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«Il a joué avec son corps et a fait mal à des femmes»: les noirs secrets de Jean Vanier, le fondateur de l’Arche

(Cécile Chambraud et Marie-Béatrice Baudet) Le philosophe catholique, fondateur de la célèbre organisation d’aide aux handicapés, a été vénéré jusqu’à sa mort, en mai 2019. Mais de récentes enquêtes et témoignages sur des abus sexuels commis sur des femmes adultes non handicapées obscurcissent son parcours. Gravée sur la pierre tombale en granit, l’épitaphe tient sur une ligne: «Jean Vanier 1928-2019». Inutile d’en inscrire davantage puisque la dépouille du philosophe chrétien a été inhumée, avec une précision de géomètre, au milieu de l’imposant caveau dédié à la communauté de l’Arche basée à Trosly-Breuil, petit bourg de l’Oise en lisière de la forêt de Compiègne.

A la gauche et à la droite du défunt reposent des handicapés mentaux qui résidaient à l’association, ainsi que d’anciens salariés désireux d’être enterrés dans le village.
Jean Vanier placé au cœur de l’Arche pour l’éternité, la symbolique n’échappera à aucun visiteur du cimetière communal. Et c’est bien là le problème, désormais.

Dix mois après la mort du vénéré fondateur de l’œuvre, qui accueille des milliers de déficients intellectuels dans 154 communautés réparties dans trente-sept pays, une enquête dévoilée le 22 février a établi que cet homme, décédé à l’âge de 90 ans en mai 2019, fils du gouverneur général du Canada et docteur en théologie de l’Institut catholique de Paris, avait abusé sexuellement, entre 1970 et 2005, d’au moins six femmes adultes, non handicapées, parfois dans le cadre d’un accompagnement spirituel.

Le foyer de Trosly-Breuil est le premier de la communauté à avoir été créé, en 1964, par l’ancien officier de marine Jean Vanier, lequel y séjourna jusqu’à sa mort. Dans la salle de réunion, où nous retrouvons plusieurs résidents, les mines sont graves, les poings serrés.
Robert, 70 ans, brise le silence en premier : « Jean, c’était un gars bien mais il a fait des bêtises, il a joué avec son corps et a fait mal à des femmes », lâche avec des mots d’enfant ce retraité frappé jeune par le handicap. Assise en face de son copain Robert, Cassandra, 28 ans, vit au sein de la communauté depuis 2011. La jeune femme s’avoue bouleversée par ce qu’elle a appris sur le fondateur. « Pourquoi il nous a menti, Jean ? Il avait un côté gentil et un côté méchant, alors ? Mais il était qui pour de vrai ? »

Oui, c’est plus que jamais la question : qui était véritablement Jean Vanier ? Un gourou au corps de géant mais à l’âme enfantine, toujours prêt à se grimer en clown et à chanter La Danse des canards ? Un miséricordieux, parmi les premiers à tendre la main aux plus fragiles enfermés dans les asiles ? Un grand parmi les grands, récompensé en 2015 du prix Templeton, décerné avant lui à mère Teresa ? Ou un être tourmenté et manipulateur ?

« C’est le cas de trop »

La foudre a commencé à s’abattre sur les dirigeants actuels de l’Arche en mars 2019, deux mois avant la mort de cet homme resté célibataire. A l’époque, ils reçoivent le témoignage d’une femme affirmant avoir subi des relations sexuelles sous son emprise.
« C’est le cas de trop », s’inquiète aussitôt Stephan Posner, le responsable de l’Arche internationale. Le récit de cette femme en recoupe en effet un autre, daté de 2016 et portant sur les années 1970. Interrogé, Jean Vanier avait alors reconnu une liaison avec une femme mais l’avait qualifiée de « réciproque ».

Le témoignage de mars 2019 incite la direction à enquêter, même si elle sait que ces accusations sont susceptibles de mettre en péril tout ce qui a été bâti depuis cinquante-cinq ans, tant l’œuvre, au travail salué dans le monde entier, est associée à la personnalité de son inspirateur. Pour assurer la survie de l’organisation, la vérité doit être établie en toute transparence. Les responsables de l’association confient l’enquête à un cabinet britannique, GCPS Consulting, spécialisé dans la prévention des abus sexuels, et à un jeune historien, Antoine Mourges.

