Plaidoyer pour Victor Orban
Il est très difficile d’obtenir des informations correctes au sujet de l’évolution politique du pays des Magyars. Les causes en sont multiples, parmi lesquelles l’accès à la langue hongroise n’est pas la moindre.
- Publié le 13-01-2011 à 09h02
- Mis à jour le 13-01-2011 à 09h03
Il est très difficile d’obtenir des informations correctes au sujet de l’évolution politique du pays des Magyars. Les causes en sont multiples, parmi lesquelles l’accès à la langue hongroise n’est pas la moindre.
Les Européens sont donc condamnés à passer par des informateurs qui se recrutent pour la plupart du temps dans l’intelligentsia de Budapest. Ce groupe assez typé a toujours soutenu un parti, le SzDSz (l’Alliance des démocrates libres). Ce parti était une des forces du changement de régime en 1989-90, composé de jeunes, souvent des enfants de thuriféraires du régime Kadar, en révolte contre un système autoritaire. Politiquement, l’Alliance des démocrates libres a perdu son électorat à telle enseigne que, lors des élection de 2010, elle n’a plus atteint le seuil nécessaire pour entrer au Parlement. Elle n’a donc plus de députés et, lors des élections communales, elle a perdu aussi le siège du maire de Budapest, sa terre nourricière. Mais le cercle d’intellectuels qui l’a entourée et inspirée est évidemment en place, dans la vie littéraire, universitaire et, surtout, dans la presse et la télévision. Ce sont des gens qui ont le plus de contacts avec l’étranger.
Face à cela, le gouvernement de M. Orban n’a pas la tâche aisée, bien qu’il ait d’excellents communicateurs, comme le ministre des Affaires étrangères, M. Martonyi.
Passons maintenant en revue quelques problèmes clés.
La table ronde de 1989, qui a réalisé le changement de régime par la voie de la négociation, a introduit la démocratie mais a laissé les animateurs du régime socialiste en place. M.Biszku, qui fut, après l’insurrection de 1956, en tant que ministre de l’Intérieur de Kadar, l’auteur de la répression, mène une vie tranquille de retraité avec une confortable pension. Ferenc Gyurcsany, Premier ministre encore en 2009, fut le dernier président des Jeunesses communistes en 1989. Il est l’homme le plus riche de Hongrie.
En effet, une bonne partie des cadres supérieurs et moyens de l’ancien parti communiste se sont remarquablement convertis dans les affaires. Ils étaient en première ligne lors des privatisations pour devenir administrateurs, voire propriétaires 1 . Un bon exemple à citer : cette entreprise d’aluminium (il y a des mines de bauxite en Transdanubie) qui est à la base de la récente catastrophe de la "boue rouge" : elle fut, à l’origine, propriété d’Etat. Une commission examine maintenant les conditions dans lesquelles elle fut privatisée.
Lors du changement de régime, Victor Orban était un jeune leader des étudiants universitaires. Il est entré assez rapidement en politique en fondant un parti, le Fidesz , c’est-à-dire l’Alliance des jeunes démocrates. Le Fidesz a gouverné le pays entre 1998 et 2002. Il a perdu d’un cheveu les élections de 2002. Depuis cette date, huit années de coalition, réunissant les socialistes au petit parti de l’Alliance des démocrates libres (voir plus haut), s’est trouvé au gouvernement.
M. Orban, frotté aux affaires, a bien mûri. C’est un personnage charismatique, capable de réunir les gens dans un vaste mouvement, mais, comme c’est souvent le cas, peut aussi irriter d’autres. C’est la raison pour laquelle ses opposants le qualifient de "populiste", de "conservateur de droite", de "nationaliste", le comparent à Poutine, voire à Loukachenko (ce qui est franchement odieux, haineux). Il est de religion protestante (calviniste), sa femme est catholique. Ils ont cinq enfants. On peut trouver quelqu’un sympathique ou antipathique, cela n’empêche pas d’employer à son égard des moyens de lutte admissibles ou de le décrire sans recourir à des clichés.
L’une des armes utilisées contre M. Orban est de le présenter comme candidat à l’instauration d’un régime autoritaire, menaçant la démocratie. Or, pendant qu’il gouvernait entre 1998 et 2002, il a scrupuleusement respecté les prescrits constitutionnels. Il a fait de même en 2006, quand des protestations de masse répétées ont exigé la démission du gouvernement Gyurcsany. M. Orban a estimé qu’un gouvernement ne doit pas tomber devant la rue, mais en perdant les élections. Ce qui est arrivé en 2010.
M. Orban est-il populiste ? Je dirais qu’il est plutôt populaire. Il a gagné les élections en obtenant les 2/3 des mandats. Populiste est celui qui flatte les électeurs, fait des promesses, sans les réaliser. Or, le Fidesz suit la ligne de son programme et les thèmes qu’il a annoncés. Evidemment, il a aussi été favorisé par un électorat profondément déçu, qui a réduit les socialistes à 15%.
Qu’en est-il du nationalisme ? Dans les discours publics, un dignitaire français s’adresse à son public, en disant "Français, Françaises !" C’est une particularité qu’on ne trouve pas ailleurs sauf en Hongrie, où l’on s’écrie : "Magyars" (il n’y a pas de genre dans la langue). Dans l’esprit de la plupart des gens, il y a une différence entre "pays" (ou Etat) et "nation". Le pays, ce sont les 93 000 km2 de territoires définis par le traité de Trianon, imposé en 1920, à l’issue de la Première Guerre mondiale. La nation, c’est l’ensemble des Hongrois qui vivent dans ce pays et trois millions d’autres qui vivent en tant que minorités dans les pays voisins. Le gouvernement vient d’introduire la notion de la double nationalité, qui implique la possibilité de choisir la hongroise comme seconde nationalité. Cette mesure ne pose aucun problème avec la Roumanie qui pratique le même système avec les roumanophones de Moldavie. La seule difficulté vient de la Slovaquie dont la population est composée de 10% de Magyars qu’on veut assimiler.
Il faut souligner que la Hongrie n’a aucune revendication territoriale. Elle demande seulement un statut de minorité convenable, comme les germanophones en Belgique ou les Autrichiens en Italie du Nord.
Dans le domaine économique, le gouvernement de M. Orban a hérité d’une situation très grave. Son prédécesseur s’est adressé au FMI qui, comme toujours, a voulu imposer une politique sévère de restrictions dont la population particulièrement vulnérable fait les frais (pensionnés, bénéficiaires d’allocations, fonctionnaires publics). Les représentants du FMI sont arrivés à Budapest comme des experts arrogants qui savent tout et ont été fort surpris d’avoir été renvoyés à New York. La politique économique du gouvernement est de type "keynesien", qui est axé sur la relance et les assainissements. Il est très difficile d’appeler cela conservateur.