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Free quitte la Bourse: pourquoi les investisseurs n'aiment plus les télécoms

Xavier Niel croque la Freebox Delta !

Xavier Niel croque la Freebox Delta ! - ERIC PIERMONT - AFP

Après Altice (propriétaire de BFMTV), c'est au tour du groupe de Xavier Niel de quitter la cote à la Bourse de Paris. Secteur phare des années 2000, les télécoms ont perdu de leur superbe ces dernières années.

Après Altice Europe (propriétaire de BFM Business/BFMTV), Iliad/Free s'apprête à son tour à quitter la cote 17 ans après son introduction en Bourse, illustrant la difficulté pour les groupes des télécoms à être valorisés correctement, selon des experts.

"Il y a peu de croissance à attendre" côté chiffre d'affaires et "l'horizon d'une baisse des dépenses d'investissements ne cesse de reculer", résume -sous couvert d'anonymat- un analyste du secteur pour expliquer ce relatif désamour des investisseurs pour ces entreprises autrefois prisées.

Iliad, maison mère de l'opérateur Free, avait fait ses débuts en Bourse en 2004, à 16,30 euros par titre. Depuis, l'ancien trublion des télécoms, dont la renommée a bondi après le lancement en 2002 de la Freebox et son triple usage (internet, télévision, téléphonie), a connu un parcours erratique sur les marchés.

Il a ainsi d'abord connu une histoire heureuse, avec un titre grimpant de manière plus ou moins régulière jusqu'à 247,40 euros en 2014, avant de redescendre jusqu'à 74,20 euros en 2019 puis de remonter mais sans retrouver ses sommets passés.

Convaincu de la sous-valorisation de son entreprise, le milliardaire français, fondateur et actionnaire majoritaire d'Iliad, Xavier Niel, a proposé une prime de 61% pour convaincre ses actionnaires de lui céder leurs actions afin de mettre un terme à l'aventure boursière de son groupe. Son offre se termine vendredi soir.

Iliad, qui a démarré en utilisant les réseaux des autres, a payé sa mutation "en opérateur télécom classique, qui doit investir dans ses propres réseaux", souligne Jean-Michel Salvador, analyste financier au cabinet Alpha Value.

Or, la Bourse n'aime pas que des dépenses d'investissements trop importantes viennent ponctionner le revenu disponible pour la distribution de dividendes.

"Je pense que c'est quelque chose que Xavier Niel a eu du mal à comprendre et à accepter" et qu'il en a donc tiré des conclusions, estime Jean-Michel Salvador.

"Epée de Damoclès"

Le mouvement lancé par le patron d'Iliad n'est pas inédit: le fondateur d'Altice (SFR), Patrick Drahi, a suivi le même chemin, finançant longtemps son expansion avec la Bourse avant de retirer Altice Europe de la cote, en janvier 2021.

Les groupes télécoms sont aujourd'hui sous-évalués par le marché, en particulier en Europe, avec des niveaux tournant souvent autour de cinq fois leur excédent brut d'exploitation (Ebidta), un ratio plus faible que beaucoup d'autres secteurs. Et les investissements à venir restent colossaux. Côté mobile, les opérateurs déploient actuellement la 5G sans en avoir fini avec la 4G.

Sur le réseau fixe, ils sont soumis à la pression des pouvoirs publics pour que la fibre soit davantage accessible au plus grand nombre. En parallèle, le secteur se livre à une rude concurrence sur les prix pour attirer de nouveaux abonnés, ce qui limite les recettes.

Free n'a d'ailleurs pas été le dernier à afficher une politique tarifaire agressive, au bénéfice du consommateur, mais pas de l'actionnaire - du moins de celui attaché au rendement à court terme. Récemment Iliad s'est lancé en Italie, où son irruption "a fait sensiblement baisser" les factures, rappelle Jean-Michel Salvador.

Au-delà des télécoms, le retrait de la Bourse d'entreprises n'est pas rare, surtout pour celles restées dans le giron de leur fondateur, fait valoir Antoine Labbé, ancien banquier aujourd'hui spécialiste des fonds d'investissements. Selon lui, ces entrepreneurs reprochent aussi à la Bourse d'être "extrêmement contraignante au niveau des procédures, de la communication financière..."

Les entreprises cotées "sont scrutées par des analystes financiers qui raisonnent sur des chiffres trimestriels, des taux de marge, des réalisations ou non de prévisions... Il y a en permanence une épée de Damoclès" menaçant la valeur de leurs actions, ajoute-t-il.

D'autant qu'il existe aussi une vie pour le financement d'entreprises en dehors de la Bourse.

"La dette est aujourd'hui gratuite", relève Antoine Labbé, permettant à ces groupes de se financer tout de même en profitant des taux bas.
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi avec AFP Journaliste BFM Éco