L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Unissez aujourd’hui votre cœur à toute la sainte Église pour faire avec joie commémoration de la joyeuse naissance de saint Jean. Congratulez la Sainte Vierge et toute sa parenté de la naissance de ce cher enfant envoyé au monde, non comme étant la lumière, mais pour rendre témoignage à la lumière, pour montrer au doigt l’Agneau de Dieu comme la Victime d’expiation des péchés des hommes. Ce plus que prophète, ce plus grand entre les enfants des femmes, est si petit auprès du Fils de la Vierge qu’il protesta lui-même n’être pas digne de délier la courroie de ses souliers. Vous saviez toutes ces choses, Vierge Sainte, mais vous vous taisiez et ne découvriez point le secret du ciel dans cette joie publique de tout le voisinage ; vous vous contentiez d’y prendre une part modeste et d’en glorifier Dieu. Je veux aujourd’hui donner quelque temps de mon recueillement à penser à ces paroles évangéliques : Un homme fut envoyé de Dieu ; il avait nom Jean ; il n’était pas la lumière, mais il rendait seulement témoignage à la lumière. Jésus et Marie étaient les uniques lumières, le soleil et la lune de l’Église. Jean en a rendu témoignage, même avant sa naissance, par la bouche de sa mère.

Considérez qu’au jour de la nativité de saint Jean-Baptiste, Marie, pleine de grâces, reçut dans son giron l’enfant de la grâce. Notre Père saint François de Sales veut que cette réception du petit saint Jean soit un des plus précieux privilèges de ce grand précurseur de Jésus-Christ, que ce soit pour lui comme une adoption à l’imitation de ces anciennes femmes israélites qui, recevant sur leurs genoux les enfants de leurs inférieures, les adoptaient et tenaient pour leurs enfants. Servons-nous aujourd’hui pour notre récollection de la pensée de ce grand Saint, qui veut que nous enfantions toutes nos bonnes œuvres sur les genoux, c’est-à-dire sous la protection de Marie, et que nous les déposions toutes entre ses mains, afin qu’elles soient des œuvres de grâce, de bénédiction et de salut.

Promettez aujourd’hui que désormais votre cœur s’ouvrira avec votre bouche dans la récitation journalière des deux cantiques de la Visitation : le Magnificat et le Benedictus. Priez la divine Mère qu’elle en imprime dans votre âme l’intelligence et l’amour ; pour cela, dites-les quelquefois par surérogation et par pure dévotion. Si vous n’en comprenez pas le sens et les paroles, adorez et aimez intérieurement les mystères qui y sont compris et unissez-vous à l’intention de ces chantres sacrés de la Visitation. Soyez associé dans ce désir de magnifier Dieu et de le bénir avec la Sainte Vierge et son cousin Zacharie. Isaïe dit : Je chanterai à mon ami le cantique de mon cousin. Je crois, Sainte Vierge, que c’est vous qui, dictant à votre fidèle saint Luc les plus secrets mystères et paroles de l’Incarnation et naissance de l’Homme-Dieu, lui avez récité et dicté mot à mot ces deux cantiques de votre Visitation, l’un de votre composition et l’autre de celle de votre cousin Zacharie, pour accomplir la prophétie d’Isaïe : Je chanterai à mon ami le cantique de mon cousin. Aujourd’hui, Sainte Vierge, je réciterai devant vous, dans mon recueillement, ces deux cantiques qui sont un abrégé de toute votre Visitation.

Demandez aujourd’hui permission à la Sainte Vierge d’employer les trois jours qui vous restent de ce mois à quelque occupation intérieure et particulière sur le cantique de son cousin le grand-prêtre Zacharie. Cette Sainte Vierge vous enseignera que ce second cantique est comme une espèce de répétition ou écho de son Magnificat, avec la différence de l’écho à la véritable voix, du serviteur à la Reine. Les premiers versets de ce second cantique de la Visitation ne contiennent autre chose qu’une intelligence de la venue du Messie, Fils de David, que l’accomplissement des prophéties, que le triomphe de cet Homme-Dieu sur les ennemis de notre salut, que l’accomplissement des promesses faites par Jésus à son grand-prêtre Abraham, que le triomphe de ce Sauveur sur ses ennemis, triomphe qui nous ferait servir la divine Majesté non plus comme esclaves sous la loi, mais comme libres, affranchis, constitués sous la grâce de Jésus-Christ, Fils de la Vierge Marie.

