Le gouvernement italien travaille sur une carte unique qui fonctionnera à la fois comme carte d’identité et comme instrument de paiement électronique, mais aussi comme carte de santé. Officiellement, pour le plus grand bénéfice du citoyen-consommateur – tout sera beaucoup plus pratique. Comme les gouvernements français et italiens sont pratiquement des frères siamois, l’un précédant l’autre – ou vice-versa – de quelques semaines depuis le début de la pandémie, on peut s’attendre à voir la même chose débarquer en France à brève échéance (ces jours-ci, comme par hasard, on nous parle beaucoup de la désaffection des Français pour les distributeurs de billets et de leur prédilection pour le paiement sans contact, préfigurant la fin prochaine du « liquide », sous les applaudissements du peuple qui en redemande!), éventuellement sous un autre nom, d’autant plus que tout cela procède de directives européennes, bien entendu en toute opacité. Le Great reset, c’est maintenant.

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TRANSITION NUMÉRIQUE

Une carte pour payer et nous identifier. Une carte pour nous contrôler

Stefano Fontana
La NBQ
26 septembre 2021
Ma traduction

Le gouvernement Draghi travaille sur une carte unique qui fonctionnera à la fois comme carte d’identité et comme instrument de paiement électronique, mais aussi comme carte de santé. « Comme c’est bien, comme c’est pratique », disent la plupart des gens, fatigués de se trimballer avec de l’argent liquide, une carte de crédit et même une carte de santé [carte vitale] et d’identité. Mais… attention au revers de la médaille.

Alessio Villarosa (M5S, sous-secrétaire au ministère de l’Économie), a anticipé au Sole 24 Ore les détails de la nouvelle carte unique, comment elle devrait fonctionner une fois mise en circulation. La nouvelle carte unique permettra de payer, d’être reconnu par l’administration publique (rôle joué aujourd’hui par le Spid [ndt: sistema publico di identità digitale, l’équivalent de notre numéro INSEE]), d’être reconnu par les services médicaux (comme l’actuelle carte de santé [carte vitale]) et pourrait également devenir un document d’identité, au même titre que la carte d’identité. Les détails ne sont pas encore connus, mais le respect des normes internationales et la protection des données sensibles sont garantis.

Le produit est vendu comme la mise en œuvre la plus pratique du programme de numérisation, conformément au PNRR [Piano Nazionale di Ripresa e Resilienza : « plan national de relance et de résilience », programme élaboré par le gouvernement italien qui explique comment l’Italie entend investir les fonds mis à disposition par l’Union européenne pour soutenir la relance après la pandémie de covid19]. La numérisation vise avant tout à simplifier, comme toujours. Mais aussi comme une forme de lutte contre l’évasion fiscale, qui reste attribuée à l’utilisation de l’argent liquide. Bien qu’une loi interdisant les billets de banque et les pièces de monnaie ne soit pas encore sur la table, il est déjà prévu d’obliger l’administration publique à n’accepter que les paiements électroniques. L’introduction d’un instrument global, tel que cette carte unique, suggère une proposition prochaine de suppression de l’argent liquide. Il est étrange qu’en 2021, en pleine ère du bitcoin et avec des outils d’évasion électronique beaucoup plus pratiques (et avec tous les hackers expérimentés autour), on pense encore à la mallette pleine de gros billets quand on parle d’évasion. L’intention, cependant, est claire : contrôler chaque mouvement d’argent.

C’est là, cependant, que se trouve le côté sombre de la proposition. En effet, si la nouvelle carte contient également toutes nos données personnelles, elle peut aussi enregistrer chaque transaction qui affecte notre santé. Y compris l’achat de cigarettes (une carte de santé est requise dans les distributeurs automatiques) et tous les types de médicaments, les visites chez le médecin et à l’hôpital. La carte d’identité, y compris l’identité numérique pour avoir des relations avec l’administration publique, enregistre et permet de retracer une infinité de nos autres actions personnelles. En bref, la nouvelle carte permet à ceux qui peuvent la contrôler de nous suivre dans tous nos rapports avec les secteurs public et privé : ce que nous achetons, ce que nous vendons, ce que nous gagnons et auprès de qui, comment nous allons, ce que nous faisons pour nous soigner, quels vices (tabac, alcool) nous avons, ce que nous demandons à l’administration publique. Et la liste est probablement encore longue.

Mais qui contrôle cette carte? Si nous vivions dans un monde de personnes de parfaite bonne foi, nous dirions : personne ne veut voir ce que nous faisons, mais l’État nous protégerait de la fraude et découvrirait immédiatement les délits (à commencer par l’évasion fiscale) que nous pourrions commettre, en en déterminant immédiatement l’ampleur, sans aucun doute ni abus. Mais malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde d’anges, et il se peut qu’une personne malveillante prenne le contrôle de nos informations. A ce stade, une ou plusieurs personnes pourraient contrôler tout ce qui nous concerne. Et aussi nous faire disparaître, au sens littéral du terme. Sans argent, sans identité, sans accès aux services médicaux, nous serions morts, dans des limbes où nous ne pourrions plus interagir avec rien ni personne.

Et si l’attaquant agissait, en toute bonne foi, pour le compte du gouvernement ? Avec les idéologies en circulation, à commencer par le fondamentalisme écologique, un futur gouvernement italien (Dieu nous préserve de penser à l’actuel gouvernement Draghi…) pourrait utiliser la carte à la manière des Chinois. Ceux qui consomment « trop » et « mal », pesant sur l’écosystème, pourraient être effacés ou leurs mouvements limités. En Chine, ceux qui sont dans le collimateur voient leurs comptes bancaires bloqués et ne peuvent plus effectuer de paiements électroniques. Il suffit de quelques mots erronés de trop sur son profil de réseau social pour déclencher le blocage. Les nouveaux parias chinois ne peuvent pas quitter leur ville, car ils ne peuvent pas acheter de billets pour les transports publics. Mais ils ne peuvent pas non plus vivre dans leur ville, car ils n’ont plus accès à aucun type de services publics ou privés. Ce sont des morts-vivants.
Mais nous sommes une démocratie et nous n’en arriverons jamais là (ou pas ?).

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