Trop, c’en était trop. Mon Maitre m’avait sorti de ma torpeur estivale en m’enjoignant de rallier sur-le-champ la Vendée, sans qu’il ne soit question de pouvoir oser prétendre protester. Et moi, ni une ni deux, je m’étais engouffré dans mon carrosse, comme un bon petit soldat...

Et là, ce matin, j’ai appris qu’il s’était passé de mes services pour mener à bien ses basses manœuvres. Mon sang n’a fait qu’un tour et je lui ai adressé un essaimèce salé pour lui faire part de mon courroux.

Il n’a pas trainé. Dans la minute, mon téléphone a vibré.

_ Non, mais ça ne va pas, Wargave ?
_ Non, cela ne va pas du tout, Maitre.
_ Qu’est-ce qui vous arrive, Lawrence ?
_ Qu’est-ce qui m’arrive ? Tout simplement que je suis coincé dans ce coin pourri et que vous vous êtes chargé à distance d’exécuter mon travail.
_ Allons, allons, Wargrave, j’ai juste voulu vous éviter de perdre votre temps...
_ De perdre mon temps, Maitre ? Mais c’est déjà fait, figurez-vous. Vous m’envoyez aux Sables, et moi, ni une ni deux, j’y file tout droit sans passer par la case Départ, et tout cela pour rien...
_ Pas pour rien, Lawrence, pas pour rien. Vous allez en profiter pour vous détendre. Tenez, je me suis occupé de vous réserver vos places au Puy-du-F....
_ Je m’en fous, du Puy-du-Fou, Maitre ! Je m’en tape, je m’en cogne, je m’en contre-carre, mon job, ce n’est pas d’aller regarder des...
_ Votre job, arrêtez-moi, si je me trompe, Lawrence, c’est de faire ce que je vous demande.
_ Non, Maitre. Vous savez très bien pourquoi vous me payez... D’ailleurs, à ce sujet, je voudrais en profiter plutôt pour vous demand...
_ Nous en avons déjà parlé, Wargarve, vous savez pertinemment que cela m’est impossible. On me reprocherait de vous payer plus. N’oubliez pas quand même que vous vous la coulez douce depuis quelques mois.
_ Est-ce que c’est de ma faute si votre François fait l’unanimité contre lui, Monsieur ?
_ Pardon ?
_ Pardon, Maitre. Est-ce que c’est de ma faute si votre François fait l’unanimité contre lui, Maitre ?
_ Bien sûr que non, vous n’y êtes pour rien. Mais tout de même, c’est un fait, vous avez une paix royale depuis quelques temps.
_ Ce n’est as une raison pour m’envoyer chez le Mickey catho.
_ Eh bien ! soit, Lawrence, n’y allez pas, mais n’en parlons plus.
_ Il n’empêche, Maitre, que vous m’avez retiré cette mission qui me réjouissait d’avance. Pensez donc, la première fois déjà, vous aviez agi seul. Je me faisais une joie. Les mal-entendants, je sais leur parler, moi. Je vous assure qu’ils ne me la font pas à moi..
_ Une prochaine fois, qui sait ? Il est parti pour revenir ! D’ici trois ans, tout est possible.
_ Vous me promettez que cette fois, vous ne me la ferez pas à l’envers, hein ?
_ Promis, Lawrence. Promesse de Scout !
_ Merci, Maitre. Allez, je vous laisse. J’ai de la route. Je file en Bretagne. Je suis attendu.
_ Ah bon ? Quel coin ?
_ Confidentiel. Gardez-le pour vous : je suis attendu chez Hervé.
_ Saluez-le bien pour moi, alors.
_ Je n’y manquerai pas, Maitre. A plus tard.

Extrait de Notules sur un conciliabule de Lawrence Wargrave

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