L'oraison, prière intérieure

La prière de Jésus (introduction) .1

SERAPHIN DE SAROV

Un véritable saint de l’église russe nous est proposé comme modèle. C’est un homme très humble, un moine qui a vécu en ermite dans la forêt de Russie.

Il s’appelle Séraphin… Il est né en 1759. A l’âge de 19 ans, il entre au noviciat du monastère de Sarov. A l’âge de 34 ans, il est ordonné prêtre. Pendant 10 ans de 1794 à 1804, il vit seul dans les bois, en observant la règle de St Pacôme, moine d’Egypte du 4ème siècle. Il ressemble fort à St François d’Assise. Les divers animaux sauvages de l’immense forêt russe : ours, loups, renards étaient ses seuls compagnons, et des témoins rapportent qu’il les nourrissait de sa main.

En septembre 1804, il est durement frappé par des bandits, et on le retrouve évanoui dans son ermitage. Pourtant, il ne leur avait offert aucune résistance, et il refuse de témoigner à leur procès. Cette agression le laissa, pour toute sa vie, en mauvaise santé : quittant son ermitage, il rejoint le monastère, où il vit dans une cellule, sans lit ni chauffage ; il y avait une seule lampe, en face d’une seule icône : celle de la Vierge de tendresse.
Il avait une extrême dévotion à la Mère du Christ : elle lui apparut une douzaine de fois.

Sa prière principale était la prière de Jésus : consistant à répéter des centaines de fois par jour, le Nom béni entre tous. Il lisait, chaque semaine, les 4 évangiles : le lundi St Mathieu, le mardi St Marc, le mercredi St Luc, le jeudi St Jean.

A partir de 1825, à l’âge de 66 ans, à la suite d’une apparition de la Sainte Vierge, il se met à accueillir les pèlerins, qui viennent très nombreux jusqu’à lui. Il remplit ce ministère de « Starets » : c’est à dire de vieillard, guide spirituel jusqu’à l’année de sa mort en 1833, à l’âge de 74 ans.

Il accueille ceux qui viennent à lui, en les appelant « Ma Joie ! ». Il leur enseigne que la vie chrétienne consiste, avant tout, dans l’acquisition du Saint Esprit.

Séraphin de Sarov est resté 140 ans dans l’oubli, et, c’est tout récemment, en 1973, que sa vie a été écrite. Il est une merveille de l’Esprit Saint.

Père Jean ARNAUD

Prêtre à Marseille décédé le 11 février 2000.

Document La prière de Jésus au format PDF ici

Instructions de Seraphim de Sarov(PDF 0.3 Mo)

Récits d'un pèlerin russe ici (PDF 0.9 Mo 76 p.)

Introduction à la Prière de Jésus

I) « Par la grâce de Dieu, je suis homme et chrétien, par actions grand pécheur, par état, pèlerin sans abri, de la plus basse condition, toujours errant de lieu en lieu. Pour avoir, j’ai sur le dos un sac avec du pain sec, dans ma blouse la sainte Bible et c’est tout. Le 24ème dimanche après la Trinité, j’entrai dans l’église pour y prier pendant l’office ; on lisait l’Epître aux Théssaloniciens, au passage dans lequel il est dit : « priez sans cesse ». (1 Th 5, 17).

Cette Parole pénétra profondément dans mon esprit et je me demandai comment il est possible de prier sans cesse alors que chacun doit s’occuper à de nombreux travaux pour subvenir à sa propre vie » (récits d’un pèlerin russe p. 19)

Le starets lui dit : « la prière de Jésus intérieure et constante est l’invocation continuelle et ininterrompue du Nom de Jésus par les lèvres, le coeur et l’intelligence, dans le sentiment de sa présence, en tout lieu, en tout temps, même pendant le sommeil. Elle s’exprime par ces mots :

« SEIGNEUR JESUS CHRIST, FILS DE DIEU, AIE PITIE DE MOI ! ».(Récits d’un pèlerin russe p. 29)

« Parfois il y avait comme un bouillonnement dans mon coeur et une légèreté, une liberté, une joie si grandes, que j’en étais transformé et me sentais en extase.

Parfois, je sentais un amour ardent pour Jésus-Christ et pour toute la création divine. Parfois mes larmes coulaient d’elles-mêmes par reconnaissance pour le Seigneur qui avait eu pitié de moi, pécheur endurci.

Parfois mon esprit borné s’illuminait tellement que je comprenais clairement ce que jadis je n’aurais même pas pu concevoir.

Parfois la douce chaleur de mon coeur se répandait dans tout mon être et je sentais avec émotion la présence innombrable du Seigneur.

Parfois je ressentais une joie puissante et profonde, à l’invocation du Nom de Jésus-Christ et je comprenais ce que signifie sa parole : « le Royaume de Dieu est à l’intérieur de vous ». (Lc 17, 21)

II) LE NOM Ancien testament : Ex 3, 14 - Ps 5, 12 - Ps 99, 3 Nouveau Testament : Jn 16, 23-24 - Ph 2, 9-10 - Ac 4, 12 - Mt 1, 21 - Lc 1, 31)

« L’invocation du Nom de Jésus agit comme une sorte de sacrement... Le Nom de Jésus sauve, guérit, chasse les esprits impurs, purifie le coeur et le remplit d’Amour » (Origène, père de l’Eglise, 3ème siècle) « Porter constamment dans le coeur le très doux Jésus, et par le rappel incessant de son Nom bien-aimé, être enflammé d’un ineffable amour pour Lui (Païssy Vélitchokovsky, moine orthodoxe, 18ème siècle)

« Persévère dans le murmure du Nom de Jésus, afin que ton coeur boive le Seigneur, que le Seigneur boive ton coeur, et qu’ainsi les deux ne fassent plus qu’un » (Ignace Xanthopoulos, moine du 14ème siècle)

Le nom de Jésus est lumière, mais aussi nourriture... Il est encore remède. L’un de nous est-il triste ? Que le Nom de Jésus lui vienne au coeur, et, de là, monte à mes lèvres. Et voilà qu’en se levant, la lumière de ce nom dissipe les nuages et ramène le ciel à sa limpidité. Ou bien quelqu’un est-il coupable d’une grave faute ? Et, désespéré, court -il à la mort ? Mais s’il invoque le Nom de la Vie, ne retrouvera-t’il pas le souffle de la vie ?

