La théologie de la libération, une création du KGB ? En partie seulement…

La théologie de la libération, une création du KGB ? En partie seulement…
 
Les déclarations de l’ancien chef de la police secrète communiste de Roumanie, Ion Pacepa, selon lesquelles la théologie de la libération est une création du KGB (voir ici sur Reinformation.tv), ont été contestées par un Brésilien conservateur, Luiz Sergio Solimeo qui a mis en évidence le fait que la théologie de la libération n’a pas attendu des « manœuvres » communistes pour se répandre au sein de l’Eglise catholique. Sans nier le rôle des agitateurs et services secrets communistes, il affirme que la théologie de la libération ne leur doit son essor qu’en partie seulement, plongeant ses racines bien plus loin.
 
« Bien que l’on ne puisse exclure la main de Moscou dans la diffusion de ce mouvement révolutionnaire, la réalité est bien plus complexe : la théologie de la libération est le fruit d’un long processus qui s’est développé à l’intérieur des secteurs de l’Eglise travaillés par le modernisme et par les philosophies immanentistes modernes, ainsi que par l’influence du protestantisme libéral », écrit Solimeo.
 
Ses origines proches, note-t-il, se retrouvent dans les pontificats de Léon XIII et de saint Pie X. Ce dernier a condamné dans son « Syllabus », et par le biais de plusieurs documents et mesures disciplinaires, l’amoncellement d’« erreurs philosophiques, théologiques, morales et sociales qui se répandaient sourdement depuis quelque temps déjà dans les institutions éducatives de l’Eglise ». Cette « synthèse de toutes les hérésies » forme l’hérésie moderniste.
 

Naturalisme et immanentisme ont précédé la création de la théologie de la libération

 
« Le modernisme est fondamentalement naturaliste et immanentiste, il nie la transcendance surnaturelle et divine et réduit la religion à un simple sentiment, sans vérités dogmatiques ni préceptes moraux immuables », résume Solimeo.
 
On sait combien cette hérésie multiforme a contaminé les institutions de l’Eglise, notamment l’« évolutionnisme mystique » théorisé par Teilhard de Chardin qui vide de son sens toute vérité dogmatique et toute moralité enseignée par l’Eglise, note l’auteur brésilien. On pourrait ajouter combien cet évolutionnisme est à l’œuvre jusque dans l’Eglise dans d’autres domaines que celui de la promotion politique d’un socialisme communiste et matérialiste propre à la théologie de la libération : toutes les manœuvres pour dénaturer le mariage, qui prônent une nouvelle vision de l’homme et un détricotage des vérités sur le Christ, l’Eucharistie et l’Eglise sont la traduction morale de ce refus des vérités certaines de la foi et de la philosophie réaliste. La « Nouvelle Théologie » de Teilhard a facilité l’avènement et la diffusion de la théologie de la libération.
 
La réclamation en vue de l’égalité socio-économique que prône la théologie de la libération était déjà à l’œuvre au sein de l’Eglise à travers le Sillon de Marc Sangnier au début du XXe siècle : saint Pie X devait la condamner dès 1910 dans Notre charge apostolique. Jacques Maritain devait poursuivre cette réflexion en rejetant certes la philosophie athée qui enveloppe « l’intuition » marxiste mais en cherchant à faire le « sauvetage » de la notion d’« aliénation » imposée à la classe ouvrière par le monde capitaliste.
 

Teilhard, Maritain ont influencé la pensée sud-américaine, créant les bases de la théologie de la libération

 
Il n’en fallait pas plus pour « ouvrir le chemin à la collaboration entre catholiques et communistes », puisque Maritain « accueille l’essence de la théorie sociale et économique marxiste non seulement comme étant vraie, mais comme étant chrétienne ». Cela a abouti, selon Solimeo, à détruire la vigueur de l’anticommunisme chrétien et à faire pencher l’Action catholique et les démocrates chrétiens toujours plus à gauche.
 
Il détaille ensuite la manière dont ces idées nouvelles se sont infiltrées dans le catholicisme et surtout l’action politique catholique en Amérique du Sud qui se réclame de la « Troisième voie » de Maritain tout autant que de son « Humanisme intégral ». Une Troisième voie qui, en rejetant le capitalisme comme le communisme, s’est en pratique « montrée avant tout anti-anticommuniste »…
 
Que ce soit parmi les étudiants sud-américains dès les années 1960 ou dans de nombreux séminaires à travers le monde, ces théories se sont répandues avec vigueur : « dès 1969, trois novices dominicains, anciens membres de la Jeune Action catholique, sont arrêtés par la police en raison de leurs liens avec la guérilla communiste » au Brésil.
 

Le modernisme synthétise toutes les hérésies, la théologie de la libération puise à ces sources

 
« C’est dans cette ambiance de fermentation intensément moderniste et gauchiste que les théologiens comme le jésuite uruguayen Juan Luis Segundo, les Brésiliens Hugo Assmann et Leonardo Boff, franciscains, et le Péruvien Gustavo Gutierrez ont posé les fondations de la théologie de la libération », écrit Solimeo. En Argentine, elle se révélera davantage populiste sous l’influence du péronisme.
 
Notant sa filiation marxiste et gramscienne, Solimeo souligne que la théologie de la libération trouve ses sources proches dans la pensée de catholiques et de protestants européens : elle déifie les « pauvres » de la même manière que Marx déifiait le « prolétariat », « rédempteur » du monde.
 
Le KGB avait intérêt à diffuser la théologie de la libération, mais celle-ci n’est qu’en partie de sa fabrication
 
« De ce rapide survol historique on peut conclure qu’avec ou sans le KGB, la crise interne qui fait rage depuis si longtemps au sein de l’Eglise aurait logiquement conduit à la théologie de la libération », note Solimeo, soulignant que le KGB avait en effet intérêt à ce que cela se produise pour faciliter l’expansion communiste. « Le communisme et le KGB ne se trouvent pas au début du processus qui a conduit à la théologie de la libération, mais plutôt à sa fin, comme conséquence nécessaire de l’adhésion aux principes égalitaristes et évolutionnistes des théoriciens hérétiques du début du XXe siècle », conclut-il.
 
On pourrait ajouter que ce ne sont là que des étapes « proches ». Au fond, le communisme, traduction politique de l’idéologie de la franc-maçonnerie, n’est qu’une manifestation radicale du refus du Dieu Créateur, « autre » et transcendant. Ce refus, qui se caractérise par l’immanentisme panthéiste, se manifeste depuis la nuit des temps et s’enracine dans la trompeuse promesse : « Vous serez comme des dieux. » L’égalitarisme – morbide ! – n’en est que la conséquence : si tout est dieu, tout est égal, toute hiérarchie, toute autorité s’en trouve atteinte et contestée, en même temps que tout jugement moral ne se fait plus qu’en fonction de l’évolution de la matière : est « bon » ce qui va dans le sens de l’histoire.
 
Ce qu’il y a de nouveau, c’est le degré d’infiltration de cette idéologie infernale, aussi peu inventive que le diable dont les mensonges n’ont guère changé, au sein de l’Eglise elle-même.
 

Anne Dolhein