Suppliez aujourd’hui très-humblement la Sainte Vierge qu’elle vous donne elle-même l’intelligence du huitième verset du Benedictus. Ô Sainte Vierge, il me semble déjà que vous instruisez mon cœur ; vous lui dites que ce seul verset contient les quatre points les plus essentiels de notre Maison de la Visitation ; que la délivrance de notre servitude par Notre-Seigneur et notre liberté ne doivent être employées qu’à servir notre Libérateur en justice, en sainteté et en persévérance tous les jours de notre vie. Ô divine Marie, assujettissez nos âmes à la grâce de votre Fils, et que toute notre liberté ne soit jamais qu’un perpétuel assujettissement à sa présence, en justice et en sainteté.

La Sainte Vierge a sans doute tant aimé les deux princes des Apôtres saint Pierre et saint Paul, dont l’Église solennise aujourd’hui la fête, qu’elle agréera bien que nous la saluons en ce jour comme Reine des Apôtres et Régente particulière de saint Pierre, lieutenant de son adorable Fils en la conduite de la sainte Église. Il est à croire que les prières de cette Reine obtinrent la conversion de ce chef des Apôtres après son péché et qu’elle eut un soin particulier d’adoucir l’amertume de son cœur après qu’il eut renié son Maître. C’était la pensée de notre saint Fondateur, qu’après la mort de Jésus, Marie fut l’asile de Pierre, affligé de son péché et de l’absence de son Sauveur. Ô Vierge Sainte ! soyez notre asile en nos peines, en nos doutes, en nos prières, en nos travaux, en notre vie et en notre mort !...

Finissez aujourd’hui le mois de juin par la fin du second cantique de la Visitation ; remerciez très-humblement l’affection miséricordieuse de notre Dieu, qui a fait la Visitation par son Orient d’en haut, par son Fils Jésus-Christ, ainsi appelé par les Prophètes, parce que cette lumière orientale, qui est maintenant cachée, illuminera tous ceux qui sont dans les ténèbres, dans les prisons et dans les ombres de la mort, pour leur donner une vraie vie. Ô ma sainte Maîtresse, glorieuse Vierge Marie, il me semble que ce grand-prêtre, votre cousin, dans son cantique si profond et si caché, dit ce que vous lui avez appris. Il n’ose parler de vos propres secrets, il n’ose l’adresser directement qu’à saint Jean ; mais il déclare pourtant, avec un profond respect, que son fils Jean ne sera que l’avant-courrier et le préparateur des chemins de votre Fils Jésus. Ah ! si ce mois était plus grand, que nous aurions encore de merveilles à découvrir dans cette sainte première Maison de la Visitation ; mais j’espère de vos bontés, ô Jésus, Marie, Joseph ! que tous les jours vous me ferez la miséricorde de renouveler en moi votre sainte Visitation.

Employez-vous aujourd’hui à considérer que la très-sainte Vierge a fait sa première Visitation ès montagnes de Judée dans la cathédrale d’Hébron, première suffragante de la patriarcale de Jérusalem. Il y aurait bien à méditer pour une âme dévote sur ces circonstances. Hébron appartenait au bon Roi David, homme selon le Cœur de Dieu et aïeul de saint Joseph, époux de la Sainte Vierge Marie. Cette Vierge toute pure était en route pour aller chez sa cousine sainte Élisabeth, petite-fille d’Aaron, grand-prêtre du Seigneur et frère de Moïse ; et cette bonne dame sainte Élisabeth était épouse d’un prêtre du Seigneur, par où nous voyons que, dès l’origine, la Visitation reconnaît pour pères et pour conducteurs les grands-prêtres, qu’elle appartient au sacerdoce et à sa hiérarchise.