Devant ce Nom sauveur, qui pourrait jamais, continuer à se sentir dur de coeur morne et engourdi, l’âme pleine de rancoeur, ou amollie par le dégoût ? La source de nos larmes s’est-elle desséchée ? Qu’on invoque le Nom de Jésus. Ne jaillit-elle pas aussitôt plus abondante et plus paisible ? Ce Nom de puissance une fois invoqué, ne ramène-t-il pas immédiatement la confiance, en chassant la peur ?

Et si l’on est saisi par le feu et les assauts du doute, la certitude n’éclate-t-elle pas soudain à l’évocation de ce Nom glorieux. Pour celui qui perd confiance au sein de l’adversité, et déjà commence à perdre pieds, le courage a-t-il jamais manqué, s’il a prononcé le Nom protecteur ?...

Voilà les maladies et les faiblesses de l’âme, et voilà aussi leur remède. La preuve, nous la trouvons dans cette parole de Dieu : « Invoque moi aux jours du malheur, je te délivrerai et tu me rendras gloire » (psaume 49 v.15)

Rien de tel que cette invocation pour apaiser l’assaut de la colère, calmer l’enflure de l’orgueil, guérir la blessure de l’envie, contenir le flot de l’impureté, éteindre la flamme de la convoitise, maîtriser la soif de l’avarice, et repousser tout ce qui peut nous exciter pour notre honte.

Seraphim de Sarov

Vraiment, quand je prononce le Nom de Jésus, je mets en face de moi, un homme doux et bienveillant, humble de coeur, chaste, sobre, miséricordieux, rayonnant, mais il est aussi Lui-même Dieu tout puissant : il me guérit et refait mes forces. Voilà tout ce qui doit résonner en moi dès que le Nom de Jésus aura été prononcé… (St Bernard de Clairvaux, 12ème siècle)

Le Nom de Jésus est un miel dans la bouche, une mélodie à l’oreille, une jubilation dans le coeur (St Bernard) Le Nom de Jésus est lui-même un instrument d’ascèse, un filtre au travers duquel ne doivent passer que les pensées, les paroles, les actes compatibles avec la divine et vivante réalité de ce Nom.

La croissance du Nom dans notre âme implique une décroissance correspondante du moi séparé, la mort quotidienne à l’égoïsme dont tout péché découlé ». (Le moine d’Orient)

Ce mode de prière peut-être prononcé ou seulement pensé. Il se trouve donc à la limite entre la prière vocale et la prière mentale, et aussi entre la prière méditative et la prière contemplative. Il peut être pratiqué en tout temps, en tout lieu : église, chambre, bureau, rue ... On peut répéter le Nom en marchant...

Seraphim de Sarov Séraphin de Sarov

« Avant de prononcer le Nom de Jésus, il faut d’abord essayer de se mettre soi-même en état de paix et de recueillement, puis implorer l’aide du St Esprit par lequel seul on peut « dire que Jésus est le Seigneur » (1Co 12, 3). Tout autre préliminaire est superflu. De même que, pour nager, il faut se jeter à l’eau, ainsi faut-il tout d’un coup se jeter dans le Nom de Jésus.

Ce Nom ayant été prononcé une première fois avec une adoration aimante, il n’y a qu’à s’y attacher, à y adhérer, à le répéter lentement, doucement, tranquillement. Ce serait une erreur de vouloir « forcer » cette prière, d’enfler intérieurement la voix, de chercher l’intensité et l’émotion… Il s’agit de concentrer peu à peu tout notre être autour du Nom et de laisser celui-ci, comme une tache d’huile, pénétrer et imprégner silencieusement notre âme.

Il n’est pas nécessaire de répéter le Nom d’une manière continue. Le Nom prononcé peut se prolonger dans des minutes de repos, de silence, d’attention purement intérieure : tel un oiseau alterne le battement d’ailes et le vol plané. Toute tension, toute hâte doivent être évitées. Si la fatigue survient, il faut interrompre l’invocation et la reprendre simplement lorsqu’on s’y sentira disposé. Le but à atteindre est une répétition littérale constante mais une sorte de latence et de repos du Nom de Jésus dans notre coeur : « je dors mais mon coeur veille » (Cantique des cantiques 5, 2)

Et que l’on bannisse toute sensualité spirituelle, toute recherche d’émotion…. Ne pensons pas qu’une heure où nous aurons invoqué le Nom sans rien « sentir », en demeurant apparemment froids et secs, ait été une heure perdue et inféconde.

Cette invocation que nous pensions avoir été stérile sera au contraire très acceptable à Dieu, parce que chimiquement pure, si l’on peut dire, parce que dépouillée de toute préoccupation de délices spirituelles, et réduite à une offrande de la volonté nue. D’ailleurs, dans sa gracieuse miséricorde, le Sauveur enveloppe souvent son Nom d’une atmosphère de joie, de chaleur et de lumière :

« Ton Nom est un parfum répandu... Attire-moi » (Ct 1, 3-4) (La Prière de Jésus Par un moine de l’Eglise d’Orient pages 71 à 74)