A la mort de Jean Vanier, en mai 2019, l’enquête est donc en cours, en toute discrétion. Vu le contexte, le projet de funérailles solennel est abandonné au profit du cadre, bien plus modeste, de la salle Hosanna de Trosly-Breuil. Près du cercueil, se pressent la famille, de nombreux handicapés et leurs accompagnateurs. Trois évêques officient. L’un d’eux lit un message du pape François. Quant à Stephan Posner, il choisit avec prudence les termes de son éloge funèbre : « Jean » était « un parmi les autres ». « Nous sommes les suivants. C’est à notre tour de définir des voies nouvelles. »

Le pape François est informé en premier des résultats des investigations, puis c’est au tour des responsables de l’Eglise catholique de France et du prieur provincial des Dominicains, Nicolas Tixier. Il faut dire que l’affaire associe étroitement Jean Vanier aux dérives mystico-sexuelles d’un prêtre dominicain, le père Thomas Philippe (1905-1993), présent dès la création de l’Arche, dont il fut pendant longtemps l’aumônier.

Un bricolage théologico-sexuel

Les abus de l’abbé ont été connus de la direction de l’Arche en 2014, grâce aux témoignages de plusieurs femmes. Un an plus tard, une enquête canonique conclut qu’il a « eu des agissements sexuels sur des femmes majeures, par lesquels il disait rechercher et communiquer une expérience mystique ». Le père Thomas « agissait dans le cadre d’une emprise psychologique et spirituelle sur ces femmes, auxquelles il demandait le silence ». Interrogé à l’époque sur ce qu’il savait de ces « agissements », Jean Vanier avait éludé. « Il n’a jamais mis les cartes sur table, déplore Stephan Posner. Oui, je peux dire qu’il nous a menti. »

En réalité, les deux hommes ont abusé de femmes de leur entourage dans des conditions d’emprise psychologique similaires, soutenues par un échafaudage mystique déviant destiné à justifier la soumission sexuelle. Ce bricolage théologico-sexuel, résume Stephan Posner, « paraît délirant mais pour certains, il a fait norme ». D’une femme à l’autre, les stratégies d’emprise étaient les mêmes. Ainsi, l’une des victimes du fondateur de l’Arche est allée voir un jour le père Thomas pour lui demander « son avis » sur son « secret avec Jean Vanier » : « Avant que je puisse commencer à parler de Jean, ça a commencé avec lui, la même chose. Il n’était pas tendre comme Jean Vanier. Plus brutal, pas de pénétration, les mêmes mots pour dire que j’étais spéciale et que tout cela parlait de Jésus et Marie. »

Jean et Thomas ont non seulement partagé des proies mais ils pourraient aussi avoir entretenu une relation homosexuelle. « Cette question est posée. Elle est légitime et fera partie du champ de la recherche », confirme Stephan Posner.

En 2003, le père George, un Américain, avait confié un témoignage troublant à Jean de La Selle, ancien gestionnaire des communautés de l’Oise. L’ecclésiastique situait ses souvenirs au début des années 1980, à Trosly.« Le père Thomas a eu un geste de séduction envers moi, en l’unique occasion où je me suis trouvé seul avec lui (…). Nous avons prié, assis très près l’un de l’autre. C’est alors qu’il m’a “invité”, tout en guidant ma main et mon bras, à le toucher de manière inappropriée. Je me suis interrogé sur ce geste de guider ma main vers ses parties génitales, mais j’ai chassé ces pensées comme provenant de mon imagination, car il me semblait absolument impossible qu’il ait fait “cela” avec moi. »

Rencontre à l’Eau vive

Pour comprendre la mécanique des abus, peut-être faut-il commencer par revenir aux origines des relations entre Jean Vanier et le père Thomas, en 1950.

Cette année-là, les deux hommes se rencontrent à l’Eau vive, un cercle de spiritualité alors très en vue, fondé après-guerre par Thomas Philippe, à Soisy-sur-Seine (Essonne), près du Saulchoir, le centre d’études des dominicains, au sud de Paris. Le jeune Canadien a été orienté par ses parents vers le père Thomas, dont ils sont proches. Ce dernier est un acteur majeur des controverses intellectuelles qui agitent la province de France des dominicains. Il est au mieux avec certains cercles du catholicisme français, notamment ce qu’il est convenu d’appeler le « milieu Maritain », du nom du philosophe Jacques Maritain. Le père Thomas dispose aussi de solides appuis à Rome.

