Par The Conversation
  • Écouter
  • Réagir
  • Voir sur la carte
  • Partager
De récents travaux montrent que les masques antipollution portés dans les grandes villes des pays en voie de développement n’offrent que très peu de protection contre les particules fines.

Une pollution de l’air puissante et nocive : voilà ce que ressent en général le visiteur à sa descente d’avion dans les grandes métropoles des pays en voie de développement. À Delhi, Jakarta, Accra, Katmandou et dans de nombreuses autres villes, les gaz d’échappement de diesel et les détritus en train de brûler intoxiquent l’air.

Le problème le plus préoccupant concerne les poussières fines, ces microparticules bien plus petites qu’un cheveu, et qui apparaissent généralement lorsque les composés chimiques résultant de la combustion de carburant gagnent l’atmosphère.

L’exposition à ces microparticules provoque près de 6 millions de décès prématurés chaque année. La plupart de ces morts surviennent lorsque cette exposition entraîne des crises cardiaques, des AVC ou des cancers du poumon, ce qui dissimule la responsabilité de cette pollution. Nombreux sont ainsi ceux qui la considèrent comme une question de qualité de vie et non comme un problème sanitaire global.

Comparaison entre différentes tailles de particules.
Comparaison entre différentes tailles de particules.
U.S. Environmental Protection Agency

Dans mon laboratoire , nous étudions l’impact de la pollution sur la santé. Nous avons ainsi récemment testé l’efficacité de différents types de masques faciaux – dont les versions largement utilisées dans les pays en voie de développement – face à des taux dangereusement élevés de matière particulaire.

Nos résultats indiquent qu’aucun masque ne garantit une efficacité totale et que les masques les moins coûteux – très utilisés dans les grandes villes polluées – ne protègent presque pas. Ces travaux montrent la nécessité de lutter contre la pollution de l’air et d’informer les populations les plus exposées sur les moyens de s’en protéger.

Tissu contre papier

Dans les pays émergents, des millions de gens viennent s’installer en ville où les taux de pollution de l’air sont très élevés. Selon l’OMS, 98 % des villes dans les pays à faible et moyen revenu ne parviennent pas à respecter les recommandations de l’agence onusienne en matière de qualité de l’air, contre 56 % dans les pays à haut revenu. Si l’on prend un jour où la qualité de l’air est très mauvaise à Delhi, les niveaux de matière particulaire peuvent atteindre 350 microgrammes par mètre cube d’air, contre 20 lors d’un jour considéré comme pollué à Houston.

Dans le cadre de notre étude, nous avons comparé six types de masques faciaux fabriqués à partir de tissu, de papier ou de polypropylène. Pour mesurer leur efficacité, nous les avons mis en place sur des têtes en mousse que nous avons installées dans une chambre hermétique. Nous avons ensuite aspergé la chambre de particules, puis mesuré les différences entre les niveaux dans la chambre et l’air filtré pour chacun des masques.

Nous étions tout particulièrement curieux de ces masques peu coûteux massivement utilisés dans les pays en voie de développement. Ces derniers se composent en général d’un morceau de tissu extensible porté sur la bouche et le nez que deux élastiques placés autour des oreilles retiennent. On en trouve pour moins de 1 dollar ; lavables et réutilisables, ils sont abordables pour les citadins pauvres.

À Hanoi, au Vietnam
À Hanoi, au Vietnam
Letizia Airoldi/Flickr, CC BY-NC-SA

Lors de nos tests, ces masques bon marché et largement utilisés n’ont montré qu’une efficacité moindre, en filtrant de 15 à 57 % des particules fines. Dans un jour de pollution à Delhi, cela signifie donc que jusqu’à 85 % de ces particules peuvent passer et atteindre les poumons de l’utilisateur – ce qui revient à environ 300 microgrammes de particules fines par mètre cube, soit 10 fois plus que les taux recommandés par l’OMS.

À titre de comparaison, nous avons testé les masques faciaux certifiés N95 en polypropylène, un tissu synthétique non tissé. Lors de nos essais, ils ont filtré 95 % des particules de chlorure de sodium qui mesurent 300 nanomètres de diamètre. Ces standards ont été conçus pour ceux qui travaillent dans des conditions extrêmes, dans les mines par exemple.

Les autres masques testés, comprenant des versions en tissu et en cellulose avec des fronces, eurent des performances presque aussi bonnes que les masques N95. Cependant, aucun des masques testés – y compris les N95 – n’a montré de bonnes performances en matière de filtrage du mélange d’air et de gaz d’échappement de diesel, auquel les citadins sont confrontés dans les rues bondées.

Si nous avons mis l’accent sur les particules fines, il est essentiel de souligner que la pollution de l’air implique tout un mélange de différents composants chimiques et de particules microscopiques de taille différente et qui peuvent varier dans le temps. En général, tous les masques que nous avons testés fonctionnent assez bien pour les particules les plus importantes. Les moins coûteux n’offraient qu’une protection très limitée pour les particules fines, et aucun masque n’assurait de protection totale.

De plus, les usagers de ces masques ont une physionomie qui varie, ce qui a une incidence sur la façon dont le masque est porté. Sur les lieux de travail où le réglement prévaut, nul doute que ces protections seront correctement utilisées… ce qui est souvent loin d’être le cas des citadins qui naviguent dans les rues et ne savent pas toujours comment bien mettre leur protection (ces dernières doivent être aussi ajustées que possible).

Combattre la pollution de l’air plus efficacement

Dans les villes très polluées, les particules sont souvent bien plus fines que celles de 300 nanomètres que nous avons utilisées lors de nos tests, tout particulièrement celles émises près des voitures, des camions et des feux ouverts. On le sait, plus les particules sont fines, plus le filtrage est difficile. Même les modèles N95 n’ont pas été conçus pour répondre à ce type de pollution traditionnelle. Ce qui veut dire que même si les citadins des grandes villes polluées utilisaient les N95 – ce que la majorité d’entre eux ne peut se permettre – une part importante de ces particules nocives atteindrait quand même leurs poumons.

Le smog enveloppe le Caire.
Le smog enveloppe le Caire.
Nina Hale/Flickr, CC BY

Il y a eu des innovations du côté des masques de protection, tout en conservant les standards des N95, mais il est difficile d’assurer que ces derniers pourraient fonctionner pour un chauffeur de taxi de Karachi ou un commerçant de Saigon. Pour la plupart des pays en voie de développement, ces produits sont de toutes les façons bien trop chers, c’est pourquoi les usagers vont continuer à utiliser ces masques bon marché en tissu qui ne protègent pas beaucoup.

Est-il possible de concevoir des masques abordables offrant une meilleure protection ? Certainement. Mais en attendant que cela arrive, nous ne pouvons pas continuer à avoir autant de gens exposés à la pollution. Certains masques permettent de se protéger un peu et cela est mieux que rien. Mais les gens doivent aussi faire en sorte de moins s’exposer et tenter de prendre, dans la mesure du possible, les bonnes décisions – fumer ou pas, habiter dans certains endroits, éviter les axes embouteillés – tandis que nous devons travailler à réduire la pollution à sa source.

Richard E. Peltier , Associate Professor of Environmental Health Sciences, University of Massachusetts Amherst

A lire aussi
Stock de conserves, filtre à eau, radio : comment la Suède prépare sa population à faire face à une guerre
Vidéo. « L’océan est arrivé à nos pieds » : voisins du chantier de Camélat, ils dénoncent une sous-estimation de l’évacuation des eaux

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation .