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AS SIHR (7) Sidi Chamharouch Le saint du Toubkal : Le Sultan des Djinns. Que de croyances et de mythes entourent le sanctuaire de Sidi Chamharouch (région de Marrakech – Safi). Certains y font une …Plus
AS SIHR (7) Sidi Chamharouch Le saint du Toubkal : Le Sultan des Djinns.

Que de croyances et de mythes entourent le sanctuaire de Sidi Chamharouch (région de Marrakech – Safi). Certains y font une halte avant d’atteindre le sommet de Jbel Toubkal, d’autres passent quelques jours pour s’y purifier dans l’antre du roi des Djins.
Le mythe du roi des Djinns Chamharouch

L
e silence de la nature enveloppe les montagnes hautaines de l’Atlas. Son inertie n’est percée que par le chant des oiseaux et l’écho lointain des roues fusionnant dans la spiritualité des lieux. Sur le fond de cette symphonie aux notes superposées, se dressent des montagnes au calme souverain et à la profondeur mystérieuse, grouillant de milliers d’interrogations. Nous vous convions à voyager avec nous dans cet univers.
A bord d’un tapis volant entre réalité, science et imaginaire, nous partirons découvrir un monde étrange et merveilleux : celui du roi des Djinns Chamharouch, comme l’appellent ses disciples et les adeptes de ces phénomènes.
Partis de la ville de Marrakech, nous roulons en voiture sur un long trajet de plus de cinquante kilomètres. Nous ne voyons que les montagnes enchaînées tout au long de cette route chaotique qui entame une bonne part de nos forces et de notre enthousiasme. Nous atteignons la région d’Imlil, un petit village situé au cœur du célèbre Mont Toubkal et nous abandonnons la voiture pour poursuivre à dos de mules, coupant ainsi les ponts avec la modernité. Dans ce voyage dans le temps, même nos téléphones portables deviennent hors réseau. Le long des chemins sinueux que nous parcourons, nous rencontrons de multiples cohortes de fidèles mais au bout d’une heure de marche sur la pente qui mène au mausolée de Chamharouch, la visibilité devient quasiment nulle.
Deux heures plus tard, nous commençons à distinguer des chaumières agglomérées autour d’un grand dôme laiteux couronné de drapeaux blancs et verts et flanqué d’un minaret quelque peu court. C’est cet endroit que l’on nomme « la cour de Sidi Chamharouch ». Nous nous approchons du but et nous apercevons des hordes de corbeaux qui nous survolent de temps à autre. Ces mêmes rapaces sont, selon la croyance des habitants, l’incarnation même des âmes maléfiques. Une sorte de frisson nous parcourt le corps, pendant que nous entendons à peine couler l’eau d’une petite rivière.
Nous sommes accueillis par Hadj Ahmed, un des habitants, qui se met à nous raconter dans une langue amazigh entrecoupée de mots arabes au sens approximatif des anecdotes concordant toutes avec la sainteté des lieux, avec leur spiritualité, ainsi qu’avec les pouvoirs surnaturels du roi des Djinns. « Ce mausolée nous donne la bénédiction. Ici se fait la justice suprême des Djinns… Sidi Chamharouch est un esprit vivant et non pas mort », conclut-il.
Pendant que nous avançons, les corbeaux lancent des cris perçants, étranges et terrifiants. Hadhj Ahmed se tourne alors vers nous en disant : « Ces corbeaux sont envoûtés et ils sont là pour protéger le mausolée. N’ayez crainte ; ils sont inoffensifs ».
Soudain, nous aperçevons une pancarte avec l’inscription « Musulmans seulement ! ». Hadj Ahmed nous explique : « Comme je viens de vous le dire, cet endroit est extrêmement sacré et bien que la curiosité attire ici de nombreux étrangers non musulmans, dont certains nous proposent même un argent fou pour que nous leur permettions d’y pénétrer, nous refusons catégoriquement. Car cet endroit est visité par sept rois des Djinns qui ont la foi et qui croient en Dieu. Chaque jour de la semaine est réservé à chacun d’entre eux ; c’est pourquoi nous ne pouvons transgresser les lois en faisant entrer dans cet endroit des personnes impures ».
N
ous pensions que le sanctuaire de Chamharouch dont la réputation dépasse les frontières du continent était un palais ou un haut monument mais nous avons été surpris de voir qu’il ne s’agit que d’un rocher aux parois fissurées dont le caractère religieux provient seulement des prières et des versets coraniques transcrits à même la pierre. Sous ce rocher se trouve un tombeau recouvert d’un linge vert et entouré de longs cierges blancs.
Près du sanctuaire de Chamharouch, le roi des Djinns, nous apercevons un autel que recouvrent des traces de sang dont certaines sont encore fraiches. C’est là que sont sacrifiées les offrandes faites à l’honneur du Maître des lieux. Le but de ces offrandes est de faire sortir un Djinn du corps humain qu’il occupe, suite à quoi le procès dudit Djinn se tient au cœur du mausolée flanqué de petites grottes noircies par la fumée des cierges qu’on allume à l’honneur du Marabout selon le rituel de la visite, tel que le veut la tradition populaire marocaine.
Une femme entre dans le sanctuaire avec un empressement excessif. Soudain, elle s’écroule et c’est là qu’elle se met à émettre des voix intérieures étranges. Commentant la scène, Hadj Ahmed dit : « Regardez ! C’est là la grandeur de Sidi Chamharouch ! Cette femme est habitée par un Djinn africain qui refuse de la quitter et c’est pourquoi son mari et ses enfants l’ont quittée… Voici qu’elle vient aujourd’hui lui faire un procès au mausolée de Sidi Chamharouch qui n’aura aucune pitié pour lui car il se place toujours du côté de la droiture ».
Nous ne pouvons supporter davantage le spectacle et nous quittons les lieux aussitôt, sans pouvoir assister au procès qui, selon les habitués de ces visites, s’accompagne souvent de plusieurs rites et de phénomènes exceptionnels parmi lesquels il peut y avoir l’éclair et le tonnerre, même avec une température ambiante qui dépasse les quarante degrés.
Ittou est une femme de soixante-sept ans qui nous confie : « Je viens du sud de l’Algérie. J’ai enduré les désagréments du voyage dans le seul but de connaître le roi des Djinns et d’implorer ses pouvoirs afin qu’il me délivre du Djinn qui m’habite depuis sept ans à tel point que cela devient physiquement insupportable pour moi à cet âge ».
Nous avons peut-être atteint le vingt et unième siècle, avec tout ce que cela signifie en termes de progrès intellectuel, culturel et technologique. Il n’en demeure pas moins que nous traînons toujours des croyances totalement infondées et extrêmement ignorantes. Dans un pays tellement miné par l’analphabétisme que cela devient l’un de ses plus grands maux, ces croyances sont autant de poids qui ramènent vers le fond toute tentative d’émerger.
Ali Chaâbani, docteur en sociologie nous explique le phénomène : « La question est aujourd’hui liée à la culture des peuples arabes et maghrébins fondée sur des croyances religieuses. Ainsi de la reconnaissance de l’existence des Djinns en Islam, on aboutit à une croyance puis à une culture sociale. L’existence des Djinns ne saurait influer sur celle des hommes. De même, la visite de Chamharouch, la croyance en ses jugements et procès sont en réalité l’héritage de cultures autrefois répandues et liées en réalité à des illusions et à des mythes dénués de toute vérité. L’unique vérité est l’action produite par la raison humaine, un fait rationnel qui soit en phase avec la logique et la réalité. Il est navrant d’ailleurs que des charlatans et des imposteurs continuent à détourner ainsi l’esprit des gens pour leur voler leur argent et que ces traditions se transforment en dogmes dont la certitude n’admet pas d’être mise en doute ».