Entre le jeune homme de 22 ans et le prêtre de 45 ans se noue une relation intense. Au point que le premier s’identifie vite comme le « fils spirituel » du second, un « titre » qu’il revendiquera toute sa vie.

De son côté, le père Thomas s’appuie sur un réseau familial fort. Il est l’un des douze enfants de la famille Philippe, riches et pieux bourgeois du Nord. Sept de ses frères et sœurs sont dans les ordres. Des vocations qui doivent semble-t-il beaucoup à la figure de leur oncle maternel, le père Thomas Dehau, directeur spirituel de ses neveux.

Cette famille est comme chez elle à l’Eau vive. Outre Thomas, le fondateur, on y trouve l’un de ses frères, le père Marie-Dominique, également dominicain, chargé de donner des cours et des prédications. Des années plus tard, c’est lui qui créera la communauté Saint-Jean, véritable aimant à vocations dans les années 1980. Le pape Jean-Paul II y voyait l’un des foyers du renouveau du catholicisme français. De nos jours, cette congrégation est en plein marasme après avoir reconnu, en 2013, les dérives spirituelles et sexuelles de son fondateur et de ses émules.

« Comment ai-je pu accepter tout cela ? »

Le père Thomas est aussi en relation étroite avec l’une de ses sœurs, Cécile, laquelle lui donne volontiers accès au couvent voisin de moniales dominicaines de la Croix et de la Compassion à Etiolles, où elle est maîtresse des novices et lui, directeur de conscience.
A l’Eau vive, le prêtre donne libre cours à une piété mariale très singulière. « Cette manière de vouloir faire de la sainte Vierge l’épouse de son fils (…) m’exaspère et me scandalise », écrit Jacques Maritain, cité par l’historien Etienne Fouilloux, dans le Dictionnaire biographique des frères prêcheurs. Le père Thomas est le directeur spirituel de nombreuses femmes, laïques ou religieuses. Il est entouré d’une galaxie d’ardents dévots, prêts à patienter des heures pour être reçu par lui. Le prêtre a théorisé une sorte d’union mystico-charnelle entre Jésus et sa mère, qu’il fait revivre à ses victimes. Parmi elles, Michèle-France Pesneau.

Michèle-France Pesneau regarde droit dans les yeux. Les siens sont bleu azur, profonds et pénétrants. Cette ancienne carmélite de 75 ans aime savoir à qui elle a affaire. Sa confiance se mérite, rien de plus normal. Dans le documentaire d’Arte Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise, diffusé en mars 2019, elle était juste présentée comme « Michèle-France ». Mais la retraitée, visiblement apaisée par une psychothérapie commencée il y a cinq ans, accepte désormais de témoigner sous son nom. Fin avril, son premier livre, L’Emprise, paraîtra aux éditions Golias.

Sa petite maison de Trosly-Breuil est tout à fait modeste. Au rez-de-chaussée, un radiateur d’appoint tente de combattre le froid et l’humidité de la salle à manger exiguë. Pourtant, on se sent bien chez elle, l’atmosphère y est bienveillante. Michèle-France est l’une des nombreuses femmes à avoir subi les délires mystico-sexuels des frères Philippe.

L’abbé Marie-Dominique fut le premier à abuser d’elle, en 1972, après que la jeune novice, dont il était l’accompagnateur spirituel, eut prononcé ses vœux perpétuels. « Il expliquait vouloir me faire sentir l’amour de Jésus et disait en être le petit instrument. » Vint ensuite le tour, en 1976, de son frère, Thomas, alors aumônier de l’Arche. L’abbé justifie ses abus sexuels en invoquant de prétendues « grâces mystiques » reçues en contemplant un tableau de la Vierge, à Rome : « Il m’a raconté qu’il avait alors vécu une sorte de nuit de noces avec Marie et qu’il voulait revivre la même chose avec moi. »

