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Retards de pointage: l’ex-djihadiste Kamel Daoudi relaxé

Croquis d’audience représentant Kamel Daoudi et réalisé le 4 janvier 2005 au tribunal correctionnel de Paris. LAURENCE DE VELLOU/AFP

Assigné à résidence de France depuis 11 ans, l’Algérien Kamel Daoudi était poursuivi pour deux retards de pointage. Le tribunal a estimé manquer d’éléments factuels pour se prononcer.

Kamel Daoudi a été relaxé ce jeudi par le tribunal correctionnel de Saintes, en Charente-Maritime. Plus vieil assigné à résidence de France depuis maintenant 11 ans, cet Algérien était poursuivi pour deux infractions commises l’été dernier à Saint-Jean-d’Angély: un retard de 50 minutes lors de l’un de ses trois pointages quotidiens en gendarmerie, et un second de 31 minutes lié au couvre-feu que ce quadragénaire et père de quatre enfants doit respecter chaque soir à partir de 21 heures.

Cette décision sonne comme un camouflet pour le ministère de l’Intérieur. «En l’absence de tout élément factuel» transmis par l’administration, le tribunal s’est dit «incapable de statuer sur la légalité de l’arrêté ministériel» sur lequel repose l’assignation à résidence, a indiqué sa présidente Laurence Lopez. L’Intérieur refuse de communiquer ses «notes blanches», ces fiches de renseignement ni datées ou signées qui ont été produites par les forces de l’ordre à l’encontre de Kamel Daoudi. Lui-même a salué ce jeudi «une décision courageuse». «Les juges ont remis les pendules à l’heure et appliqué le droit, précise son avocat, Me Emmanuel Daoud. Mal traité par l’administration, Kamel Daoudi a cette fois été considéré comme n’importe quel autre justiciable.»

Arrêté en septembre 2001 après un voyage de quatre mois en Afghanistan, Kamel Daoudi entretenait des liens avec Djamel Beghal. Figure du djihadisme international et l’un des «lieutenants de Ben Laden», Djamel Beghal a lui-même été expulsé vers l’Algérie en juillet 2018. Soupçonné d’avoir préparé à Paris un attentat contre l’ambassade des États-Unis, Kamel Daoudi a, lui, été condamné en 2005 et en appel à six ans de prison ferme pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» et à une interdiction définitive du territoire. Bien que déchu de sa nationalité française, Kamel Daoudi n’a depuis jamais été expulsé vers l’Algérie, un pays qu’il a quitté à l’âge de 5 ans. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) l’a formellement interdit en 2008 au regard des risques de torture. Dans un arrêt rendu le 29 avril dernier à l’encontre d’Ali Meguimi, un autre Algérien frappé d’une interdiction définitive de territoire, la CEDH semble pourtant avoir infléchi sa position. Cette même cour a en effet autorisé l’expulsion vers l’Algérie de cet homme condamné en 2015 par le tribunal correctionnel de Paris à six ans de prison pour «participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte terroriste».

La CEDH a estimé que la situation avait changé, et que le requérant ne risquait plus nécessairement la torture. «C’est une décision inattendue, spectaculaire. L’obstacle de principe à toute expulsion vers l’Algérie est tombée», confirme Nicolas Hervieu, enseignant à Sciences Po et fin connaisseur de la CEDH. «Délocalisé» le 15 février à Aurillac, dans le Cantal, Kamel Daoudi doit de son côté fournir chaque mois «les preuves d’une recherche active d’un pays d’accueil». L’ex-informaticien qui songe à se lancer «dans l’édition» assure avoir formulé une trentaine de demandes, notamment auprès de la Corée du Nord et de Cuba, «pour la blague». Auparavant assigné à résidence dans la Creuse, la Haute-Marne, le Tarn puis la Charente-Maritime, Kamel Daoudi estime avoir pointé plus de 15000 fois cette dernière décennie. À Aurillac, le quadragénaire pointe désormais matin et soir et bénéficie d’une pension complète dans un hôtel en bordure d’agglomération. «Des concessions illusoires, je ne peux me contenter de ces morceaux de liberté. Pour ma famille et moi, ça n’est plus possible», affirme Kamel Daoudi qui accuse l’État de l’avoir assigné à résidence «à perpétuité».

Retards de pointage: l’ex-djihadiste Kamel Daoudi relaxé

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122 commentaires
  • Justice et vėritė .

    le

    Cette communauté nous amènera le chaos ....

  • vert10

    le

    Le gouvernement de Pedro Sanchez prépare un projet de loi pour interdire les retours forcés de migrants arrivés en Espagne, plus particulièrement aux deux enclaves de Ceuta et Melilla, indique ce vendredi Ok Diario. Le projet de loi porterait sur ce qu’on appelle aussi «les retours à chaud» des migrants expulsés depuis les deux enclaves vers le Maroc. Une réglementation qui jouit d’un accord entre les deux pays, mais ne va pas de pair avec les directives de la Cour européenne des droits de l’homme, poursuit la même source. En effet, ces actions sont explicitement condamnées dans le protocole 4 de la Convention européenne des droits de l’Homme. L’article 4 dudit protocole note que «les expulsions collectives d’étrangers sont interdites». Bien que les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme ne soit pas intégrées au système jurisprudentiel de l’Espagne, l’actuel chef de gouvernement qui a remporté les dernières élections voudrait adapter le droit national à cet effet, poursuit Ok Diario.

  • elrousa2

    le

    Démonstration, s'il en est ,de l'inadaptation de notre arsenal juridique aux menaces potentielles propres à ce genre d'individu. Les djihadistes surfent sur ce déni des réalités propres à ceux qui sont sensés assurer la sécurité de leurs concitoyens. Il est clair que cela ne peut plus durer ainsi….

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