement comme Pasteur de l’Eglise Universelle mais aussi à titre spécifique, comme Evêque de l’Eglise de Rome.

Il nous semble que cette présence qui se détache sur la foule des visiteurs présents à cette audience générale, peut nous fournir le sujet de notre habituel discours, même si nous ne le traitons que très brièvement.

Avant tout en raison du fait, singulier et magnifique, que l’Assemblée de l’Episcopat italien illustre l’union canonique de l’Eglise en Italie. Nous nous souvenons encore de la très grande importance historique et morale que le Cardinal Giovanni Mercati, toujours regretté, et bien digne d’être rappelé, attribuait à une telle union canonique. Elle n’avait jamais existé auparavant et voici que maintenant elle résultait, presque à l’improviste, des vicissitudes de l’histoire civile de ce pays, mûrie dans son providentiel destin. C’est pour nous un devoir, et une consolation, de noter que la Conférence Episcopale Italienne a su, avant même d’avoir des Statuts officiels, édifier des structures heureuses et pleines de promesses, en particulier depuis le Concile Vatican II. C’est ainsi qu’elle dispose d’organes d’étude et de travail, distincts et qualifiés, munis de programmes pratiques et bien déterminés, permettant d’éviter tant d’initiatives dispendieuses et particulières pour le plus grand profit, notamment, de plans unitaires plus simples et plus étendus. A ceux qui ont dirigé et organisé le travail central de la Conférence Episcopale italienne nous devons de reconnaissants applaudissements et nous souhaitons qu’ils poursuivent, en progressant sans cesse, cette intense activité, organique et efficiente. Au talent patient et discipliné du Cardinal Poma et de ses collaborateurs, nous exprimons, de manière toute spéciale, au nom de tous, notre fraternelle reconnaissance.

Puis, le diagnostic des conditions religieuses du peuple italien, héritier d’une formation religieuse excellente, mais peut-être devenue désormais un peu trop routinière, a conduit à la révision des méthodes et des instruments de la religiosité populaire. Révision plutôt délicate et difficile et point terminée puisque, par exemple, nous attendons le « Liber pastoralis » qui figure dans les préliminaires de la Conférence et dans les expectatives du peuple chrétien. Le fait mérite toutefois éloges et attention. L’éducation religieuse, fidèle à la tradition, mais renouvelée dans l’esprit amoureux du don inestimable de la révélation et dans l’inépuisable capacité d’expression didactique, ouvre à l’Eglise la voie vers de nouveaux développements. Sur ce point également nous nous sentons tenus de remercier pour le travail accompli et de former des voeux pour ce qui reste à faire. Nous n’irons pas plus loin dans notre discours apologétique des devoirs qui incombent aux Pasteurs de l’Eglise italienne. Ils les connaissent : dans le domaine de l’instruction religieuse, premier devoir; dans le domaine de la pratique religieuse, spécialement dans la formation liturgique et donc dans ce chant sacré collectif; puis dans le domaine de l’aide à la promotion sociale ; dans le domaine de l’éducation catholique : les écoles, les oratoires, la formation des adultes, etc. ; la famille, particulièrement et, encore etc. !

Frères dans l’Episcopat ! Comme nous sommes heureux et confiant de vous savoir tous à l’écoute de la parole nouvelle, toujours nouvelle de l’Eglise, et de vous savoir tous engagés dans votre mission pastorale, avec un dévouement exemplaire ! Courage ! Que Dieu vous bénisse !

Et vous, fidèles, qui nous écoutez, ne sentez-vous pas que ces paroles sont également pour vous ?

Mais nous ne pouvons laisser passer une occasion comme celle-ci, sans mettre l’accent sur les difficultés toutes particulières que le ministère pastoral rencontre aujourd’hui.

Qui de vous ne se rend compte de la marée toujours montante de la négation religieuse ?

D’abord l’indifférence, puis la critique, puis l’aversion anticléricale et antireligieuse. Maintenant le pluralisme équivoque qui mine tout engagement spirituel et même moral. Où donc, est-il, le peuple chrétien, non seulement fidèle à l’observance de quelque précepte, mais nourri, mais vivant, mais heureux de croire, de prier de professer au Christ un amour fort et capable de porter sa croix avec Lui ?

Nous ne pouvons passer sous silence le devoir accru de la fidélité conjugale dans la famille, depuis qu’on a accordé au divorce la possibilité de s’attester impunément. De même, nous ne saurions oublier le devoir de tous, de nous Pasteur spécialement, de déplorer la législation permissive sur l’avortement ! Que de nouvelles affirmations morales devrons-nous faire sur l’intangibilité sacrée de la vie humaine dès le sein maternel ! et quelle discrète mais efficace sollicitude devrons-nous réserver à la mère en difficulté, tentée de supprimer l’être vivant, nouveau, sacré, palpitant dans son sein ! Problèmes d’aujourd’hui qui doivent d’autant plus accroître notre charité que plus grande est la possibilité offerte au crime contre une créature innocente et sans défense! Ce sont là des problèmes actuels qui s’ajoutent aux autres, innombrables, qui rendent graves, toujours plus graves le devoir pastoral, la responsabilité du Peuple de Dieu et de celui qui n’est pas officiellement le Peuple de Dieu, mais qui est cependant toujours le nôtre.

Mais encore, invoquant la Vierge et nos Saints, nous vous saluons et vous bénissons avec la parole du Christ : « Nolite timere : Ego sum » (
Jn 6,20). Nous ne devons pas craindre ! Le Christ est avec nous !

Avec notre bénédiction apostolique.