Si elle est demeurée croyante, Michèle-France Pesneau a perdu toute foi dans le Christ et en l’Incarnation car jamais elle n’oubliera les paroles de son prédateur – « Je te fais les grâces que Jésus et Marie partageaient pendant leur vie terrestre » – quand il l’obligeait à lui faire des fellations et à adopter des positions humiliantes. « Comment ai-je pu accepter tout cela ? Mais dénoncer un prêtre à qui je devais obéissance, c’était rejoindre le camp de Satan. Et puis, à l’époque, personne ne parlait des scandales sexuels au sein de l’Eglise. »

« Viens prier avec moi sur ton lit »

Les deux dominicains, qui ne portaient pas de pantalon mais juste un slip sous leur soutane, utilisaient les mêmes expressions pour contraindre leurs victimes aux ébats : « Viens, nous allons prier ensemble. Viens prier avec moi sur ton lit. » Un langage anodin dont seules les captives de cette secte délirante pouvaient reconnaître la perversion encryptée.

Le jeune Vanier a vite l’occasion de prouver sa fidélité à son père spirituel. Dès la fin 1951, soit environ un an après leur rencontre, des rumeurs circulent sur les pratiques du père Thomas envers certaines de ses « dirigées ». A l’époque deux victimes réclament déjà des comptes. Les dominicains lui retirent la direction de l’Eau vive et lui interdisent de confesser ou de diriger des femmes, lui ordonnant d’aller s’expliquer à Rome. Jean Vanier l’y conduit lui-même en voiture, un long voyage. En fait, le Saint-Office a ouvert un procès contre le prêtre. Débute alors un grand passage à vide pour le duo. Mais leur alliance est indéfectible : Thomas a confié à Jean les rênes de l’Eau vive.

Ce dernier est sans doute informé dès 1952 de la teneur du procès. Malgré les consignes de Rome, il correspond avec le père Thomas et l’aide même à rencontrer clandestinement des femmes du groupe. En 1956, le Saint-Office inflige à l’abbé une peine dite de « déposition » : il n’a plus le droit de délivrer les sacrements, de prêcher ni d’être directeur spirituel. C’est l’ultime sanction avant le défroquage. Le Saint-Siège sanctionne aussi son frère, sœur Cécile et leur oncle. Dans la foulée, il ordonne la fermeture de l’Eau vive, la dispersion de son noyau, « ces pauvres âmes perdues », selon l’expression du secrétaire du Saint-Office, interdisant sa reconstitution.

« Dans l’ensemble des lettres conservées par Jean Vanier, une série d’indices conduit à penser qu’il aurait partagé des pratiques sexuelles semblables à celles du père Thomas », rapporte l’enquête de l’Arche.

Jusqu’à sa mort, Jean Vanier niera avoir eu connaissance des motivations de cette sentence, couverte par le secret pontifical. Mais il est aujourd’hui établi que la sanction de 1956, dont il avait été averti, ne visait pas seulement les questions doctrinales mais aussi les abus sexuels.

Comment expliquer, dès lors, sa fidélité absolue au père Thomas ? Peut-être parce qu’au-delà de leur possible relation homosexuelle, « l’élève » fut associé, des années durant, aux déviances du « maître ». « Dans l’ensemble des lettres conservées par Jean Vanier, une série d’indices conduit à penser qu’il aurait partagé [à l’époque] des pratiques sexuelles semblables à celles du père Thomas », rapporte l’enquête de l’Arche récemment dévoilée.

« J’étais sous emprise »

En 1964, c’est le noyau de l’Eau vive, censé avoir été dispersé sur ordre du Vatican, qui fonde sans obstacle l’Arche, à Trosly-Breuil. Peu à peu, Rome a restitué au dominicain le droit d’administrer les sacrements et d’être directeur spirituel.

Pourquoi ? A la suite de quelle intervention ? « Faute d’accès, pour le moment, à une documentation sûre et recoupée, on ne peut que s’en tenir à des hypothèses. Aucune ne peut être écartée », commente l’historien Tangi Cavalin, chargé par les dominicains de faire la lumière sur les responsabilités internes.

