Famille menacée d’expulsion par le Vatican : un juge donne raison aux locataires

Pascale, sa sœur et son frère handicapés pourront rester jusqu’au 1er mai 2020 dans l’appartement parisien appartenant à l’Etat pontifical, contre une somme de 500 euros par mois.

 Depuis 1962, Pascale N. occupe un appartement de 160 m² situé au 41, avenue Bosquet à Paris (VIIe).
Depuis 1962, Pascale N. occupe un appartement de 160 m² situé au 41, avenue Bosquet à Paris (VIIe). LP/Philippe Labrosse

    Elle est « soulagée ». Pascale N., cette femme de 59 ans qui vit avec sa sœur et son frère handicapés à Paris dans un logement appartenant au Vatican, ne risque plus de se retrouver du jour au lendemain à la rue. Selon nos informations, un juge a ordonné, lundi, la suspension des mesures d'expulsion visant cette famille qui vit au 41, avenue Bosquet à Paris (VIIe). Un délai valable jusqu'au 1er mai 2020 et assorti d'une condition : le paiement ponctuel d'une somme minimale de 500 € par mois à la Sopridex, la société qui gère le patrimoine immobilier du Vatican à Paris.

    « Voilà enfin une décision ayant du sens dans ce dossier ubuesque. Elle évitera à notre cliente et sa famille une mise à la rue dans l'attente d'un relogement qui reste son seul objectif », se félicitent Mes Baptiste de Monval et David Curiel, avocats de Pascale N. Cette histoire, révélée par le Parisien fin juillet, avait fini par prendre une tournure kafkaïenne.

    Rembobinage. Après leur départ forcé de Tunisie en 1961, les parents de Pascale N. s'étaient installés dans un 160 m² au premier étage d'un immeuble de l'avenue Bosquet. « Nous avons été les premiers locataires, forcément cet appartement a une valeur sentimentale très forte », nous confiait en juillet Pascale N.

    Une dette locative estimée à 110 000 euros

    Des décennies plus tard, elle a dû faire face à une « série d'accidents de la vie », obligée de s'occuper de sa mère souffrante (NDLR : aujourd'hui décédée) et de sa sœur et son frère, adultes handicapés. Au point de devoir abandonner son travail de directrice commerciale.

    Conséquence financière de cette situation : ces locataires du Vatican n'ont plus été capables de payer leurs loyers à partir de septembre 2015. Il s'élève à 3 728 euros charges comprises. Or, Pascale N. perçoit au total 1 198 par mois. Leur dette locative envers la Sopridex a grossi pour culminer à plus de 110 000 euros. En 2016, la justice a donné raison à la Sopridex en ordonnant l'expulsion des locataires, qui ont ensuite obtenu un premier délai avant de saisir le juge d'exécution le 29 juillet pour en réclamer un autre et échapper à une expulsion imminente.

    « Le Vatican a contesté les mesures imposées à notre cliente par la commission de surendettement ( NDLR : la vente d'un bien immobilier pouvant diminuer les dettes de la famille ), ce qui a pour conséquence de bloquer son relogement », argumentait alors Me de Monval. La Sopridex, elle, s'est opposée à cette nouvelle demande de délai. Le 2 août, le juge de l'exécution a rendu une décision pour le moins inattendue. D'un côté, il a accordé un délai à la famille, de l'autre, il l'a soumis au paiement intégral des charges et loyers. En résumé : des conditions intenables.

    Immense soulagement

    Pascale N. avait ouvert un autre front en saisissant en avril 2018 la Commission d'examen des situations de surendettement des particuliers de Paris. Le juge qui a examiné le litige constate, dans sa décision rendue lundi, que Pascale N. est dans l'incapacité de s'acquitter des loyers et charges et ne peut donc bénéficier du délai accordé sous conditions le 2 août.

    Surtout, le magistrat relève que « Pascale N. a engagé de multiples démarches pour se voir attribuer un logement social » et qu'elle a même été « déclarée prioritaire ». De même, il souligne que la quinquagénaire a déposé un dossier de surendettement dès avril 2018 et que la Sopridex s'est opposée à une mesure décidée par la Commission de surendettement (la vente d'un bien immobilier d'une valeur de 76 000 euros). Au regard de tous ces différents éléments, le juge a rendu une décision accueillie par la famille N. avec un immense soulagement.