Il est très facile de faire passer les insultes proférées
par Ovadia Yossef pour
le énième dérapage d’un vieillard. Cette excuse est trop commode. De même, le fait qu’il s’en prenne à tout
le monde et pas seulement aux Arabes ne le dégage d’aucune responsabilité. Ovadia Yossef, nous dit-on, est un sage de la Torah,
le dernier grand maître
de sa génération, vénéré
par de nombreux laïcs.
Cet homme, nous explique-t-on, connaît par cœur les livres sacrés et maîtrise toutes
les subtilités de la loi judaïque. Fort bien. Pourtant,
les discours prononcés
à la synagogue Yazdi,
à Jérusalem, frappent par leur pauvreté.

C’est ça, le maître de la Torah ? C’est ça, le chef d’un mouvement politique qui pèse sur les décisions de l’Etat d’Israël ? C’est ça, l’homme chez qui tous les dirigeants israéliens, à de rares exceptions, se précipitent pour obtenir quelque insigne faveur ? Cette personnalité qui pèse tant sur l’agenda israélien n’est pourtant qu’un raciste, doublé d’un misogyne patenté. Après l’ouragan qui a frappé La Nouvelle-Orléans,
il a déclaré : “Là-bas, ce sont des Nègres. Les Nègres ont-ils apporté la Torah ? Yallah,
un ouragan s’est abattu sur eux et les a noyés, parce qu’ils n’ont pas de dieu.”
Il s’est moqué d’Obama en le traitant d’“esclave”. A une autre occasion, il a décrété que “marcher entre deux femmes, c’est marcher entre deux ânes”. A propos de Shulamit Aloni [dirigeante historique de la gauche pacifiste et laïque],
il a déclaré : “Le jour où elle mourra, il faudra organiser
un festin.”
Les Noirs et les femmes ne sont pas les seuls à faire les frais de son éloquence. Si un religieux comme [le ministre de
la Justice] Yaakov Neeman
a dû subir ses anathèmes,
ce n’est rien à côté de Yossi Sarid [ancien dirigeant de la gauche], à propos duquel Yossef a déclaré : “C’est le mal incarné. Il faut l’extirper de ce monde, le pendre haut et court.” Son sermon sur Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne,
et ses amis s’inscrit donc dans une suite logique : “Puissent-ils disparaître de la Terre. Puisse Dieu envoyer un fléau aux Palestiniens, ces enfants d’Ismaël, ces vils ennemis d’Israël.” Au moins, voilà
les Palestiniens en excellente compagnie.

Loin d’être remis à sa place, le rabbin Yossef fait l’objet d’un culte fervent. Son influence s’étend bien au-delà des 11 sièges de députés [obtenus par le Shas ultra-orthodoxe séfarade, dont il est le guide spirituel]. Un mot de lui suffirait à faire couronner Tzipi Livni [chef
de l’opposition centriste]
et tomber Nétanyahou. Dans le monde démocratique, Ovadia Yossef est sans doute un phénomène. Certes, un prédicateur islamiste comme Youssef El-Qaradaoui dérape souvent sur la chaîne
Al-Jazira. Mais, lorsque Qaradaoui lance des anathèmes contre les juifs ou les chrétiens, l’émotion est vive, parce que ces paroles ont une influence et trouvent des disciples – les anathèmes d’Ovadia Yossef n’en créent pas moins un climat propice.
Le problème, ce n’est pas
tant Ovadia Yossef que l’indulgence qu’on lui accorde, cette même indulgence dont les islamistes bénéficient de la part des milieux de gauche. Certes ils sont dangereux, racistes, voire antisémites, mais ce sont des opprimés
et tout leur est permis.
Chez nous, en particulier
au sein de la droite, c’est de cette même indulgence que jouissent les insultes et les anathèmes du rabbin Yossef. Mais c’est un damné de la terre et tout lui est permis .