La continuité entre le groupe de l’Eau vive et celui des fondateurs de l’Arche pose une autre question : jusqu’où le poison a-t-il diffusé dans la nouvelle communauté ? D’autres prédateurs ont-ils existé ? Un autre disciple du père Thomas est sous haute surveillance aujourd’hui : l’abbé Gilbert Adam, 80 ans, ancien aumônier de l’Arche et protégé de Jean Vanier. En novembre 2014, comme Le Monde est en mesure de le révéler, une femme, appelons-la Catherine, a déposé une plainte à la brigade de recherches de Compiègne. Quelques mois auparavant, elle avait envoyé un long témoignage au tribunal ecclésiastique de Paris où elle racontait l’emprise du prêtre, coupable selon elle de lui avoir imposé des relations sexuelles entre 1996 et 2006. Les seize pages manuscrites sont difficiles à lire, l’écriture est serrée, révélatrice de la détresse trop longtemps étouffée, de cette catholique qui pensait entrer dans les ordres.

Catherine a 24 ans quand le père Gilbert devient son accompagnateur spirituel. « Un jour il a approché ses lèvres de ma bouche et m’a embrassée. J’étais sous emprise, j’étais comme endormie et surtout il me disait que cela venait de Dieu, que c’était unique, que c’était mon secret avec Marie », rapporte-t-elle dans sa lettre. La nuit du 6 octobre 1996, comment pourrait-elle oublier la date, l’ecclésiastique la fait venir chez lui et l’entraîne dans son lit. « Au moment de l’acte sexuel, j’ai eu très peur. Je lui ai dit : “Vous allez m’écraser.” Il m’a rassurée en me disant que tout allait bien se passer. » Au fil des rencontres, elle lui confie ses angoisses, ses crises de larmes. Pour la calmer, il lui répond : « Si tu veux, on peut aller voir Jean Vanier et lui parler, il comprend très bien. »

En juillet 2014, l’évêque de Beauvais interdit au père Gilbert de confesser ou d’exercer un accompagnement spirituel. Il peut toutefois célébrer l’eucharistie à son domicile de Trosly-Breuil et, « exceptionnellement, en présence de quelques fidèles seulement ». Aujourd’hui encore, il continue à célébrer la messe en privé. Pour combien de temps ?

Beaucoup de questions

Le 6 novembre 2015, la plainte de Catherine a été classée par le tribunal de grande instance de Compiègne : « L’infraction ne paraît pas suffisamment constituée ou caractérisée, l’enquête n’ayant pas permis de rassembler des preuves suffisantes », a estimé la justice. De fait, dans ce dossier, c’est parole contre parole. Le père Gilbert conteste toute relation sexuelle avec Catherine, il reconnaît juste des gestes d’affection.

Mais l’affaire pourrait rebondir. « Notre enquête sur Jean Vanier a rapporté des éléments qui concernent le prêtre, révèle Stephan Posner. La nature des faits dont nous disposons pourrait nous amener à aller trouver la procureure de Compiègne. »

Sollicité par Le Monde, Gilbert Adam, qui a refusé toute rencontre, indique par mail vouloir « réserver ses réponses à la justice si elle est saisie ». De son côté, la procureure de Compiègne, Virginie Girard, prévient : « Si je dispose d’éléments nouveaux, je lancerai une enquête et reprendrai l’ancienne procédure à la lumière des faits révélés. »

« C’est notre histoire. Il va falloir qu’on l’assume et qu’on la dépasse, au sens positif du terme », tranche Stephan Posner

Le père Thomas, Jean Vanier, le père Gilbert… Comment, après de telles accusations, permettre à l’organisation aux 10 000 membres de survivre aux dérives de son fondateur ? En poursuivant l’opération vérité, d’après Stephan Posner : « On ne vivrait pas sainement si on gardait tout cela dans un tiroir. C’est notre histoire. Il va falloir qu’on l’assume et qu’on la dépasse, au sens positif du terme. »

Beaucoup de questions demandent encore des réponses : existe-t-il d’autres victimes, féminines ou masculines ? D’autres agresseurs ? Des membres de l’Arche ont-ils couvert ces abus ? Et, surtout, des personnes en situation de handicap ont-elles été concernées ? A ce stade, il n’y aurait aucune indication en ce sens.

Une cellule chargée de recueillir d’éventuels nouveaux témoignages a été créée. Une évaluation des procédures existantes de prévention est en passe d’être lancée. La réécriture de la charte de l’Arche va être mise à profit pour « entrer dans un processus de deuil ». Enfin, un comité sera chargé de revisiter l’héritage intellectuel de Jean Vanier, la quarantaine de livres qu’il a écrits, sans oublier ses conférences.

« Une dimension systémique » ?

