Réflexions de The Wanderer. La mort de Benoît XVI a mis en pleine lumière les tensions entre les deux camps. L’un et l’autre ont leurs faiblesses, le pontificat de François est à bout de souffle et il n’est pas populaire malgré ce que disent les médias; et ses adversaires, qui se divisent sur des détails, n’ont pas de leader, même si Georg Gänswein semble jouer pour le moment ce rôle. Il y a un risque grave de déflagration comme à Sarajevo en 1914, et l’élément déclenchant pourrait être la prochaine nomination d’un évêque ultra progressiste à la tête de la CDF.

Dimanche 8 janvier 2023

Sarajevo 1914. L’Eglise après la mort de Benoît XVI

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Depuis que le décès du pape Benoît XVI est connu, un conflit est devenu visible, celui qui s’est installé depuis 2013 au sein de l’église entre le secteur « conservateur » – j’entends par là ceux qui, dans la lignée de la tradition bimillénaire, soutiennent que l’Eglise est une institution fondée par Jésus-Christ avec une finalité transcendante et surnaturelle consistant dans le salut des âmes – et le secteur « progressiste », composé de ceux qui considèrent que l’Eglise est une institution humaine – peut-être la plus ancienne et la plus puissante – dont la finalité est immanente et consiste à promouvoir l’homme à tous les niveaux, y compris le religieux, mais en donnant à ce terme un sens diffus, éloigné de toute vérité dogmatique ou morale.

La semaine dernière, nous avons été témoins d’événements que nous aurions cru impossibles il y a encore quelques jours. L’archevêque Georg Gänswein, a rendu publiques des déclarations explosives concernant l’impact sur le Pape Benoît XVI de la promulgation de Traditionis custodes, et la manière dont il a été de facto écarté de sa position de Préfet de la Maison pontificale, avec les mots que le Pape émérite aurait prononcés à ce sujet: « Je crois que le Pape François ne me fait pas confiance et qu’il veut que vous soyez mon gardien ». Le livre de mémoires de Mgr Gänswein sera publié dans les prochains jours, et tout porte à croire qu’il révélera de nombreux autres détails significatifs.

Pour leur part, et comme nous l’avons détaillé la semaine dernière [Organisation des obsèques: tous les scandales], le Pape François et sa cour de Santa Marta n’ont pas hésité à infliger autant d’humiliations posthumes au Pape Benoît XVI qu’ils le pouvaient. Il semblerait qu’ils aient profité de ses funérailles pour donner libre cours à la rancœur qu’ils entretenaient depuis des années, montrant au monde entier la profondeur de leurs haines.

La question qui taraude l’esprit de tous les analystes est de savoir comment les deux acteurs ont pu mettre en lumière la gravité du conflit de cette manière.

Mgr Gänswein n’est pas quelqu’un qui agit sur un coup de tête et nous ne pouvons pas penser qu’il a agi de manière impulsive. Un conservateur comme lui ne commettrait jamais une telle erreur et, surtout, les entretiens – du moins certains d’entre eux – ont certainement été enregistrés avant d’être diffusés et ses mémoires étaient également prêts depuis longtemps ; un livre ne s’écrit pas, ne trouve pas d’éditeur et n’est pas publié en une semaine. En d’autres termes, chaque mesure prise jusqu’à présent par Mgr Gänswein a été soigneusement réfléchie et calculée.

Il me semble que ce n’est pas le cas du pape François, homme de gouvernement rusé. Même si sa rancœur à l’égard du pape défunt était profondément ancrée, il est difficile de trouver une explication à ces funérailles bâclées. Le président du Portugal a émis une critique formelle de la manière dont les choses ont été gérées et Václav Klaus, ancien président de la République tchèque, a publiquement mis en cause les raisons d’un si triste spectacle. La seule raison qui me vient à l’esprit est que Bergoglio a été aveuglé par sa colère – comme il l’a été en d’autres occasions – et qu’il ne s’est pas arrêté pour réfléchir à la brutalité et au caractère scandaleux de son comportement.

Le Tagepost, un grand journal allemand, a estimé qu’avec la mort de Benoît XVI, une nouvelle étape du pontificat de François, voire de l’église elle-même, commence. Et la raison en est que Ratzinger a agi comme une sorte de tampon qui a amorti la fureur des conservateurs contre les excès de Bergoglio. Ou, comme l’a dit le cardinal Müller, les conservateurs pouvaient aller se faire soigner au monastère Mater Ecclesiae. A présent, il n’y a plus de tampon et il n’y a pas non plus de maison de soin. L’affrontement est inévitable et nous le voyons, et nous le verrons dans les semaines à venir.

Si nous examinons la situation des deux côtés, nous aurions tendance à penser que le côté progressiste a le dessus. D’abord, parce que c’est lui qui détient le pouvoir en la personne du Souverain Pontife et d’un bon nombre de cardinaux et d’évêques qui lui sont fidèles. Cependant, la mort de Benoît XVI est arrivée tardivement ; l’histoire aurait été très différente si elle était survenue il y a cinq ou six ans. Maintenant, Bergoglio est un pontife usé et affaibli, et tous ceux qui l’entourent dans des cercles plus ou moins proches attendent sa mort. Il ne démissionnera jamais ; il mourra simplement comme n’importe quel fils d’Adam, et ce moment ne semble pas loin. Comme le disent les experts depuis quelques mois, le Vatican sent le conclave.