Dans la tradition de la Magie Arabe, chaque sort ne fonctionne qu'avec l'aide des êtres spirituels et chaque mages cherche à établir le contact et la coopération avec l'un d'eux. Les mages sont appelés des Talebs. Dans la Magie Arabe, la plus grande portée qu'un taleb peut avoir est de réussir à capturer avec ses rituels magiques l'un des serviteurs de la magie appelé Hudam ou Khodam ou encore Khâdim. Les sorciers qui sont plus qualifiés et qui sont plus courageux essaient de mettre en place un contrat avec un Djinn qui n'est autre qu'un génie. Par ce contrat une grande porte sera ouverte à une armée de Djinns au service du magicien à tout moment. Selon certaines sources, un Djinn aurait à son service une armée de 800 à 120 milliards de démons. Il est alors facile de comprendre ce qu'un tel contrat signifie pour un sorcier. Mais bien entendu, ceci a un prix.

Pour passer un tel contrat avec un Djinn, le sorcier doit satisfaire l'appétit sexuel de son maitre en lui offrant sa mère, sa sœur ou sa femme. Elle devra avoir des relations sexuelles avec le Djinn pendant son sommeil. Lorsque le Djinn a satisfait ses pulsions sexuelles, il donne alors au mage des pouvoirs surnaturels pour qu'il puisse effectuer toute la magie qu'il souhaite. Ces pouvoirs comprennent la télépathie, la faculté de voyager dans le monde entier en une seconde, l'invisibilité, la détection des trésors cachés, etc.

Pour qu'un mage communique avec un Djinn, il n'a pas besoin de se prostituer ou de passer un contrat. Il lui suffit de suivre les directives des rituels des anciennes cérémonies. Dans le rituel de Daire (exorcisme) deux noms de Djinns sont couramment mentionnés, Tarsh et Tariush. L'invocation est la suivante :

Tarsh! Tariush! Descendez !
Répondez ! Où est l'armée du Sultan ?
Où est Al-Ahmar, le Sultan, et son armée ?
Répondez aux serviteurs de ces noms !


Dans ce rituel spiritualiste un enfant est utilisé comme un médiateur. Les magiciens peuvent contacter le Djinn par l'enfant et lui poser des questions.
La liste des noms des Djinns des divers groupes ethniques et des différentes tribus est très longue et il est pratiquement impossible de la tenir à jour. Mais, à la suite des descriptions et des directives de plusieurs rituels arabes, il est possible de déterminer la nature de la plupart des Djinns. Tashyush, Latyush, Dalayush, Tvakapush, Arkapush sont des exemples de bons génies par opposition à Raahush, Vahyush, Ghayush, Ghafush et d'autres qui sont de mauvais génies. Il existe également des Djinns qui ont une nature changeante, ni bonne, ni mauvaise. Par conséquent, leur comportement dépend de leur état d'esprit du moment et du but de leur invocation. …