« Vous voyez, c’est idiot, mais il y a un mot que j’ai du mal à prononcer désormais, c’est le mot “tendresse”. Jean l’utilisait très souvent, lui si tactile. Il aimait toucher les gens quand il leur parlait », confie Christian Petiteau, 43 ans, responsable depuis 2014 de la communauté de Wambrechies, à quelques kilomètres de Lille.

Comme à Trosly-Breuil, le foyer est sous le choc depuis les révélations. A l’accueil, en cette fin février, plus de 500 courriers saluant « le courage de l’Arche internationale d’assurer les conclusions de l’enquête en toute transparence » sont prêts à partir afin de rassurer les donateurs locaux. « Malgré ce cataclysme qui nous secoue, nous espérons que vous continuerez à nous soutenir comme vous l’avez fait jusqu’à maintenant », peut-on lire.

En France, la très grande majorité des communautés sont des établissements médico-sociaux subventionnés à 90 % par les pouvoirs publics. Mais ailleurs, en Afrique et en Asie, elles ne vivent que de dons. L’affaire Vanier est aussi susceptible d’ébranler le socle financier de l’organisation.

Reste le plus difficile : comprendre comment tout un système a pu laisser prospérer en silence ces violences sexuelles et ces abus de pouvoir. « Dans de telles situations, il existe toujours trois composantes, décrypte Stephan Posner : l’abuseur, l’abusé et leur environnement, celui de l’Arche, en l’occurrence. Il ne s’agit pas tant de trouver un coupable que de comprendre les fonctionnements ou les dysfonctionnements de notre institution. »

Clément, un jeune éducateur en poste à Trosly-Breuil, dresse le même constat : « J’ai discuté avec des amis qui exercent dans d’autres structures. Inquiets, ils me demandent comment tout cela a pu durer aussi longtemps et s’interrogent sur nos procédures professionnelles. Ces explications, nous les devons aux familles avec lesquelles nous sommes en lien permanent ».

Au bout du compte, la question cruciale est formulée par Stephan Posner : « Est-ce que Jean a transmis à d’autres ? Autrement dit, existe-t-il une dimension systémique qui s’est reproduite à l’Arche ? A ce jour, nous n’avons aucune indication que cela soit le cas. » Pour lancer ce travail d’introspection, l’association a décidé de prendre conseil auprès de personnes extérieures. Un psychiatre, un membre de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique et un sociologue aideront à mettre au point une méthodologie.

« Une épine dans notre pied »

Les responsabilités sont aussi à établir du côté de l’institution catholique. Le secret sur le procès canonique de 1956 puis la levée progressive des sanctions par le Saint-Office ont participé du silence ayant protégé les agissements de Thomas Philippe. Le rôle des dominicains dans l’itinéraire de l’un des leurs va également faire l’objet d’une enquête supervisée par l’historien Tangi Cavalin. Des contacts ont d’ores et déjà été pris au Vatican afin d’avoir accès aux archives du Saint-Office.

En attendant, à Trosly-Breuil, la tombe de Jean Vanier n’est pas la seule à témoigner d’un passé qui ne passe plus. Le père Thomas, lui aussi, est enterré ici, dans le petit jardin de La Ferme, le centre spirituel de l’Arche où il officiait et sévissait.

A sa mort, en 1993, il résidait pourtant à Saint-Jodard (Loire), à la communauté Saint-Jean, où son frère Marie-Dominique avait accompagné ses derniers moments. Par la suite, sa famille a réussi à faire transférer sa dépouille dans l’Oise. Et se refuse aujourd’hui, en dépit des demandes répétées des dirigeants de l’Arche, à l’éloigner. « C’est en effet une épine dans notre pied », soupire Stephan Posner.

De jeunes arbustes plantés récemment dissimulent en partie la sépulture, mais on peut s’en approcher et découvrir les inscriptions : « Père Thomas Philippe, à l’origine de l’Arche dont il a été le prêtre depuis la fondation en 1964. De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » Une parole de Jésus citée par l’évangile de Jean.