Par ailleurs, le style de gouvernement extrêmement autoritaire de François lui a fait des ennemis partout, même parmi ceux qui partagent son progressisme. Pensons, par exemple, à la façon dont le cardinal-vicaire et l’ensemble du clergé romain ont pu être affectés par la constitution apostolique qu’il a promulguée vendredi dernier, intervenant de fait dans le diocèse de Rome et obligeant son vicaire, par exemple, à le consulter sur la nomination de tous les curés ou l’ordination des séminaristes. Il faut remonter à plusieurs siècles dans l’histoire de l’Église pour trouver un pape dictatorial comme Bergoglio. Son leadership, donc, est faible. Ceux qui le soutiennent n’hésiteront pas à l’abandonner et à manger à froid les plats de la vengeance pour les humiliations qu’ils ont reçues. Et il faut ajouter à cela qu’il n’a pas non plus le soutien des forces progressistes les plus puissantes : l’épiscopat allemand et, avec lui, celui d’autres pays dans son orbite. Il ne dispose pas non plus d’un soutien populaire. Le peuple, le « peuple fidèle », n’est pas proche du pape François. Il suffit de voir la maigre participation du public à chacune de ses apparitions publiques.

Bergoglio est donc faible parce qu’il est vieux et malade, parce que son pontificat s’est épuisé en beaucoup de bruit pour rien, parce que son style de gouvernement lui a valu d’innombrables ennemis et parce qu’il manque de soutien et de dévotion populaire.

Du côté des conservateurs, la situation est également complexe. Ce n’est pas un camp unifié, il n’a pas de chef et est composé d’une multitude de tribus qui se méfient les unes des autres, incapables de distinguer le principal du secondaire et capables, en revanche, des plus grandes maladresses pour triompher dans une dispute aux motifs les plus insolites et les plus mineurs. Il y a des références, certes, et d’intensité variable : les cardinaux Burke, Sarah ; des évêques comme Viganò ou Schneider, sont peut-être les plus connus. Mais j’inclurais également dans ce groupe les cardinaux Müller, Pell, Erdo et Eijk, et un bon nombre d’évêques américains. Mais, en fin de compte, il s’agit toujours de références qui manquent de véritable leadership. À mon avis, la seule façon pour le groupe conservateur d’avoir une réelle chance de réussir est de trouver un leader capable de les unifier et ayant suffisamment de sagesse et de force pour affronter le progressisme.

Il semble que les progressistes bergogliens en aient déjà trouvé un. Suivant la tactique péroniste, ils ont déjà choisi l’ennemi et le désignent. C’est l’évêque Georg Gänswein. Elizabetta Piqué, journaliste à Rome, amie personnelle de François et son porte-parole officieux depuis qu’il est archevêque de Buenos Aires, l’a dit samedi dans un article de La Nación : il est le porte-parole des ennemis « ultraconservateurs » de François. Quelques jours plus tôt, on s’était demandé s’il n’était pas devenu fou. Les attaques contre Gänswein par tous les médias dépendants vont s’intensifier dans les prochains jours ; il ne fait aucun doute qu’à Santa Marta, on le considère comme un leader dangereux capable d’unifier les forces conservatrices. Le problème est de savoir si les conservateurs parviendront à se mettre d’accord, à mettre de côté leurs fondamentalismes et à adopter des stratégies communes. Il ne serait pas étrange qu’une tribu interroge Gänswein parce qu’il s’est vacciné contre le Covid, une autre parce qu’il célèbre le novus ordo, et qu’une autre lui demande d’abjurer publiquement Dignitatis humanae. L’obstination et le manque de prudence et de bon sens sont caractéristiques de nos amis.

L’ascension d’un leader, que ce soit l’évêque Gänswein ou n’importe qui d’autre, nécessite la survenue d’un événement explosif. En raison de la nature hiérarchique de l’Église, les fonctions de direction sont déléguées ; les dirigeants naturels sont les évêques, et nous connaissons déjà la qualité de l’épiscopat catholique actuel. L’émergence d’un outsider est donc très complexe, et le sera toujours relativement, puisqu’il est essentiel que l’outsider soit un évêque. Pour que cela se produise, il faut qu’un Gavrilo Princip assassine un archiduc à Sarajevo. Et à mon avis, c’est Bergoglio lui-même qui assumera ce rôle, allumant la mèche du baril de poudre, non seulement en raison de son caractère imprévisible, mais aussi parce qu’il est le seul à avoir la capacité, en vertu de sa fonction, de provoquer un conflit de proportions au sein de l’Église. Dans tous les autres cas, lorsqu’un conflit survient, c’est le pape qui agit comme arbitre final et règle la situation. Mais quand c’est le pape lui-même qui s’acharne à créer des difficultés et à provoquer des blessures et des divisions, il n’y a personne vers qui se tourner. Personne, sauf un leader.

Ce qui est dangereux, extrêmement dangereux, c’est que François a sous la main un conflit potentiel capable de déclencher la guerre ; il y a un archiduc qui se promène à Sarajevo. Le bruit court dans les cercles du Vatican que la véritable intention de François est de nommer l’évêque allemand Heiner Wilme comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Et c’est un personnage décrit par tous comme ultra-progressiste, aligné sur les décisions les plus extrêmes du synode allemand.

Pour lui, par exemple, la Sainte Messe n’est pas un élément important de la vie chrétienne et il propose une révision complète de l’enseignement de de l’Eglise sur la sexualité. On dit qu’il n’a pas encore été nommé en raison de la forte opposition que François a rencontrée de la part de nombreux évêques et cardinaux comme le cardinal Müller. Mais s’il devait faire pression pour cette nomination, ce qui est tout à fait probable étant donné les circonstances, il ne fait aucun doute que l’Eglise entrera dans une lutte et une division très profondes dont personne ne sait comment elles se termineront.

Ce sera la fin et le fruit ultime du pontificat de François, le pire et le plus nuisible des papes de l’histoire de l’Église.

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