Arthur De la Baure

La hauteur de vue proprement Catholique dans les maux de notre époque.

"Nous devons voir la main de Dieu et nous conformer à la volonté de Dieu dans les calamités publiques, telles que la guerre, la peste, la famine, et tous les fléaux de la vengeance divine. Il en faut faire autant, quand le malheur vient fondre sur nous personnellement et sur les nôtres. Le grand secret pour y parvenir, c'est d'envisager toutes choses avec les yeux de la foi, d'adorer les jugements du Très-Haut avec un cœur contrit et humilié, et quels que soient les fléaux qui nous frappent, de bien nous persuader que la Providence, infiniment sage et paternelle, ne se résignerait pas à les envoyer ni à les permettre, s’ils n'étaient entre ses mains les instruments du renouvellement et du salut pour les peuples ou pour les âmes. « C'est ainsi qu' elle conduit au ciel, par le chemin de la souffrance, une foule de gens qui se seraient perdus en suivant une autre route. Combien de pécheurs qui, rappelés à Dieu par la voie sévère de l'affliction, renoncent à leurs anciennes iniquités, et meurent dans les sentiments d'un véritable repentir ! Combien de chrétiens qui occuperont un jour une place glorieuse dans le ciel, et qui, sans cette salutaire épreuve, eussent éternellement gémi dans les flammes de l'enfer ! Ce que nous appelons fléau et châtiment est souvent une grâce insigne, une preuve éclatante de miséricorde » . Accoutumons-nous à n'envisager toutes choses que par ces grandes vues de la foi, et rien de ce qui se passe en' ce monde ne nous scandalisera, rien h' altérera la paix de notre âme et sa confiante soumission à la Providence. Mais entrons dans quelques détails, en commençant par les malheurs publics.

Il est facile de voir la main de la Providence dans la peste, la famine, les inondations, la tempête et les autres calamités de ce genre, parce que les éléments insensibles obéissent à son autorité sans jamais lui résister. Mais comment la voir dans la persécution avec sa méchanceté satanique, ou dans la guerre avec ses fureurs ? Elle y est cependant, comme nous l'avons déjà dit. Au-dessus des hommes bons ou mauvais, et jusque derrière les suppôts de l'enfer, il y a l'arbitre suprême, la cause première qui les mène, à leur insu peut-être, et sans laquelle rien ne peut se faire. La politique des princes, les ordres des chefs, l'obéissance des soldats, les projets ténébreux des persécuteurs, leur mise à exécution par les subalternes, les ruines et la souffrance qui résulteront de là, tout a été prévu jusqu'au moindre détail; tout a été combiné et décrété dans les conseils de la Providence. Il se forme une étrange collaboration de la malice de l'homme et de la sainteté de Dieu. L'infiniment Saint ne peut cesser de haïr le mal; il le tolère pourtant, afin de ne pas reprendre aux hommes le libre usage de leur liberté. Mais sa Justice imprescriptible demandera compte à chacun en son temps: aux nations et aux familles dès ici-bas, car elles n'ont pas comme telles l'éternité aux individus, dans ce monde ou en l'autre. En attendant, Dieu veut utiliser, pour parvenir à ses fins, la malice des hommes et leurs fautes, comme leurs bonnes dispositions et leurs saintes œuvres; de sorte que même le désordre de l'homme rentre dans l'ordre de la Providence.

Du côté des hommes, il peut y avoir beaucoup à reprendre, Dieu les jugera. Du côté de la Providence, « tout est juste, tout est sage, tout est bon, tout est droit, tout vise à un but louable, tout aboutit à un résultat final, absolument et infiniment aimable. Néron est un monstre, mais il fait des martyrs. Dioclétien pousse jusqu'à leurs dernières limites les fureurs de la persécution, mais il prépare la réaction et l'avènement de Constantin. Arius est un démon incarné qui voudrait ravir à Jésus-Christ sa divinité, mais il provoque les définitions de l'église sur cette divinité même. Les Barbares, se jetant sur le vieux monde, l'inondent de sang, mais. ils préparent à l'évangile une race capable d'être chrétienne. Les Croisades semblent échouer parce qu'elles ne sauvent pas Jérusalem, mais elles sauvent l'Europe. La Révolution française bouleverse tout, mais à son occasion la vigueur et la vie renaissent dans la Société chrétienne forcée à la résistance » ." ( le Saint Abandon)
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