En saluant les groupes de langue française au cours de l’audience générale, le Pape a évoqué par les paroles suivantes, la douloureuse situation du continent africain, durement éprouvé par la violence de ces derniers jours et a invité les fidèles à unir leur prière à la sienne afin que le Seigneur donne la paix au Zaïre et à toute l’Afrique.


Nous nous sentons obligé, devant la douloureuse gravité des faits qui ont frappé ces jours-ci la zone du Shaba (ex Katanga) au Zaïre, en Afrique, d’exprimer notre souffrance de voir tant de victimes civiles et innocentes, de toute race et de toute couleur, qui ont perdu tragiquement la vie.

Notre pensée et notre affection de Père vont à toutes ces populations éprouvées, et en particulier aux prêtres, missionnaires, religieuses, qui ont donné une preuve de courage, de zèle et de générosité en se dévouant sans trêve au service de leurs frères, dans la fidélité à leur mission d’annonciateurs de l’Evangile.

Nous vous demandons d’élever avec nous une fervente prière pour ces victimes et pour invoquer le réconfort et l’aide de Dieu pour tous ceux qui ont souffert violences, humiliations et privations de tout genre.

Veuille le Seigneur écouter notre supplication en donnant à cette région et à toute l’Afrique la paix qui est la condition première de toute vraie vie en société, du véritable progrès et du développement intégral de l’homme !





31 mai 1978: L’ÉGLISE ENSEIGNE

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Chers Fils et Filles,



Dimanche dernier, après la belle cérémonie en l’honneur de la Fête-Dieu, célébrée en la majestueuse Basilique Saint-Paul à Rome, nous avons été jeter un regard fugitif à l’édifice de la nouvelle Ecole professionnelle en construction, presque terminée, il est vrai, et qui portera le nom de l’Apôtre Paul. Elle surgit sur le terrain qui côtoie l’historique et monumentale Basilique qui garde la tombe du « Docteur des Gentils » (
1Tm 2,7). Nous avons éprouvé une grande consolation devant cette belle et prometteuse nouveauté qui recueille déjà des centaines de demandes de jeunes gens du quartier populaire voisin, désireux de s’inscrire à la nouvelle école et de donner ainsi à leur propre vie un noble but d’étude et de travail. Cette brève visite nous a procuré une intime satisfaction, comme un sentiment de confiance et d’amitié pour la jeunesse qui se pressait nombreuse autour de nous, visiteur presque furtif.

Dans notre âme retourne, brûlante, la question obsédante et prosaïque : l’Eglise, à quoi sert-elle aujourd’hui ? Et que fait-elle ? C’est une question presque agressive et subversive, marquée d’une conviction aussi manifeste qu’injustifiée que l’Eglise aurait, de nos jours, perdu sa raison d’être, dévorée, celle-ci, par cette inutilité, pratique et économique, propre d’une société qui voulant se qualifier de moderne, se définit matérialiste.

L’Eglise, à quoi sert-elle et que fait-elle au milieu du monde actuel tout affairé dans son fébrile travail productif et utilitaire ? Eh bien, ce bel édifice moderne semble nous donner une réponse actuelle et éternelle, c’est-à-dire : l’Eglise enseigne ! Enseigner : voilà une fonction propre de l’Eglise ; l’histoire le prouve. L’histoire fait l’apologie de cet art supérieur exercé par l’Eglise, souvent pour suppléer à la société civile qui n’a pas encore atteint sa maturité, puis, toujours en concomitance ordonnée avec elle, mais toujours à un titre spécial, pour ne pas dire comme il le faudrait, exclusif. L’Eglise a quelque chose à enseigner qui est de sa compétence propre : c’est la vérité religieuse. Et celle-ci n’est ni dépassée, ni superflue, mais nécessaire. Nécessaire, certes, pour les fins supérieures, transcendantes et irremplaçables, propres à la religion, la vie vraie, la vie spirituelle aujourd’hui, puis, plus tard, la vie éternelle. Elle est également nécessaire pour les tins temporelles, présentes, si celles-ci doivent être réalisées, selon des principes vrais, authentiques, fermes, capables, oui, de s’exprimer sous une variété de formes et de lois, mais non en un équivoque et discordant pluralisme qui ne permet pas une interprétation humaine concordante, ainsi que dans un système juridique logique. Et ceci exige une référence à l’absolu, au nécessaire, au religieux.

« Allez et enseignez ! » a commandé le Maître de l’humanité, le Christ Seigneur ; et cette investiture justifie le droit-devoir pédagogique et didactique propre de l’Eglise. Il est vrai que l’Eglise dispose d’autres chaires, qui ne sont point scolaires, pour enseigner ses vérités. Mais il n’est personne qui puisse lui contester jamais deux critères qui guident l’enseignement de l’homme. Le premier critère est l’unité ou le caractère complémentaire de la doctrine qui doit être enseignée, si l’on veut que l’esprit de l’enfant ait un développement harmonieux et heureux. Le second est qu’un pur enseignement didactique ne saurait soutenir le vrai maître ni éduquer l’homme dans l’enfant si l’amour ne les animait l’un et l’autre, le maître et l’élève ; et ceci comporte qu’une école, l’école chrétienne, avec ses diverses matières, rationnelles, scientifiques, morales et religieuses, les unissent dans un colloque complet et organique.

Sagesse antique, mais nullement vieille, qui persuade l’enseignant de la religion à se faire éducateur d’un programme scolaire qui englobe tout et fasse de l’école un centre capable d’enseigner toutes choses, y compris les matières profanes, en les éclairant de la lumière supérieure de la foi religieuse.

Ceci se conclut dans une apologie de l’école, publique ou privée qu’elle soit, à laquelle nous adressons, comme toujours l’hommage de notre sympathie, de notre estime, et nos encouragements et, maintenant, notre bénédiction apostolique.






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