La source de l'article est ici.
apvs
"Vanité des vanités, dit l'Ecclésiaste, tout est vanité..."
Voilà sûrement ce qu'on retiendra de Jean Vanier.
AveMaria44
Psaume 62
Enquête partiale, datée et dépassée au vu des derniers éléments découverts et révélés, il me semble ?
Psaume 62
@fr.news Merci pour cet article détaillé.
Siagrius
J'ai fréquenté l'Arche pendant 20 ans, ai été dirigé par les père Thomas et Marie-Dominique-Philippe o.p. qui m'ont dirigé tous les deux. Je n'ai jamais eu à me plaindre le moins du monde d'eux. Je suis très étonné d'apprendre ce que l'on a découvert sur Jean Vasnier que j'ai connu aussi. J'ai peu connu le Père Gilbert qui me laisse un souvenir flou. La grande tentation des personnes qui sont …Plus
J'ai fréquenté l'Arche pendant 20 ans, ai été dirigé par les père Thomas et Marie-Dominique-Philippe o.p. qui m'ont dirigé tous les deux. Je n'ai jamais eu à me plaindre le moins du monde d'eux. Je suis très étonné d'apprendre ce que l'on a découvert sur Jean Vasnier que j'ai connu aussi. J'ai peu connu le Père Gilbert qui me laisse un souvenir flou. La grande tentation des personnes qui sont appelées à devenir de grands saints portent sur leurs défauts. Leurs tentations sont énormes ; bien plus fortes que la moyenne et il faut qu'ils y résistent. Le Père Thomas, Jean Vasnier et le Père Gilbert n'y ont pas résisté. Je pense qu'il y a eu contagion du mal par le biais des confessions et des directions spirituelles. Une personne se confesse à un prêtre d'un péché qui correspond à une des faiblesse du prêtre qui l'accueille et bien, le prêtre tombera en tentation. Idem pour la direction spirituelle. Aider un ami peut conduire à un double chemin de perdition.
C'est ce qui a dû se produire à l'Arche.
Les personnes sont-elles obligatoirement perdues ? Pas forcément mais elles auront au minimum un très long purgatoire. et jusqu'à leur dernier souffle le démon sera là pour essayer de faire ressortir les mauvaises habitudes et garder sa proie sous son emprise.
Le cas du père Thomas est un cas-type. Est-il sauvé ? Avoir cultivé toute sa vie ce double aspect et la lutte lors des derniers moments pose problème.
Siagrius
En conclusion : ne mettez jamais les gens d'office au paradis lors de leur mort, vous risqueriez d'avoir des surprises !
AveMaria44
Et la théologie du corps de "saint" Jean-Paul II ? La grande difficulté de l'amitié véritable avec Jésus-Christ, avec nos frères et sœurs, c'est que bien qu'incarnée elle ne doit pas laisser parler la chair, elle est spirituelle pure.......Toute l'ascèse catholique consiste justement à mortifier et à dompter la chair ; "je châtie mon corps et le réduis en servitude, de peur qu’ayant prêché …Plus
Et la théologie du corps de "saint" Jean-Paul II ? La grande difficulté de l'amitié véritable avec Jésus-Christ, avec nos frères et sœurs, c'est que bien qu'incarnée elle ne doit pas laisser parler la chair, elle est spirituelle pure.......Toute l'ascèse catholique consiste justement à mortifier et à dompter la chair ; "je châtie mon corps et le réduis en servitude, de peur qu’ayant prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même (I Cor. IX, 26, 27.)
Psaume 62
@AveMaria44 Pas d’amalgame diffamant svp. La théologie du corps fr.wikipedia.org/wiki/Théologie_du_corps du pape saint Jean-Paul II n’a rien à voir avec ces dérives sexuelles mystico-délirantes. Il n’a heureusement jamais été convaincu de pratiquer ce genre de folies et il pratiquait lui-même une saine ascèse www.youtube.com/watch Cela étant dit, l’ascèse véritablement chrétienne requiert …Plus
@AveMaria44 Pas d’amalgame diffamant svp. La théologie du corps fr.wikipedia.org/wiki/Théologie_du_corps du pape saint Jean-Paul II n’a rien à voir avec ces dérives sexuelles mystico-délirantes. Il n’a heureusement jamais été convaincu de pratiquer ce genre de folies et il pratiquait lui-même une saine ascèse www.youtube.com/watch Cela étant dit, l’ascèse véritablement chrétienne requiert de l’équilibre et du discernement. Saint Bernard de Clervaux dit regretter les excès d’ascèse de sa jeunesse qui lui firent perdre la santé. Et une sainte Thérèse de Lisieux mit au jour les pièges d’une mauvaise ascèse qui cache un volontarisme stérile et de l’orgueil secret.
AveMaria44
Mais c'est vous qui êtes dans la diffamation,voyez le dossier Phillipe monté par leur nièce.
La théologie du corps de "Saint" Jean-Paul II est basé sur une erreur, un faux postulat : "l’homme, parce qu’il est à l’image de Dieu qui est pur don, pure relation, « ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même ». L’homme est appelé à vivre avec quelqu’un et pour quelqu’un …Plus
Mais c'est vous qui êtes dans la diffamation,voyez le dossier Phillipe monté par leur nièce.
La théologie du corps de "Saint" Jean-Paul II est basé sur une erreur, un faux postulat : "l’homme, parce qu’il est à l’image de Dieu qui est pur don, pure relation, « ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même ». L’homme est appelé à vivre avec quelqu’un et pour quelqu’un, et cela fonde son humanité. Aussi, est-ce au moment de la création de l’être humain, comme homme et femme, et dans la communion des deux sexes que la création est achevée."
Psaume 62
Votre inversion accusatoire est pitoyable. Je n’ai diffamé quiconque contrairement à vous, par insinuation, saint Jean-Paul II. Non, ces paroles du Saint ne sont pas erronées et encore moins hérétiques. Les divers milieux anti-Vatican II s'acharnent à inventer des hérésies qui n'existent pas intrinsèquement dans les Actes magistériels conciliaires et post-concilaires. Cf. le dossier "Le vrai …Plus
Votre inversion accusatoire est pitoyable. Je n’ai diffamé quiconque contrairement à vous, par insinuation, saint Jean-Paul II. Non, ces paroles du Saint ne sont pas erronées et encore moins hérétiques. Les divers milieux anti-Vatican II s'acharnent à inventer des hérésies qui n'existent pas intrinsèquement dans les Actes magistériels conciliaires et post-concilaires. Cf. le dossier "Le vrai Concile Vatican II". L’alliance sexuée, relationnelle et existentielle entre l’homme et la femme est le couronnement de la création de Dieu (Cf. Livre de la Genèse).
Psaume 62 partage ceci
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Le choc de l'affaire Jean Vanier.
Une enquête indépendante a révélé que Jean Vanier a abusé sexuellement de quelques femmes dans le cadre d'un accompagnement spirituel, dans l'esprit d'une spiritualité dévoyée et perverse inspirée du dominicain le père Thomas Philippe qui l'accompagna dans la fondation de cette très belle oeuvre de l'Arche, lieu de vie communautaire avec des personnes en …Plus
Le choc de l'affaire Jean Vanier.

Une enquête indépendante a révélé que Jean Vanier a abusé sexuellement de quelques femmes dans le cadre d'un accompagnement spirituel, dans l'esprit d'une spiritualité dévoyée et perverse inspirée du dominicain le père Thomas Philippe qui l'accompagna dans la fondation de cette très belle oeuvre de l'Arche, lieu de vie communautaire avec des personnes en situation de lourd handicap.
Gérard de Majella
Je n'est pas eu à lire longtemps (entre 1970 et 2005 l'Eglise n'était plus celle de Jésus Christ et le vent satanique y régnais ,en voila un qui tourna sa veste comme beaucoup depuis et pas des moindres .
AveMaria44
Mais la responsabilité vient de la mauvaise théologie d'un mauvais maître.........L'erreur dans la doctrine entraîne obligatoirement les déviances morales.
blanche52
et le cléricalisme sensé remplacer la doctrine ...
AveMaria44
Jean Vanier n'était pas clerc, ni clair.......
blanche52
Oui mais son "directeur spirituel" a donné le ton et l'autorité !
AveMaria44
Son directeur spirituel était un mauvais théologien, avec une mauvaise théologie. Que le directeur spirituel est une autorité, cela est normal, il n'y a pas de cléricalisme là dedans, le problème vient qu'il a mal utilisé son autorité, pour, en plus, conduire une âme selon une mauvaise théologie.....
AveMaria44
Ne pas oublier les laïcards qui abusent chaque jour de leur pseudo-autorité pour enseigner l'erreur à jet continu. L'école sans Dieu, l'université sans Dieu......